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Covid-19 : pourquoi les Britanniques, champions de la vaccination, repoussent le déconfinement

Vaccination contre le Covid-19, à Londres, le 11 juin 2021. NAM Y. HUH / AP

Ils faisaient la course en tête de la vaccination grâce à leur arme maison – le vaccin suédo-britannique conçu par l’université d’Oxford et le groupe AstraZeneca –, voyaient il y a un mois encore le nombre de contaminations chuter et la perspective d’un déconfinement total approcher. Mais le vent a radicalement tourné outre-Manche. Boris Johnson a annoncé, lundi 14 juin, le report au 19 juillet de la dernière étape de levée des restrictions. Programmée le 21 juin, celle-ci prévoyait, entre autres, la réouverture des discothèques, l’autorisation pour les salles de spectacle de revenir à pleine capacité, la fin des jauges pour les rassemblements et les mariages…

La progression rapide du variant Delta – nouveau nom du variant dit « indien », selon la nomenclature adoptée par l’Organisation mondiale de la santé – est venue jouer les trouble-fête en balayant son cousin Alpha, dit « britannique », responsable de la dernière vague épidémique qui a endeuillé le pays. L’inquiétude des scientifiques grandit et M. Johnson avait averti qu’il voulait adopter une approche « irréversible » en matière de déconfinement.

Un nouveau délai qui ne manquera pas de provoquer la colère d’une partie du camp conservateur de M. Johnson et qui constitue un revers pour les nombreuses entreprises qui espéraient une réouverture estivale complète pour compenser les pertes de l’année écoulée. Comment expliquer ce revirement ?

1. Quelle est la progression du variant Delta ?

Après un long confinement hivernal et une campagne de vaccination menée tambour battant, le gouvernement britannique avait progressivement levé diverses restrictions. Mais, après une chute en mai, le nombre de contaminations est récemment reparti à la hausse.

Selon plusieurs experts britanniques, le variant Delta est plus contagieux que le variant Alpha d’environ 60 %, et est surtout responsable de la remontée des infections : elles ont triplé en trois semaines, atteignant près de 8 000 cas vendredi, dans le pays d’Europe le plus meurtri par la pandémie, avec près de 128 000 morts. Et le variant Delta y est désormais majoritaire, représentant près de 74 % des cas.

« Entre la moitié et les trois quarts des nouveaux cas sont dus au variant B.1.617.2 [Delta] », soulignait à la fin mai le ministre de la santé, Matthew Hancock. « Ce variant est en train de devenir dominant [dans le pays], confirmait Jenny Harries, la responsable de l’agence de la santé britannique. Il continue à progresser, mais nous ne savons pas si c’est parce qu’il se propage ou si c’est parce que nous testons davantage dans les zones où il circule. »

En Angleterre, le dernier point technique des autorités de santé, le Public Health England (PHE), le 11 juin, confirmait la supériorité du variant Delta sur l’Alpha en matière de diffusion, sans que la valeur exacte de sa contagiosité puisse être fermement déterminée.

Cette plus grande transmission peut s’expliquer par une contagiosité accrue ou par une capacité à échapper aux anticorps, ou les deux ; aucune étude n’a encore été publiée pour préciser l’intensité d’une voie ou de l’autre. Les données de PHE soulignent également que des données préliminaires en Angleterre et en Ecosse montrent un risque d’hospitalisation plus élevé pour le variant Delta que pour l’Alpha.

2. Comment se répartit le variant Delta dans le pays ?

Le variant Delta est désormais présent sur tout le territoire, y compris à Londres, mais l’épicentre des infections se situe dans le nord-ouest de l’Angleterre et, dans une moindre mesure, dans les Midlands.

Des zones densément peuplées (Bolton, Blackburn ou Leicester), où une part importante de la population vit dans des foyers multigénérationnels et occupe des emplois de service pour lesquels le télétravail est impossible. Nombreux y sont les habitants issus du sous-continent indien : les premières personnes infectées par le variant B.1.617.2 revenaient directement d’Inde. Dans ces zones, le gouvernement britannique a fait envoyer l’armée pour aider à la vaccination accélérée des populations.

3. Quelle est l’efficacité des vaccins contre ce variant ?

Selon une étude du PHE menée entre le 5 avril et le 16 mai, le vaccin de Pfizer-BioNTech était efficace à 88 % contre le variant Delta deux semaines après la deuxième dose (comparé à une efficacité de 93 % contre le variant Alpha), alors que, sur la même période, le vaccin d’AstraZeneca était efficace à 60 % (contre 66 %).

Les deux vaccins étudiés sont efficaces à 33 % contre la maladie symptomatique provoquée par le variant Delta trois semaines après l’injection de la première dose, contre environ 50 % face au variant Alpha, selon le PHE. Le génome du coronavirus a été séquencé pour 12 675 cas pris en compte dans cette étude, dont 1 054 étaient des cas de variant Delta.

4. Vaccins d’AstraZeneca et espacement des doses long

En repoussant la dernière étape du déconfinement, le gouvernement britannique entend gagner du temps en vaccinant davantage de personnes et en protégeant ainsi une plus grande partie de la population contre le virus.

Mais le regain épidémique dans le pays, qui compte, paradoxalement, l’une des populations les plus vaccinées du monde, soulève ainsi la question de l’efficacité du vaccin d’AstraZeneca, lequel continue d’y être majoritairement utilisé : il représente les deux tiers des inoculations. En mars, le premier ministre vantait une nouvelle fois, dans une tribune du Times, un vaccin « extrêmement » efficace, après des polémiques liées à des cas mortels de thrombose.

Outre sa forte transmissibilité, le variant Delta montre une grande capacité à infecter les personnes n’ayant reçu qu’une seule dose de vaccin, toujours selon l’étude du PHE. Or le pays a non seulement opté pour l’utilisation à grande échelle d’un vaccin dont le taux de protection contre le variant Delta se révèle inférieur à ceux à ARN messager, mais également pour retarder le délai entre la première et la deuxième dose, afin d’augmenter le nombre de personnes ayant reçu au moins une dose. Ainsi, si 79 % de la population adulte britannique a reçu une première dose, le chiffre tombe à 56,6 % pour la deuxième.

Les dernières données du PHE avaient ainsi amené le gouvernement à revoir sa stratégie vaccinale et à accélérer le rythme des deuxièmes doses : le 14 mai, le comité britannique sur la vaccination avait ainsi préconisé de ramener à huit semaines le délai avant la deuxième injection, qui était alors de douze semaines.

Le Monde avec AFP

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