Publié le : 05/06/2021 – 09:28
Deux jours après la suppression d’un message du président Muhammadu Buhari, le gouvernement du Nigeria dit avoir suspendu Twitter dans le pays. Pourtant, le réseau social continuait de fonctionner vendredi en fin de journée. Plusieurs ONG dénoncent un tour de vis contre la liberté d’expression.
Le gouvernement nigérian a annoncé, vendredi 4 juin, avoir suspendu les activités de Twitter dans le pays le plus peuplé d’Afrique. La coupure du réseau social intervient deux jours après la suppression d’un tweet du président Muhammadu Buhari par la plateforme américaine.
« Le gouvernement fédéral a suspendu, pour une durée indéterminée, les activités du service de microblogging et de réseau social Twitter au Nigeria », a précisé le ministère de l’Information et de la Culture dans un communiqué.
Vendredi en fin d’après-midi, le réseau social fonctionnait toujours au Nigeria, ont néanmoins observé des journalistes de l’AFP dans le pays. Et le ministère a également publié son communiqué sur son compte Twitter.
The Federal Government has suspended, indefinitely, the operations of the microblogging and social networking service, Twitter, in Nigeria.
— Fed Min of Info & Cu (@FMICNigeria) June 4, 2021
Interrogé par l’AFP sur le fait que Twitter était toujours accessible, le conseiller spécial du ministère, Segun Adeyemi, a répondu ne pas être en mesure de s’exprimer sur des aspects techniques. « Les activités seront suspendues pour une durée indéterminée », a-t-il toutefois confirmé.
Twitter accusé de soutenir les manifestations
« L’annonce du gouvernement nigérian sur la suspension des activités de Twitter au Nigeria est très préoccupante », a réagi le réseau social en début de soirée. « Nous enquêtons et vous tiendrons informés lorsque nous en saurons plus », a ajouté l’entreprise.
Cette suspension intervient deux jours après la suppression, mercredi, par Twitter d’un message du président Buhari qui menaçait les responsables des violences actuelles dans le Sud-Est du Nigeria, le réseau social estimant que le chef de l’État enfreignait ses règles d’utilisation.
Le ministre de l’Information de Muhammadu Buhari, Lai Mohammed, avait répliqué, lors d’un message à la presse, que si Twitter avait ses propres règles, le président avait le droit de commenter la situation au Nigeria. Il avait notamment accusé le réseau social de tolérer les messages du chef d’un groupe séparatiste actif dans le Sud-Est du Nigeria qui, selon lui, encouragent la violence.
Le ministre avait également fait référence à l’appel lancé l’année dernière par le PDG de Twitter, Jack Dorsey, à donner des bitcoins pour soutenir les manifestations contre les violences policières qui secouaient le pays. « La mission de Twitter au Nigeria après ces deux exemples est très suspecte. Quelles sont ses intentions ? », avait-il lancé aux journalistes.
Une « tentative de censure de la contestation », selon Human Rights Watch
L’annonce du gouvernement nigérian a très largement fait réagir les internautes sur… Twitter, où une vague de messages d’indignation a déferlé.
« Cette action répressive est une tentative claire de censurer la contestation et d’étouffer l’espace civique », s’est indigné Anietie Ewang, chercheuse au Nigeria pour Human Rights Watch (HRW).
#Nigeria’s Federal Government has suspended @Twitter operations in the country after President Buhari’s tweets referencing the Nigerian civil war were deleted for violating Twitter’s rules. This repressive action is a clear attempt to censor dissent & stifle the civic space. @hrw https://t.co/480fmvizI3
— Anietie Ewang (@aniewang) June 4, 2021
« C’est le summum du musellement de la liberté d’expression qui ne peut se produire que dans les dictatures », a écrit l’analyste nigérian Bulama Bukarti. « Cela restera dans l’histoire comme l’une des plus grandes erreurs de Buhari et l’un de ses plus grands désastres en matière de relations publiques », a-t-il ajouté.
L’ONG Amnesty International a appelé les autorités « à annuler immédiatement la suspension illégale et les autres projets visant à bâillonner les médias, à réprimer l’espace civique et à porter atteinte aux droits humains des Nigérians ». « Cette action est clairement incompatible avec les obligations internationales du Nigeria, notamment en vertu de la Charte africaine des droits de l’Homme », a dénoncé l’organisation.
Le recours aux VPN
Le Nigeria est la plus grande démocratie en Afrique, mais le gouvernement est très régulièrement pointé du doigt par les organisations de défense des droits humains. En novembre 2019, le gouvernement avait mis en place des mesures plus strictes pour réguler les médias et lutter contre la désinformation sur les réseaux sociaux, lesquelles avaient été perçues par la société civile comme une restriction de la liberté d’expression.
Get acquainted with the use of VPNs. There are loads of free ones. If the telcos ban access to Twitter, you’d need VPNs to access it.
— JJ. Omojuwa (@Omojuwa) June 4, 2021
Dans les pays où les réseaux sociaux sont bloqués, de nombreux utilisateurs contournent l’interdiction en utilisant des VPN (réseaux privés virtuels). « Familiarisez-vous avec l’utilisation des VPN. Il en existe de nombreux gratuits. Si les opérateurs téléphoniques interdisent l’accès à Twitter, vous aurez besoin de VPN pour y accéder », a ainsi tweeté l’influenceur nigérian Japheth Omojuwa à son million d’abonnés.
Avec AFP
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