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Récit« Les 100 ans du Parti communiste chinois » (3/3). Après son arrivée à la tête du parti, en 2012, le président chinois a douché les espoirs d’ouverture que sa nomination avait pu faire naître. Xi Jinping a montré qu’il n’entendait laisser à personne le soin de réfléchir à la Chine de demain, pas plus qu’à celle d’hier.
Ses films font le tour du monde, mais lui vit reclus. Qualifié de « Claude Lanzmann chinois » depuis Les Ames mortes (2018), ce documentaire de neuf heures sur les victimes du goulag maoïste à la fin des années 1950, Wang Bing reste un inconnu dans son pays. Les œuvres de ce cinéaste n’ont en effet jamais passé la censure. Si ce banni de l’intérieur accepte de rencontrer Le Monde, il souhaite que l’on ne divulgue pas son adresse. Pas question d’attirer l’attention des autorités locales. Pis, peu après l’entretien, un de ses proches nous recontacte et nous dit en substance : « S’il vous plaît, ne parlez pas non plus de ses projets, c’est trop sensible. »
Lire le portrait : Wang Bing, dans les failles de l’histoire chinoise
Star internationale, Wang Bing fait, chez lui, figure de paria. Et pourtant, il tourne. Dans le magistral A l’Ouest des rails (2003), il avait chroniqué la fin d’un monde, la fermeture des immenses complexes sidérurgiques du nord-est du pays. Cette fois, c’est dans une usine textile du sud qu’il a posé sa caméra, pour suivre pendant cinq ans de jeunes ouvriers, âgés de 18 à 27 ans, contraints de trimer quatorze heures par jour sans contrat de travail et uniquement payés au rendement. Quelque 85 % des vêtements pour enfants made in China seraient produits dans ces conditions. Un film social ? Politique ? Wang Bing le nie farouchement. Sans doute est-ce trop risqué. C’est un film « sur une génération », martèle-t-il. Le titre en atteste : Une jeunesse.
Difficile pourtant, en visionnant une (infime) partie des 4 000 heures de rushes de ne pas y voir la confirmation des propos d’un autre empêcheur de penser en rond, l’historien Qin Hui. Pour lui, « l’avantage comparatif de la Chine lors de son entrée dans l’Organisation mondiale du commerce était de ne pas avoir de droits de l’homme aussi développés ». « En Chine, le peuple n’a ni liberté ni protection sociale », nous expliquait cet universitaire dans l’arrière-salle d’un café pékinois, en 2019.
Face à un Occident qui estime parfois que ce pays n’est pas une économie de marché, ce provocateur opposait un contre-argument percutant : « Pendant la crise du sida, les paysans allaient jusqu’à vendre leur sang. Si ce n’est pas du libéralisme, ça ! » Autant de propos iconoclastes qui ont valu à l’un de ses livres d’histoire, Sortir du système impérial, d’être retiré de la vente dès sa sortie, en décembre 2015. Lui-même a été mis à la retraite anticipée par son employeur – l’université Tsinghua –, mais continue d’écrire et de s’exprimer, en critiquant la Chine mais sans attaquer directement le Parti communiste chinois (PCC), et encore moins son leader.
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