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Jordan Veretout : « Je ne suis pas là pour dire aux gens de me regarder »

Zapping Onze Mondial Top 10 : les meilleurs buteurs des cinq grands championnats

Voici quelques extraits de notre interview de Jordan VeretoutL’intégralité de cet entretien de 8 pages est à retrouver dans le magazine n°340 de Onze Mondial disponible en kiosque et sur notre eshop depuis le 6 mai. 

Numéro 340 : 67 millions de sélectionneurs… Mais un seul décideur !

Enfance 

Jordan VeretoutCredit Photo – Jean-Luc Polion

Comment s’est déroulée ton enfance ?

J’ai connu une enfance tranquille avec mes deux sœurs. Mes parents ont tout donné pour nous. Ils ont toujours voulu notre bien. Je viens d’une famille sportive. Ma mère était dans le basket et mon père dans le foot. C’est mon papa qui m’a lancé dans le foot. C’était aussi mon entraîneur. Voilà comment tout a commencé. En parallèle, il était imprimeur tandis que ma mère était couturière, en plus d’autres petits boulots. On n’était pas dans le luxe, mais on ne manquait de rien. Mes parents ont charbonné pour qu’on se sente bien.

Tu étais quel type de garçon ?

J’étais un garçon timide et réservé qui avait la joie de vivre. À l’école, je n’étais pas un phénomène, mais je me débrouillais (sourire). J’ai obtenu tous les diplômes que j’ai passés. Je m’accrochais. Comme on peut le voir sur le terrain, je suis un battant. J’ai toujours cherché à réussir dans tout ce que je faisais. Je me donnais les moyens. Alors oui, je n’ai pas fait de grandes études… mais j’ai quand même réussi ce que j’ai entrepris à l’école. 

Tu as une histoire marquante en rapport avec ton enfance ?

Franchement, rien de spécial. Quand on se chamaillait avec mes sœurs, mon père partait de la maison pour qu’on se calme par exemple. 

Tu as essayé d’autres sports ? 

J’aime bien pratiquer tous les sports : ping-pong, basket, tennis, beach-volley… Dès que je sortais de ma saison de foot, l’été, je touchais à tout avec mes potes. Mais en club, uniquement au foot. 

Parcours

Jordan VeretoutCredit Photo – Icon Sport

Comment as-tu été recruté par Nantes ? 

Avec ma petite équipe de Belligné, on a réalisé un joli parcours en Coupe. Et lors du tour final, on a affronté le FC Nantes. J’ai tapé dans l’œil d’un des entraîneurs. Il en a ensuite parlé à un recruteur du club. J’ai passé plusieurs tests. J’étais très jeune, du coup, ça me faisait peur, je venais d’une campagne, j’avais de l’appréhension. Je disais toujours à mes parents de rester près de moi aux entraînements. Passer de la campagne au centre ville de Nantes, c’est particulier. Au départ, mes parents m’ont suivi et après, tout s’est fait naturellement. Je me rappelle, je pleurais souvent au début parce que je ne savais pas où j’allais. Je n’avais que 10 ans… Quitter la maison si tôt, c’est difficile. Pendant deux ans, mes parents ont effectué des aller-retours. Ce n’était pas facile pour eux car on avait quand même du trajet. C’était presque une heure de route et il y avait trois entraînements par semaine. Et moi, si je rejoignais Nantes, c’était pout être investi à 100%. Je voulais être tout le temps présent pour bien m’intégrer. Mes parents ont fait le nécessaire afin que je ne loupe aucun entraînement, aucun match, je les remercie pour ça. Après ces deux années, j’ai intégré le groupe de préformation, je suis passé en interne. J’étais lancé dans le grand bain. 

Tu as passé 12 années à Nantes, que retiens-tu de cette période ? 

J’ai passé de formidables années, de très bons moments avec tous mes coachs, je me suis fait plein de potes. J’ai découvert la vie en communauté. Franchement, ce n’est que de bons souvenirs. En plus, on avait de bons résultats. Je ne retiens que du positif. Tout s’est bien passé pour moi à Nantes. Après oui, on connaît toujours des moments de doute, des moments compliqués, c’est normal. Dans l’ensemble ça allait. J’ai franchi les étapes. Tu sais, le club me proposait à chaque fois des contrats d’un an. Du coup, chaque année, je m’arrachais pour rester et ça, c’était aussi une force pour moi. Je n’avais pas le choix, si je n’étais pas bon, je sautais. Je me donnais les moyens et à la fin, j’ai eu une belle récompense puisque j’ai signé pro. C’était ma plus grande fierté. 

