Editorial du « Monde ». Et maintenant ? Au lendemain du cessez-le-feu qui a mis fin, jeudi 20 mai, à la quatrième guerre de Gaza après onze jours d’hostilités, Israéliens, Palestiniens, diplomates arabes et occidentaux sont renvoyés à cette question lancinante.
En 2009, 2012 et 2014, à l’issue des trois précédentes confrontations, les uns et les autres ont paru prendre de grandes résolutions : conférence pour la reconstruction de l’enclave, mesures de desserrement du blocus pesant sur ce territoire, pourparlers en vue d’une réconciliation du Hamas et du Fatah. Mais faute de détermination véritable de la part des intéressés, ces initiatives louables ont à chaque fois fini par péricliter, ouvrant la voie à l’escalade suivante.
Pour en finir avec ce rituel macabre, il faut rompre avec les formules toutes faites, quasi pavloviennes, auxquelles la communauté internationale se raccroche par peur du vide et manque de courage ou d’imagination. Sans une levée rapide et intégrale de l’embargo – égyptien et israélien – qui étrangle les 2 millions d’habitants de Gaza, le « retour au calme » dont se félicitent les chancelleries est une sinistre illusion. Il n’y a pas de calme possible dans un ghetto à l’agonie.
« Apartheid de facto »
Il faut aussi cesser de considérer la bande de sable comme une plaie isolée, que l’on peut, selon l’humeur, charcuter ou gaver de tranquillisants. Bien que détachée de la Cisjordanie, Gaza est une partie intégrante du corps palestinien. La fièvre n’y baissera pas sans un règlement d’ensemble du conflit avec Israël. L’expression d’« apartheid de facto », qu’ont récemment choisie deux importantes ONG de défense des droits de l’homme – l’israélienne B’Tselem et l’américaine Human Rights Watch – pour décrire le système de domination des Palestiniens mis en place par Israël, paraît malheureusement de plus en plus adaptée à la situation.
De nombreux dirigeants de l’Etat hébreu, et non des moindres – les anciens premiers ministres Ehoud Barak et Ehoud Olmert, l’ex-ministre des affaires étrangères Tzipi Livni, notamment – ont mis en garde, dès la fin des années 2000, contre l’avènement d’un tel système si Israël persistait à maintenir son emprise sur les territoires palestiniens. Plus de dix ans plus tard, alors que la colonisation israélienne en Cisjordanie progresse à toute vitesse, comment ne pas se rendre compte que ce risque devient réalité ?
Un tel changement de paradigme n’impose pas d’abandonner la solution à deux Etats et de se convertir à l’Etat binational. Les affrontements entre Juifs et Arabes qui ont éclaté en Israël durant les premiers jours du conflit à Gaza devraient d’ailleurs donner à réfléchir aux partisans de l’Etat unique. Cette nouvelle grille d’analyse incite en revanche à repenser la stratégie de règlement du conflit. Elle substitue aux négociations vouées à l’échec, car asymétriques, du processus de paix d’Oslo, une approche fondée sur le respect des droits des deux peuples et la lutte contre l’impunité, des deux côtés.
Dans un rapport publié en avril, la respectable fondation américaine Carnegie prône une telle évolution, seule manière, selon elle, de briser le statu quo : « Réaffirmer et sauvegarder les droits des Israéliens à la paix et à la sécurité, en accordant la même attention aux droits des Palestiniens. »
Sur le conflit israélo-palestinien, les diplomates occidentaux peuvent continuer à s’enfouir la tête dans le sable. Ou bien ils peuvent adapter leur pratique à la vérité du terrain. C’est à ce prix seulement que l’on évitera une cinquième guerre à Gaza.
Conflit israélo-palestinien : retrouvez les tribunes publiées par « Le Monde »
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