Même s’il estime ne pas encore avoir « tué » le Tour de France, Tadej Pogacar semble intouchable après sa démonstration lors de la huitième étape, ce samedi. Le Slovène devra toutefois se méfier de certains dangers dans sa défense du maillot jaune.
L’an dernier, il avait au moins attendu la veille de l’arrivée pour assommer le Tour de France. Mais il faut croire qu’il est devenu plus gourmand. Impitoyable, aussi, avec l’envie de ne rien laisser à ses adversaires. Même pas les miettes. Et tant pis pour le suspense. Du haut de ses 22 ans, Tadej Pogacar a rappelé à tout le monde qui était le patron du peloton en écrasant la concurrence ce samedi dès la première étape de montagne, entre Oyonnax et le Grand-Bornand.
Sûr de sa force, et sans doute piqué par les faiblesses affichées la veille par son équipe, qui avait dû s’employer pour empêcher Mathieu van der Poel et surtout Wout Van Aert de prendre trop de temps, la mobylette slovène a calmé tout le monde pour endosser le maillot jaune, avec une attaque en deux temps dans le col de Romme, à l’approche des 30 derniers kilomètres.
Son second démarrage a fait voler en éclats ce qui restait alors du groupe des favoris. L’Equatorien Richard Carapaz a bien tenté de s’accrocher, avant de s’incliner à son tour, impuissant devant l’épatant numéro proposé par Pogacar. Un one-man-show, une démonstration de puissance et de force, ne laissant aucun espoir aux autres. Les rescapés de l’échappée ont été repris un par un par un par la tornade de Klanec, à l’exception du Belge Dylan Teuns, le seul à avoir résisté à ce grand ménage.
« Je me suis dit que je n’allais pas essayer de le suivre. C’était tout bonnement impossible. Il était impressionnant, il n’y a pas d’autres mots », constatait à l’arrivée le Normand Guillaume Martin, huitième de l’étape. Même analyse pour Aurélien Paret-Peintre: « Il est passé fort. Il est au-dessus pour l’instant. Je pense qu’il avait envie de marquer un grand coup parce que son équipe a été piégée vendredi. Et là il a remis l’église au milieu du village. » Pogacar a fait un peu plus que ça, même si le principal intéressé s’est aussitôt défendu d’avoir « tué le Tour ».
Une concurrence larguée
« J’ai simplement attaqué, c’est la meilleure défense et ça s’est très bien passé, a-t-il sobrement expliqué en conférence de presse. J’ai créé un écart, peut-être que demain quelqu’un d’autre fera de même. Chaque jour, mes adversaires essaieront de me prendre du temps. La route est encore longue, tout peut arriver. »
Oui mais quoi? Bien sûr, il reste encore deux semaines avant de voir les Champs-Elysées, les aléas peuvent être nombreux, et une gamelle est vite arrivée. Primoz Roglic et Geraint Thomas ne diront pas le contraire. Après avoir goûté au bitume en début de semaine, le Slovène et le Gallois se retrouvent largués au classement général. Le destin peut parfois être cruel.
Un exemple, au hasard: la terrible chute de Steven Kruijswijk dans la descente du col d’Agnel, lors de la 19e étape du Giro 2016, au terme de laquelle le Néerlandais avait perdu toute son avance, ses trois minutes sur Esteban Chaves et surtout ses quatre minutes sur Vincenzo Nibali, le futur vainqueur. Une défaillance peut aussi tout renverser. Certains rappelleront celle dont avait été victime Simon Yates, il y a trois ans, sur le Tour d’Italie.
Leader incontesté pendant deux semaines, il s’était effondré à deux jours de l’arrivée, terminant à près de quarante minutes de Chris Froome. Victoire finale, podium et même top 20, tout s’était envolé pour le Britannique. Des épisodes qui empêcheront peut-être Pogacar de dormir paisiblement lors des deux prochaines semaines. Car à part ces impondérables, sur lesquels il a le moins de prise, rien ne semble pouvoir le faire trébucher. Après huit étapes, et seulement une de montagne, la concurrence est déjà KO.
Son dauphin belge Wout Van Aert? Il a affiché ses limites ce samedi et pointe à 1’48’’. Ceux qui étaient présentés comme des prétendants à la victoire finale sont encore plus loin. Vraiment très loin. Le Colombien Rigoberto Uran est à 4’46’’, Carapaz à 5’01’’, le Néerlandais Wilco Kelderman à 5’13’’, l’Espagnol Enric Mas à 5’15’’, le Breton David Gaudu à 5’52″… Et aucun ne semble avoir les armes pour le renverser. Ou alors ils ont extrêmement bien caché leur jeu depuis le départ de Brest. Pogacar paraît même capable d’accentuer ces écarts déjà monstrueux, sur des terrains qui lui seront favorables. Personne ne connaît ses limites et jusqu’où il peut aller.
Des pièges à éviter
Cyrille Guimard, membre de la Dream Team RMC Sport, a pourtant envie de croire que le suspense n’est pas mort: « Je n’aime pas qu’on dise que c’est terminé. Regardez l’an dernier… Tout est possible. C’est vrai que tous les voyants sont au vert pour Pogacar, mais il y a un problème: il a une équipe relativement faible. » C’est vrai. Marc Hirschi, Rui Costa, Rafal Majka ou encore Brandon McNulty n’ont pas été d’un grand soutien ce samedi pour Pogacar. Seul Davide Formolo s’est accroché, en fournissant un sacré travail dans le col de Romme, avant de laisser son leader s’envoler. D’autres formations sont mieux armées que la UAE-Team Emirates, mais l’édition 2020 avait montré que Pogacar pouvait tout à fait se débrouiller sans équipier à ses côtés ou presque. Attention toutefois à d’éventuelles alliances si des formations continuent de croire à un renversement de situation. Attention à la gestion du maillot jaune. Attention aussi à ne pas être trop isolé sur des étapes où des bordures pourraient se dessiner.
L’an dernier, c’est en se retrouvant piégé par le vent, mal entouré, qu’il avait lâché plus d’une minute sur Roglic et Egan Bernal à Lavaur lors de la septième étape du Tour. Mais on connaît la suite. Un sursaut d’orgueil l’avait poussé à attaquer dès le lendemain, ce qui lui avait permis de gommer une partie de son retard et de marquer les esprits. Car avec Pogacar, une erreur se répète rarement deux fois. Et l’étape de dimanche, avec cinq ascensions classées et une arrivée à Tignes, peut lui permettre d’écœurer un peu plus Van Aert, Carapaz, Uran et les autres.
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