Comment vis-tu l’instabilité autour du club ? 

Je vis tout ça de l’extérieur. C’est très difficile parce que c’est mon club de cœur. Voir le club qui m’a tout donné dans cette situation, ça me peine un peu. J’aimerais que la situation s’améliore, car je suis le premier supporter du club. J’espère qu’ils vont s’en sortir. Ils vivent des moments difficiles, il faut y croire. C’est aux joueurs de ne pas lâcher et de donner le maximum pour sauver le club. Il faut rester solidaire et se faire confiance, sinon, l’année prochaine, le club sera en Ligue 2. Le FC Nantes est un club de Ligue 1. Et il doit rester en Ligue 1. 

Tu rejoins ensuite Aston Villa où tu restes seulement une saison. Pourquoi ? 

Cette saison-là, j’ai muri et engrangé de l’expérience et des connaissances. Je quittais la France pour la première fois, je découvrais plein de nouvelles choses. J’étais avec ma femme, on était seuls là-bas. Il fallait que je m’intègre vite. Tout s’est bien passé. Humainement, c’était un régal pour nous. On a découvert une nouvelle culture et une nouvelle langue. Niveau foot, ça s’est mal passé puisqu’on est descendus. Mais j’ai joué en Premier League, l’un des championnats les plus durs au monde. Même physiquement, je me suis bien développé. Surtout, j’ai compris les besoins de mon corps. Il faut savoir que durant mon passage à Aston Villa, j’ai pris 8 kilos. Sur le terrain, ce n’était pas top, j’ai eu du mal à m’adapter à la cuisine anglaise. Ça ne m’a pas facilité la tâche. Mais je n’ai aucun regret, si c’était à refaire, je le referais sans hésiter. J’ai peut-être commis des erreurs, mais grâce à ces erreurs, j’ai pu grandir et me retrouver où je suis aujourd’hui. 

La Premier League n’était pas faite pour toi ?

Pas du tout. C’est un ensemble. La saison était difficile pour le club. Et forcément, ça avait une répercussion sur la vie privée des joueurs. On perdait les matchs, on n’avait plus confiance. Quand tu passes ton temps à perdre, c’est vraiment compliqué. 

Tu te relances ensuite en prêt à Saint-Étienne Il paraît que tu as failli signer définitivement, c’est vrai ?

Oui, ça ne s’est pas joué à grand chose. Quand les dirigeants de Saint-Étienne me demandent si je veux rester au club, je leur explique que mon premier objectif est de retourner à l’étranger pour découvrir une nouvelle culture en Espagne ou en Italie. J’avais une priorité en tête, mais aucun club n’était vraiment intéressé. Et comme ça se passait bien pour moi à Saint-Étienne, je me suis dit : « Pourquoi ne pas rester ». Et au dernier moment, la Fiorentina s’est présentée, la fin du mercato approchait, il fallait que je prenne une décision et je me suis lancé à la Fio. Tant mieux pour moi (sourire). Même si je tiens à dire que j’ai passé une super année à Saint-Étienne. J’ai découvert l’Europe à l’ASSE, on avait affronté Manchester United, futur vainqueur de la compétition. 

Tu enchaînes pars un transfert à la Fiorentina. On peut dire que c’est là-bas que tu te révèles réellement, non ? 

Avant de signer à la Fiorentina, j’avais un peu d’appréhension, car je ne suivais pas trop le championnat italien. Je regardais surtout la Ligue 1 et la Premier League. Dès mon arrivée, j’ai été très étonné. En Italie, les gens ont vraiment la culture du football. Tout tourne autour du foot. Et vivre ça au quotidien, ça m’a agréablement surpris. La Serie A me correspond bien, tout est basé sur la tactique. J’ai aussi eu la chance d’avoir un coach qui m’a fait confiance et m’a fait progresser. Je me régale. Être dans ce championnat m’a permis de me développer encore plus. Je ne regrette pas du tout ce choix. 

AS Roma

Jordan VeretoutCredit Photo – Icon Sport

Après tous ces clubs, tu signes à l’AS Roma, réputée pour être un grand d’Europe. Que découvres-tu ici ?

