Olivier Blanchard et Jean Tirole ont enfin remis à Emmanuel Macron à l’Elysée mercredi 23 juin le rapport sur les grands défis économiques de la France. Il était prêt depuis six mois mais Emmanuel Macron a choisi son timing. Au lendemain du premier tour des élections régionales, il s’agit de prendre de la hauteur face à ce scrutin intermédiaire qui ne lui est pas favorable. Et alors que le déconfinement et la vaccination s’accélèrent, que la sortie de crise du Covid se matérialise, il s’agit de signifier qu’il est temps de se projeter dans le monde d’après.
Car le travail commandé il y a un an à ces pointures, Jean Tirole, Prix Nobel d’économie 2014, et Olivier Blanchard, ex-chef économiste du Fonds monétaire international, qui se sont entourés d’un cénacle de 24 économistes internationaux de haut vol, ne répond pas aux préoccupations immédiates post-Covid, le pilotage de la relance, les risques de chômage et faillites, le problème de la dette. L’objet de ce copieux rapport (plus de 500 pages qui ne se lisent pas comme un polar) est prospectif, se concentrant sur trois enjeux centraux auxquels sera confrontée l’économie française dans les décennies à venir: le réchauffement climatique, les inégalités sociales et le vieillissement démographique.
Du travail sérieux d’économistes
Car le travail commandé il y a un an à ces pointures, Jean Tirole, Prix Nobel d’économie 2014, et Olivier Blanchard, ex-chef économiste du Fonds monétaire international, qui se sont entourés d’un cénacle de 24 économistes internationaux de haut vol, ne répond pas aux préoccupations immédiates post-Covid, le pilotage de la relance, les risques de chômage et faillites, le problème de la dette. L’objet de ce copieux rapport (plus de 500 pages qui ne se lisent pas comme un polar) est prospectif, se concentrant sur trois enjeux centraux auxquels sera confrontée l’économie française dans les décennies à venir: le réchauffement climatique, les inégalités sociales et le vieillissement démographique.
Du travail sérieux d’économistes réputés mais pour quelle portée concrète? D’un côté, malgré une attention portée aux perceptions de l’opinion publique et à la pédagogie de la réforme, le rapport est loin d’être une boite à outils d’idées et mesures clé-en-main comme l’ambitionnait, par exemple, en 2008, le rapport de la Commission de la libération de la croissance présidée par Jacques Attali, avec ses 316 propositions chocs. Les recommandations sont là de portée plus générale, certaines exploratoires, souvent non chiffrées. De l’autre, le chef de l’Etat a certes missionné ce cénacle d’économistes de haut vol mais l’Elysée fait bien savoir qu’il n’est lié en rien pour le suivre: « ce rapport est un bien commun, qui apporte une contribution utile dont tout le monde peut librement s’inspirer « , dit-on dans l’entourage présidentiel. Pas question cette fois de s’engager comme l’avait fait Emmanuel Macron promettant de mettre en oeuvre (plus ou moins) les 149 propositions issues des travaux de la Convention citoyenne pour le climat, remises en juin 2020.
La retraite à points plus « juste »
Pourtant parmi les trois chapitres, si les considérations sur le prix du carbone et les questions d’accès aux bons emplois restent au rang de travaux académiques, Emmanuel Macron peut trouver de l’inspiration sur un sujet d’actualité qu’il vient lui-même de relancer dernièrement, décidé à en faire l’ultime réforme de son mandat: la réforme des retraites. Sauf que là où l’Elysée et Bercy se contentent désormais de prôner une réforme « paramétrique » de recul de l’âge de la retraite visant à éponger les déficits, la commission Blanchard-Tirole remet une pièce dans la machine pour un big-bang « systémique » bien plus ambitieux rappelant celle votée par l’Assemblée en première lecture en juin 2020, dans la lignée du rapport Delevoye, qui prônait une retraite à points et une fusion des 42 régimes de retraites existants en un seul. Plaidant qu’il y a eu un malentendu sur la manière de « vendre » cette réforme, les économistes assurent que « le projet de système universel par points, présenté en 2019 par le gouvernement, peut constituer une excellente base de départ ». Ce système serait « plus transparent et plus juste » plaident les auteurs, les économistes Axel Börsch-Supan (Allemagne) et Carol Propper (Royaume-Uni), et la sociologue Claudia Diehl (Allemagne). Pour le rendre encore plus redistributif, ils proposent de donner des « points gratuits » aux 40% des travailleurs les moins riches (les bas salaires, précaires, ceux qui ont eu une carrière hachée, des accidents de parcours) et aussi de faire partir plus tôt les actifs exerçant un métier reconnu pénible.
Le recul de l’âge de la retraite « inévitable »
Pour autant, la commission juge aussi « inévitable » de retarder l’âge de départ à la retraite, aujourd’hui le plus bas des pays de l’OCDE, pour maintenir un certain équilibre financier alors que le nombre de retraités par rapport aux actifs va augmenter de 36% dans les vingt ans à venir. La règle proposée: décaler l’âge de retraite à mesure de l’augmentation de l’espérance de vie en répercutant les deux-tiers de cette augmentation en allongement de la vie active et un tiers en allongement de la durée de retraite. L’idée est aussi de continuer à donner des points aux actifs qui travailleraient au-delà de l’âge de retraite, pour inciter à travailler plus longtemps. La question de l’âge de la retraite est un chiffon rouge pour les syndicats qui ne veulent pas entendre parler de bouger les curseurs pour faire des économies.
Cependant, la commission ne réfléchit pas qu’en termes comptables puisqu’elle propose d’indexer les retraites plutôt sur la croissance des salaires que sur l’inflation des prix. Un calcul plus équitable car il permet, contrairement à la méthode actuelle, de valoriser de la même façon les droits acquis en début, au milieu ou en fin de carrière. Mais ce système, bien plus avantageux pour les retraités vu que la progression des salaires est plus dynamique que l’inflation (ce qui conduit à un décrochage de niveau de vie des retraités par rapport aux actifs), coûterait donc plus cher aux finances publiques, qui a pu limiter les revalorisations de pensions ces dernières années grâce à la très faible inflation. La commission propose certes des mécanismes correcteurs pour que le poids des retraites reste à 14% du PIB (ce qui est déjà un record) mais ce changement de mode de calcul, même s’il est plus équitable sur le fond, est une trop mauvaise affaire pour les caisses de l’Etat pour risquer être adopté.
La commission propose, l’Elysée dispose
Au final, la réforme des retraites proposée semble aussi sensée économiquement que périlleuse politiquement, comme l’ont montré les mobilisations contre la réforme de 2019. « La mère de toutes les réformes » disait alors Emmanuel Macron, a été balayée par le Covid. Et ce rapport risque bien, comme tant d’autres, de finir à prendre la poussière sur une étagère.
« La demande émane d’Emmanuel Macron qui voulait un éclairage sur les réponses aux défis économiques de long terme, rappelle Olivier Blanchard. Ce qu’il en retiendra relèvera de son choix. » « Nous sommes là pour alimenter la boîte à idées et n’avons aucune légitimité pour décider des politiques, renchérit Tirole. Mais il y a dans ce rapport un état pointu des connaissances et les réflexions de spécialistes reconnus mondialement. A la disposition du chef de l’Etat mais aussi de tous les candidats à l’élection présidentielle 2022. » A voir qui aura le courage de s’en saisir, sur les retraites comme sur les autres thèmes où d’autres propositions explosives comme la taxe carbone (dans le chapitre sur le climat) et l’impôt sur l’héritage (dans le chapitre sur les inégalités) ne sont pas plus populaires.
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