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Journée de mobilisation en soutien à la chercheuse Fariba Adelkhah, retenue en Iran depuis deux ans

La chercheuse Fariba Adelkhah, en 2012. THOMAS ARRIVE / AFP

Le 5 juin 2019, l’anthropologue franco-iranienne Fariba Adelkhah était arrêtée à Téhéran : deux ans plus tard, elle est toujours privée de liberté, « otage » parmi d’autres du régime iranien dans son bras de fer avec les Occidentaux.

Pour marquer cet anniversaire, son portrait sera dressé, samedi 5 juin, sur la façade de la mairie de Paris centre, au cœur de la capitale, en présence de son compagnon Roland Marchal, arrêté en même temps qu’elle et échangé en mars 2020 contre un ingénieur iranien détenu en France et menacé d’extradition vers les Etats-Unis.

« Deux ans après, on ne sait toujours pas pourquoi elle a été arrêtée : comme moyen de pression sur la France et de chantage pour faire libérer des Iraniens détenus en Europe ?, s’interroge son comité de soutien. Dans le cadre de règlements de comptes internes à la République islamique ? Pour faire taire des voix discordantes, pour faire un exemple contre la liberté d’expression ? »

L’Iran détient plus d’une douzaine d’Occidentaux – également détenteurs d’un passeport iranien pour la plupart – en prison ou en résidence surveillée. Côté français, le touriste Benjamin Brière s’est ajouté à la liste, compliquant un peu plus la tâche du Quai d’Orsay.

Ces « otages » font l’objet d’accusations que les intéressés réfutent, comme l’espionnage ou l’atteinte à la sécurité de l’Etat, et des militants dénoncent une pure monnaie d’échange pour obtenir des concessions. « Fariba Adelkhah n’a jamais eu d’activité politique. C’est une prisonnière scientifique, privée de liberté sur la seule base de ses travaux universitaires », déclare son comité de soutien.

« Torture psychologique »

Spécialiste du chiisme et de l’Iran post-révolutionnaire à Sciences Po Paris, la chercheuse, âgée de 62 ans, a été condamnée à cinq ans de prison en mai 2020 pour menace à la « sûreté nationale » et « propagande » contre la République islamique. Elle a passé plus d’un an dans une prison avant d’être assignée à résidence en octobre 2020 à Téhéran, sous la contrainte d’un bracelet électronique et avec un horizon limité à 300 mètres.

« Elle n’a la liberté de rien faire et continue à subir une torture psychologique », souligne Béatrice Hibou, membre de son comité de soutien. « Ils jouent avec ses nerfs sans arrêt », dit-elle à l’Agence France-Presse en égrainant les perspectives avortées de libération conditionnelle ou de grâce. Ses liens vers l’extérieur se résument aux visites de sa famille et à des échanges téléphoniques avec quelques proches en France. Elle suit aussi des cours d’arabe et de droit musulman à distance. « Ça l’aide beaucoup », relève Béatrice Hibou.

Réputée forte – elle a observé une grève de la faim de quarante-neuf jours durant sa détention – Fariba Adelkhah doit compter avec les aléas de la politique iranienne et des enjeux internationaux. L’élection présidentielle du 18 juin, dans laquelle le chef ultraconservateur de l’Autorité judiciaire, Ebrahim Raïssi, fait figure de favori, est la prochaine échéance majeure.

Les négociations pour sauver l’accord sur le nucléaire iranien pourraient aussi avoir des retombées. Certains en Iran sont « agacés par la perspective qu’un accord soit possible » et pourraient faire obstruction en jouant la carte des otages, considère une source proche du dossier. Mais si les discussions de Vienne sur le nucléaire aboutissent, les Français pourraient aussi être « remerciés pour leur rôle positif » dans la négociation, veut croire cette source.

Un « Etat visible » et un « Etat profond »

L’entourage de la chercheuse espère a minima une amélioration de ses conditions de détention, mais reste très circonspect car sa nationalité iranienne complique la donne. Pour les binationaux, l’enjeu n’est pas seulement extérieur, il est aussi interne, c’est un message d’intimidation en direction des Iraniens, estime-t-on à Paris.

Dans l’immédiat, « la République islamique est intéressée par des profils très particuliers parce qu’elle veut faire libérer Assadolkah Assadi en Belgique », relève Clément Therme, spécialiste de l’Iran, lors d’une rencontre avec l’Association de la presse diplomatique à Paris. Ce diplomate iranien a été condamné à vingt ans de prison pour un projet d’attentat à la bombe en France en 2018 contre des opposants.

Fariba Adelkhah n’a pas toutefois forcément le profil pour un tel échange, considère-t-on dans son entourage. « La France parle à l’Etat visible, le président Macron parle au président Rohani, donc les otages français restent longtemps prisonniers », a ajouté Clément Therme, en référence aux multiples strates de pouvoir en Iran, notamment les gardiens de la révolution, armée idéologique de la République islamique. « Le président Poutine lui parle aux gardiens de la révolution, à l’Etat profond iranien. Alors un otage russe ne reste pas longtemps en prison en Iran », observe encore le spécialiste.

Le Monde avec AFP

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