C’est la suite logique de ma carrière. Je fais du foot pour atteindre des objectifs et franchir des paliers. En passant de la Fiorentina à la Roma, j’ai franchi une belle étape. Quand tu signes à la Roma, tu sens direct que tu es dans un top club. Dès la première conférence de presse, tu en prends plein la vue, il y a plein de monde, beaucoup de journalistes. Ce n’est pas comme dans les autres clubs, sans manquer de respect aux autres clubs. Tout est plus grand ici. Avant, j’avais 5-10 journalistes face à moi en conférence de presse, ici, j’en ai 25/30, c’est impressionnant. Pareil pour les photos de présentation, tu dois en faire plein, tout est carré. Ici, tout est multiplié par 10. C’est en vivant ces choses-là que tu t’aperçois que tu as passé un cap. 

Comment la Roma peut revenir sur le devant de la scène et titiller la Juve et l’Inter ? 

Le club a récemment changé de propriétaire. Il arrive avec de grandes ambitions. Les dirigeants ont mis un projet en place, il commence à prendre forme. On voit que le projet grandit et se développe. Quand une nouvelle direction arrive, elle ne peut pas tout changer du jour au lendemain. L’amélioration se fait progressivement. Tu ne peux pas passer de la cinquième place à la première place d’un coup. L’AS Roma va redevenir un gros de Serie A, ce n’est qu’une question de temps. Je sens qu’il ne manque pas grand chose pour ça. 

Comment se comportent les tifosi avec toi ? 

Ma relation avec les supporters est top ! Ils aiment voir leurs joueurs donner le maximum. Et c’est ce que je fais. Je donne tout sur le terrain. Je pense que ça leur plait. J’essaie de garder ça en moi, de ne jamais rien lâcher. Quand je les croise au supermarché ou dans la ville, ils ont toujours un mot gentil, c’est la ferveur romaine. C’est toujours encourageant. Quand tu marches dans la ville, même si tu penses passer incognito, tu fais une photo et 30 secondes plus tard, tu as 30 personnes autour de toi (rires). C’est ce qui fait le charme de cette ville aussi. 

En deux saisons, tu t’es mis tout le monde dans la poche, quelle est ta recette ?

Non, je n’ai mis personne dans ma poche. Je donne le meilleur de moi-même et je reste toujours le même garçon : humble et travailleur. Dans le vestiaire, j’essaie de faire rigoler les copains. Et c’est comme ça que je me suis intégré dans le groupe. 

À une époque, les penalties étaient uniquement pour Francesco Totti. Aujourd’hui, ils sont pour Jordan Veretout. C’est la preuve que tu as un certain statut ici… 

À la Fiorentina, j’avais déjà ce rôle. Bon, tirer un penalty avec la Roma, c’est encore autre chose, c’est différent. Ici, je suis dans un plus grand club. À la base, il y avait des joueurs nommés. Mais moi, j’ai toujours bossé cet exercice car mine de rien, un penalty, ce n’est pas facile, ça se travaille. Il faut garder son calme, il faut analyser, il faut aussi jouer avec le gardien. Je le travaille et je le fais plutôt bien. L’année dernière, le tireur désigné était Kolarov. Lors d’un match, il loupe son penalty sauf qu’on en obtient un deuxième en seconde période. Et c’est toujours difficile pour un tireur de réessayer après un raté. Dans ma tête, c’était à Edin Dzeko de prendre le ballon. Et quand je vois qu’Edin m’apporte le ballon dans les mains, je dis : « Bon allez, j’y vais ». C’était une belle preuve de confiance. Et c’est grâce à ça que tu te sens bien dans une équipe. Quand tu vois des joueurs comme Kolarov ou Dzeko t’accorder cette confiance-là, c’est un vrai coup de boost. C’était la preuve que je faisais de bonnes choses. Bon, il ne fallait pas que je me loupe (rires). Quand j’ai posé le ballon sur le point de penalty, il n’avait pas le même poids que d’habitude, il était hyper lourd (sourire). Et quand je le mets au fond, c’est un vrai soulagement. Je suis vraiment content, ce moment m’a vraiment aidé dans mon intégration.

