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Côte d’Ivoire : Pathé’O, le tailleur de quartier devenu couturier des chefs d’Etat africains

Le couturier ivoiro-burkinabé Pathé’O dans son atelier à Abidjan, le 26 mai 2021. ISSOUF SANOGO / AFP

Nelson Mandela a porté ses chemises. Petit tailleur de quartier autodidacte à ses débuts, l’Ivoiro-Burkinabé Pathé’O est devenu le couturier des chefs d’Etat africains et fête le cinquantenaire de sa marque, menant le « combat » pour faire reconnaître la mode sur le continent.

« Il y a cinquante ans, je n’imaginais pas en arriver là. C’est extraordinaire ! », déclarait il y a quelques jours Pathé Ouédraogo – son nom à l’état civil – lors d’une conférence de presse dans un grand hôtel d’Abidjan.

Haute silhouette longiligne, visage de vieux sage, toujours vêtu des fameuses chemises aux riches teintes colorées qui ont fait sa réputation, l’homme de 70 ans est resté humble malgré une reconnaissance internationale qui l’a amené à collaborer avec la renommée maison de couture française Dior en 2020.

Né en 1950, à l’époque de la colonisation française, en Haute-Volta, qui deviendra le Burkina Faso le 4 août 1984, Pathé’O émigre à 19 ans en Côte d’Ivoire, alors en plein « miracle » économique, avec pour tout bagage « la bénédiction de ses parents », comme le raconte sa biographie De fil en aiguille, à paraître ce mois.

Dans une dizaine de pays du continent

Comme beaucoup de ses compatriotes, il cherche d’abord à travailler dans les plantations de cacao : il est refoulé car de constitution trop frêle. Il rejoint alors Abidjan, où il s’improvise tailleur dans un petit atelier loué pour quelques francs à Treichville, le cœur populaire de la capitale économique ivoirienne.

Il se forme sur le tas et construit patiemment son succès. En 1987, il remporte un important concours local, les Ciseaux d’or, ce qui le fait connaître. Dix ans plus tard, le président sud-africain Nelson Mandela porte l’une de ses chemises lors d’une visite officielle en France.

Dans l’atelier de teinture de la maison Pathé’O, dans le quartier populaire de Treichville, à Abidjan, le 31 mars 2021. ISSOUF SANOGO / AFP

La publicité apportée par l’icône anti-apartheid est extraordinaire. Dans les jours suivants, ses boutiques sont dévalisées par les clients qui affluent. Le roi du Maroc Mohammed VI, le président du Rwanda Paul Kagame, le milliardaire nigérian Aliko Dangote – l’homme le plus riche d’Afrique –, entre beaucoup d’autres personnalités et stars du showbiz, figurent aujourd’hui parmi ses clients.

Success story de la mode africaine, la maison Pathé’O compte des boutiques dans une dizaine de pays africains et emploie une soixantaine de personnes. Entrepreneur accompli, marié et père de trois enfants, Pathé’O, continue de se rendre tous les jours dans ses ateliers de Treichville, où une équipe de l’AFP l’a rencontré.

Des tissus de coton aux motifs complexes

Des dizaines d’ouvriers – tailleurs, couturiers, repasseurs – s’y activent serrés dans trois grandes pièces aux allures de fourmilière, à peine rafraîchies par des ventilateurs au plafond. Tous les vêtements sont fabriqués entièrement à la main, avec des vieilles machines à coudre Singer en fonte.

Pathé’O contrôle le travail, reprend lui-même une coupe. C’est « un homme simple, toujours disponible, qui prend du temps pour écouter et expliquer », raconte son chef d’atelier, Léon Ouédraogo, qui travaille avec lui depuis quarante ans.

« Dans ce métier, il faut savoir tout faire », confirme le couturier, intarissable sur ses fameux tissus de coton aux motifs complexes, teints dans un autre atelier du même quartier, qu’il montre avec amour.

Le savoir-faire de la maison est unique : il y a la teinture « mouchetée », la « mouchetée imprimée », la « salade », la teinture « nuage », les tissages en « faso dan fani » (un tissu du Burkina Faso)…

« Il faut créer tous les jours, surprendre les clients, tout le monde veut des nouveautés », confie Pathé’O, qui dit s’inspirer de la rue, des femmes qui vont au marché parées de vêtements et de foulards multicolores.

« Faire émerger une nouvelle génération »

« Il a apporté la fierté de porter les tissus africains », explique le créateur ivoirien en vogue Gilles Touré, qui considère Pathé’O comme son « mentor » et celui qui lui a donné la chance d’embrasser le métier de styliste.

Le succès commercial, les honneurs, Pathé’O entend les mettre au service de son « combat » : changer l’image de la mode en Afrique, la faire reconnaître comme un secteur économique à part entière et un instrument pour le développement.

« Dans l’esprit de beaucoup de gens ici, tailleur c’est un métier pour ceux qui ne sont pas allés à l’école, un métier de raté, précise-t-il en souriant. Or la mode africaine, les tissus africains intéressent le monde entier ! Et il y a abondance de créateurs, de talents. Nous devons passer de l’artisanat à l’industrie, produire plus, pour faire avancer l’Afrique. »

La maison Pathé’O vient d’inaugurer son nouveau siège social, un bâtiment moderne et vaste dans le quartier huppé de Cocody, qui abritera aussi la fondation éponyme, dont l’objectif est de « faire émerger une nouvelle génération de créateurs africains ».

Le Monde avec AFP

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