Un fin pansement blanc dissimule le haut de la pommette de Shatha Hammad. On devine un bleu sur l’arête de son nez. « J’ai cru que j’allais perdre mon œil », souffle la journaliste. Le 26 juin, elle couvre une manifestation à Ramallah, le siège de l’Autorité palestinienne (AP), en Cisjordanie. Des centaines de personnes sont réunies pour réclamer justice après qu’un activiste, Nizar Banat, a été tué lors de son interpellation par les forces de sécurité palestiniennes deux jours auparavant – vraisemblablement battu à mort. « Un homme, habillé en civil, a d’abord tenté de m’arracher mon téléphone portable et de m’attaquer. Il portait un masque pour ne pas qu’on le reconnaisse », raconte la Palestinienne de 32 ans, un voile violet encadrant son visage fatigué.
En face des manifestants, un groupe de soutiens du Fatah, le parti du président palestinien Mahmoud Abbas, et des membres des forces de sécurité font barrage. Ce jour-là, un homme est traîné sur plusieurs mètres, frappé à coups de pied et de pierre, alors que la foule tente de le retenir face au déchaînement de violence des partisans de l’AP. Shatha Hammad s’éloigne un peu ; elle est soudain touchée au visage par un projectile de gaz lacrymogène. Elle affirme avoir été visée sciemment, parce que journaliste.
Chape de plomb
Le lendemain, dimanche, « ils étaient environ 500 membres des forces de sécurité, si ce n’est plus, vêtus en civils, à attaquer les manifestants et à les frapper, armés de gaz lacrymogène et de bâtons », raconte la jeune femme. « D’ordinaire, l’Autorité palestinienne réprime puis elle essaie de se donner l’image d’une institution démocratique. On pensait donc qu’après ce qui s’était passé le jeudi, le samedi ils nous laisseraient l’espace pour exprimer notre colère. On a été surpris ! » Le 3 juillet, une autre manifestation s’est, elle, déroulée plutôt dans le calme, mais les accès au palais présidentiel ont été bouclés et certaines routes fermées pour empêcher l’arrivée de manifestants d’autres villes.
La militante palestinienne Shatha Hammad montre sur son téléphone une photo de la blessure dont elle a été victime lors d’une manifestation quelques jours plus tôt. A Silwad (Palestine), le 30 juin 2021. SAMAR HAZBOUN POUR « LE MONDE »
En parallèle, l’efficace chape de plomb instaurée par l’AP fonctionne à plein régime. Le pouvoir à Ramallah « n’a rien reconnu ni expliqué, c’est comme s’il ne s’était rien passé » après la répression des manifestations, s’indigne Shatha Hammad. Les institutions gardent le silence ; face à l’inaction de leur syndicat, certains journalistes ont fini par découper leur carte de presse, humiliés. Seul le ministre du travail, Nasri Abu Jaish, issu du Parti communiste, a présenté sa démission en réaction. L’appareil sécuritaire a nié toute implication : « Il n’y a pas de membres de la sécurité en civil. Pourquoi s’habilleraient-ils en civil ? » a ainsi déclaré à la radio leur porte-parole, Talal Dweikat.
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