Depuis ce moment, tu deviens le successeur officiel de Totti…  

(Sourire). Non, Totti, c’est à part. À Rome, Totti est une légende vivante, personne ne peut lui succéder. D’ailleurs, il y a quelques jours, un dirigeant du club discutait par FaceTime avec Totti. Et tu sais, depuis que je suis au club, je n’ai pas eu la chance de le voir car il n’est plus là. Et là, d’un coup, le dirigeant me l’a passé par FaceTime. Avoir eu la chance d’échanger avec Totti durant une minute, c’était un truc impressionnant pour moi. J’étais comme un gamin ! Totti est considéré en Italie comme on considère Zizou en France. Parler avec lui, ça m’a fait quelque chose. J’ai 28 ans, j’ai des enfants, je ne suis plus un gamin. Mais ça, j’en ai parlé à ma femme et à mon père en rentrant à la maison. Totti, c’est une légende vivante. Et il ne faut pas oublier De Rossi non plus. 

Certains te présentent comme le « Prince de Rome », tu en dis quoi ?

Forcément, quand je lis ce genre de chose, ça fait plaisir. C’est top d’être considéré comme ça. Après, je ne me prends pas la tête. Je reste focalisé sur mon foot, j’ai des objectifs en tête. (Il coupe). C’est toujours bon à prendre ces mots-là, mais il ne faut pas s’enflammer, il faut rester les pieds sur terre. Et continuer à bosser. 

Comment vis-tu cette reconnaissance en Italie ? 

Je la vis très bien. C’est toujours touchant de voir que des personnes te regardent et t’admirent. À moi de continuer à performer sur le terrain pour être encore admiré entre guillemets. 

Personnalité

Jordan VeretoutCredit Photo – Jean-Luc Polion

Qui est Jordan Veretout dans la vie de tous les jours ?

Je suis réservé, j’aime bien rester en famille. Je suis aussi un bon déconneur, j’aime rigoler même si je reste encore un peu timide. 

Penses-tu que cette personnalité te dessert ? 

Je ne pense pas. C’est ce qui fait ma force aussi. J’ai ma personnalité dans la vie de tous les jours. Et je suis très bien comme ça. J’ai aussi ma personnalité sur le terrain. Et là, c’est totalement différent. Je ne suis plus du tout timide, au contraire, je suis totalement libéré et je m’exprime. Quand je suis sur le terrain, j’y suis pour gagner. Je n’ai qu’une chose en tête : la victoire ! Et je fais tout pour réussir. 

Quelles sont les habitudes de Jordan Veretout ? 

Je passe du bon temps avec mes filles et ma femme. Malheureusement, le Covid a changé notre manière de vivre, mais on fait avec. On aime aller à la plage, se balader en centre ville ou profiter dans des parcs, plein de choses comme ça. À Rome, on a tout ce qu’il faut. Pour le moment, tout est à l’arrêt. On espère qu’on va prochainement revenir à la vie normale. 

Tu es encensé en Italie. En France, tu n’es pas très connu, ni reconnu. Souffres-tu de ce manque de reconnaissance ? 

Non, je poursuis mon bout de chemin. Mine de rien, en France, des personnes regardent quand même la Serie A. Peut-être qu’on parle un peu moins de moi. Mais c’est comme ça, à moi de faire le maximum pour être reconnu. Je suis sur la bonne voie. À moi de continuer. 

Penses-tu être jugé à ta juste valeur ? 

(Silence) En tout cas, je travaille pour ça. Je fais de mon mieux pour qu’on entende parler de moi en France. Je suis face à toi en interview pour ça justement, pour que les gens apprennent à me connaître et me découvrent. Que ce soit en dehors du terrain ou sur le terrain, je m’ouvre pour qu’on en sache plus sur moi. 

Penses-tu être sous coûté ? 

Il faut poser la question à mes partenaires du vestiaire ou aux supporters. (Il coupe) Tu sais, je ne peux pas dire aux gens : « Regardez-moi, je suis là ». Je suis en Italie, les gens sont contents de moi et de ce que je propose sur le terrain. Voilà le plus important à mes yeux. Concernant la vision des gens en France, il faut que les français mettent beIN Sports le samedi soir ou le dimanche après-midi (rires). 

Être l’un des meilleurs joueurs d’un grand club italien et ne pas être reconnu dans son pays, c’est quand même un problème. 

Tu sais, moi aussi, avant d’arriver en Italie, je ne regardais pas trop la Serie A. Peut-être que les Français préfèrent la Premier League, la Bundesliga ou la Liga. L’Italie est pourtant l’un des meilleurs championnats. Physiquement, c’est très dur, tactiquement, c’est très fort. Regarde le haut du classement : Inter, Milan, Juventus, Naples, Atalanta, qui réalise de beaux parcours en Ligue des Champions, puis la Roma et la Lazio. Ici, un week-end sur deux, tu affrontes un gros du championnat. C’est enrichissant ! Je kiffe ce championnat. 

Quelle image les gens ont-ils de toi ? 

Encore une fois, je ne suis pas là pour me vendre. Je ne suis pas là pour dire aux gens de me regarder. Je suis comme je suis, je suis tranquille. Je ne quémande rien. Je fais ce que j’ai à faire. Bien sûr, lorsque tu es regardé et félicité, c’est toujours plaisant. Mais franchement, je ne gratte rien et je ne suis pas là à dire « Je suis là ! ». Je reste simple et authentique.

Sur instagram, tu partages de nombreuses photos avec  ta femme. Quelle est sa place dans ta carrière ? 

Elle est très importante. J’ai eu la chance de rencontrer ma femme très jeune. Sans elle, je ne serais pas là aujourd’hui. Elle m’a donné de la force. Elle m’a fait deux filles exceptionnelles. Aujourd’hui, je suis épanoui au foot et dans la vie de tous les jours. Quand tu es épanoui chez toi, tu es forcément bon sur le terrain. Quand je rentre à la maison et que je retrouve des sourires et de la joie, c’est le top. Certains rentrent chez eux et se retrouvent seuls… Voilà ma manière de voir les choses. J’ai rencontré ma femme à l’âge de 14 ans. Être avec elle depuis tant d’années, ça m’apporte un réel équilibre et un bien-être. 

Style de jeu 

Jordan VeretoutCredit Photo – Icon Sport

Tu es calme dans la vie de tous les jours, mais sur le terrain, tu montres un fort caractère, tu as une double personnalité ? 

Sur le terrain, j’oublie tout. Je n’ai qu’une obsession : la victoire. Quand j’entre sur la pelouse, je suis dans ma bulle. Quand j’arrivais dans un stade plein, une fois le match entamé, je ne calculais plus rien. Je suis toujours focalisé sur ce que je dois faire. Il se passe plein de choses dans un match, c’est pour ça qu’il faut répondre présent et se faire respecter. Il ne faut jamais lâcher son objectif de vue : la victoire. 

Quand tu rentres à la maison et que tu regardes tes matchs. Qu’est-ce que tu te dis ? 

Je dis que je suis fier de moi, fier de voir un Jordan qui se bat sur tous les ballons, qui donne le maximum et qui n’a rien à se reprocher à la fin. J’ai été éduqué comme ça et je resterai toujours comme ça. 

Tu es devenu le deuxième milieu de terrain français après Michel Platini à franchir la barre des 10 buts en une saison de Serie A. Tu mesures cette performance ? 

Ça fait chaud au cœur. Platini, c’est une légende pour les Français. Être comparé à Platini, c’est flatteur. Platini, c’est Platini : un très grand homme, un ancien grand footballeur. Moi, je suis Jordan Veretout. C’est bien les comparaisons, mais il ne faut oublier qui je suis vraiment. Je fais ma petite carrière. Si je peux marquer encore plus, je ne vais pas me gêner. 

Du coup, tu préfères marquer ou faire marquer ?

Les deux sont intéressants (sourire). Délivrer une passe décisive, c’est comme un but. Pour un milieu de terrain comme moi, c’est toujours gratifiant d’offrir une passe décisive. Marquer de temps en temps, ça fait du bien. C’est une belle sensation de faire gagner son équipe. Quand tu fais uniquement des passes décisives, les gens oublient parfois, ils ne retiennent que le buteur. Mais sans la passe décisive, il n’y a pas le but, donc c’est limite mieux de faire la passe. Je te dis tout ça, mais il ne faut pas oublier le travail défensif. Sur le terrain, je ne lâche pas. Mon jeu est aussi basé sur la récupération et sur l’agression du porteur du ballon. Mon rôle, c’est de chiper des ballons et de les porter vers l’avant. J’aime récupérer les ballons dans les pieds de l’adversaire. 

Tu as déjà terminé un match en étant insatisfait de ta prestation ? 

Bien sûr. On ne peut pas toujours être à 100% satisfait de soi. On peut louper des choses. J’en ai loupé et j’en louperai encore. Pour moi, c’est impossible de sortir d’un match en me disant : « Je n’ai pas donné le maximum » ou « Je ne suis pas fatigué ». C’est inconcevable. Quand je sors d’un match, je dois être rincé, qu’on prenne mon maillot et qu’on puisse l’essorer. C’est comme ça que je vois la chose. Je ne peux pas terminer un match sans avoir donné 100% de ma personne. 

Milieu de terrain, Français, formé à Nantes, qui s’éclate en Italie… la comparaison est toute faite avec Didier Deschamps ? 

(Rires) Didier Deschamps a été un très grand joueur. Aujourd’hui, c’est un très grand entraîneur. Didier Deschamps, c’est Didier Deschamps. Oui, j’ai commencé à Nantes, je joue en Italie comme lui. Je mène ma carrière et je donne le maximum. Si je peux avoir la même carrière que lui, je ne dirai pas non (sourire). Je suis focalisé sur mon boulot, j’essaye d’atteindre mes objectifs.

Quels sont tes objectifs ? 

Comme tout joueur : être appelé pour la première fois en équipe de France, jouer la Ligue des Champions, gagner des titres. On est là pour vivre des moments comme ça. J’ai 28 ans, et je n’ai pas encore eu la chance de connaître tout ça. Je fais tout pour y parvenir. J’espère le plus rapidement possible. 

Équipe de France 

Jordan VeretoutCredit Photo – Icon Sport

Penses-tu être un oublié du sélectionneur ? 

Non, pas un oublié parce qu’il y a du monde, il y a de la concurrence, c’est pour ça que l’équipe de France est si belle. Je suis dans une situation où je peux encore passer un cap. Je donne le maximum pour ça. Je ne dirais pas qu’il y a toujours des surprises à l’Euro parce que si j’étais convoqué, ça ne serait pas une surprise non plus. On est joueur de football, on travaille, si un jour on doit être appelé, c’est qu’on l’aura mérité. Si je pouvais être cette petite surprise entre guillemets, ce serait sympa (sourire). Je travaille pour. Attention, je n’en fais pas une fixette non plus. Si je suis bon dans mon club, pourquoi pas… Dans tous les cas, pour être appelé en sélection, tout passe par le club. Dans ma tête, c’est : laisse la sélection tranquille, fais le boulot dans ton club, si t’es bon à la Roma, le reste suivra. 

Tu regardes les listes avec attention à chaque fois ? 

Quand tu reçois les pré-convocations, c’est normal que tu te poses devant ta télé. Il y a de la qualité, il y a de la concurrence, je pense faire partie de cette concurrence. À moi de continuer ce que je fais et même de faire plus. Et puis pourquoi pas… 

Si tu étais sélectionneur de l’équipe de France, tu prendrais Jordan Veretout ? 

Je ne suis pas sélectionneur de l’équipe de France, je suis joueur de football (sourire). Je reste concentré sur mon objectif : le terrain. 

Qu’est-ce qu’il te manque pour être appelé ? 

Je ne sais pas. J’ai plein de manques, j’ai aussi plein de qualités. Tous ces petits manques, j’essaie de les améliorer. Et mes qualités, j’essaie de les développer encore plus. 

L’Euro est un objectif crédible selon toi ? 

Je suis footballeur, je veux jouer de grandes compétitions, représenter ma nation. J’ai goûté la sélection avec les jeunes, j’ai été champion du monde avec de nombreux joueurs de la sélection actuelle. Donc oui, j’ai envie de vivre de nouvelles choses avec eux en équipe de France. Quand tu as été champion du monde avec les jeunes, tu as forcément envie de revivre ce genre d’événements. 

Il faut dire à Pogba, Varane, Zouma et les autres de parler de toi à Didier Deschamps…

Je ne suis pas du tout comme ça (rires). Ce sont de très bons mecs, j’ai passé de bons moments avec eux, ils réalisent de grandes carrières dans leur club respectif. 

Tu es régulièrement pré-sélectionné. As-tu déjà échangé avec le sélectionneur ? 

Non, pas du tout. Le club reçoit une pré-convocation pour être prévenu qu’il est possible qu’un joueur rejoigne la sélection durant la trêve internationale. C’est tout. 

Dernière question à ce sujet. As-tu un message pour Didier Deschamps ? 

Non. C’est un sélectionneur, il voit tout. Si je suis pré-convoqué, c’est qu’il regarde le championnat italien et qu’il me suit. Il voit tout, il n’a pas besoin que je lui adresse un message. Je ne suis pas comme ça. Mon message, c’est d’être bon sur le terrain. Si je suis bon et qu’il remarque que je peux apporter à l’équipe de France, je serai convoqué. Mon objectif, c’est le rectangle vert (sourire). 

Conclusion 

Jordan VeretoutCredit Photo – Jean-Luc Polion

Tu as des rêves ?

On a tous des rêves. Niveau football, je rêve de remporter une Coupe du Monde, une Ligue des Champions, un Scudetto. En dehors du foot, je veux que ma famille se porte bien et que tout le monde soit en bonne santé. 

Si tu n’avais été pas footballeur, tu aurais fait quoi ?

Bonne question. Je serais resté dans le milieu du foot, c’est ma passion, c’est quelque chose que j’adore. Je suis un passionné. J’aurais cherché à vivre du foot. J’aurais voulu être entraîneur de jeunes et pourquoi pas d’une équipe première. 

Si tu avais un super-pouvoir, tu choisirais lequel ? 

Celui de sauter le plus haut possible, car je ne suis pas un très bon joueur de tête (rires). Non, franchement, j’aurais aimé voler pour aller dans les airs. J’aime bien l’espace. J’aime bien voir les espaces sur le terrain. Du ciel, j’en verrai encore plus (rires). 

Si tu étais journaliste, tu poserais quelle question à Jordan Veretout ?

Je ne lui poserais pas de question. Je lui dirais : « Continue ce que tu es en train de faire ». Je chercherais à m’intéresser à lui, j’aurais tout regardé sur lui, j’aurais pris des renseignements. Je lui poserais des questions en dehors du foot. Comme il se fait un peu discret, j’aurais cherché à comprendre pourquoi, j’aurais creusé à ce niveau-là. Parce que niveau football, en tant que journaliste, je serais déjà au courant de tout au niveau de son football. Je connaîtrais par cœur son jeu. Je lui demanderais : « Qu’est-ce que tu fais dans la vie ? », « Quels sont tes hobbies ? », « Comment occupes-tu tes journées ? ». Je répondrais : « Partager de bons moments avec ma famille, mes enfants, ma femme. Mon kiff, l’été, c’est de prendre ma famille et celle de ma femme pendant 10 jours et de partir tous ensemble ». Mine de rien, on vit à l’étranger, on ne se voit pas souvent dans l’année, se réunir comme ça fait du bien. J’aime aussi être avec mes potes. Je veux passer de bons moments avec les gens que j’aime. 

Si tu devais terminer l’interview par une phrase qui te représente, ce serait quoi ?

Je vais te dire une phrase que mon père me répétait souvent : « L’habit ne fait pas le moine ». Cette phrase peut être utilisée dans différents contextes. Ce n’est pas parce que tu es moins beau que tu vas être moins beau. Quand j’étais jeune, je n’avais pas la dernière chaussure, mais ça ne voulait pas dire que je ne pouvais pas être meilleur que celui qui avait la dernière. Quand j’ai affronté Nantes avec mon petit club, ils étaient plus beaux, tandis que nous, on n’avait pas les mêmes chaussettes. Et on a quand même réussi à les embêter. 

Tu viens d’un milieu modeste, aujourd’hui, tu gagnes bien ta vie. Comment vis-tu ça ? 

Je profite de chaque moment, je ne m’enflamme pas, je garde les pieds sur terre. C’est le plus important. Ça ne serait pas ma personnalité de chercher à m’enflammer à droite, à gauche. Ce n’est pas moi. Je profite car je peux me le permettre de temps en temps, mais je fais attention. Je fais aussi profiter mes proches que j’aime. 

Ce n’est pas facile de rester les pieds sur terre… 

Bien sûr que ce n’est pas facile. J’ai des personnes qui ont su me dire les choses. Ma femme et mes parents m’ont mis en garde. Ils sont là pour me remettre dans le droit chemin. Si j’en suis là aujourd’hui, c’est que je suis entouré, il ne faut pas oublier d’où je viens. On a tous été jeunes, j’ai déjà pu faire deux-trois écarts, c’est comme ça, tu ne peux pas être parfait de A à Z. Être bien entouré te permet de ne pas oublier ton chemin. 

Si tu devais te donner une note pour cet entretien, tu te mettrais combien ?

(Sourire). La bonne interview dépend aussi du journaliste (rires). J’ai passé un bon moment, j’étais à l’aise, c’était cool, on peut toujours faire plus. Je me mettrais 7 sur 10.

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