L’Union africaine (UA) a exigé jeudi 20 mai que la junte qui a pris le pouvoir au Tchad après la mort du président Idriss Déby Itno achève « en dix-huit mois » un processus de « transition démocratique » débouchant sur des élections « libres, justes et crédibles ».
Un Conseil militaire de transition (CMT) de quinze généraux, présidé par l’un de ses fils, Mahamat Idriss Déby, lui-même général à 37 ans, a pris le pouvoir le 20 avril en annonçant la mort du chef de l’Etat, tué au front contre des rebelles.
Le CMT a immédiatement dissous le gouvernement et le Parlement et abrogé la Constitution tout en promettant des élections « libres et démocratiques » au terme d’une « transition » de dix-huit mois renouvelable une fois.
Dans une résolution rendue publique jeudi sur son site Internet, le Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l’UA « souligne la nécessité absolue » que la transition vers un régime démocratique soit achevée dans le délai de dix-huit mois annoncé par le CMT à compter du 20 avril.
« Rejet de tout changement anticonstitutionnel »
Le CPS insiste sur le respect de ce délai « en affirmant catégoriquement qu’aucune forme d’extension de la période de transition prolongeant la restauration de l’ordre constitutionnel ne saurait être acceptable pour l’UA ».
Cette décision de l’UA avait été annoncée comme imminente depuis plusieurs jours. Puis elle a été repoussée, preuve des difficultés des pays membres de l’Union, dont certains sont opposés aux changements de pouvoir anticonstitutionnels, de se mettre d’accord, entre partisans d’une suspension du Tchad et de sanctions d’un côté, et de l’accompagnement de la transition promise par les militaires de l’autre.
L’UA « réitère son rejet total de tout changement anticonstitutionnel de gouvernement sur le continent ». Mais elle invoque un Tchad « confronté à des attaques graves et multiformes » de « mercenaires » parmi les rebelles venus de Libye, qu’elle « condamne fermement » (…), ainsi que « des terroristes de Boko Haram et de l’Iswap [le groupe Etat islamique en Afrique de l’Ouest] dans le bassin du lac Tchad ».
Le Tchad, avec une armée considérée comme la plus puissante de la sous-région, est un pays clé dans la lutte contre les djihadistes au Sahel.
Quinze généraux
Idriss Déby Itno, décédé à 68 ans, dirigeait le Tchad d’une main de fer depuis trente ans. Il a été tué par les rebelles le 19 avril en allant commander lui-même son armée au front, selon N’Djamena.
L’autorité électorale avait proclamé le soir même sa victoire pour un sixième mandat à la présidentielle du 11 avril, avec près de 80 % des suffrages, mais ce n’est que le lendemain que le CMT a annoncé sa mort.
Mahamat Déby, à la tête du CMT composé de quatorze autres généraux parmi les plus fidèles à son père, s’était aussitôt autoproclamé président de la République pour la période de transition.
Sous la pression internationale, la junte a nommé un « gouvernement de transition » de civils le 2 mai avec pour chef Albert Pahimi Padacké, le dernier premier ministre de feu Idriss Déby. Puis le CMT a promis de « nommer » également les membres d’un Conseil national de transition (CNT), qui devra faire office d’organe législatif durant la transition, désignation qui se fait attendre.
Engagement de ne pas se présenter
L’Union africaine a exigé jeudi également que « les autorités de la transition mettent en place de toute urgence le CNT comme prévu (…) avec un mandat clair et précis pour, entre autres, rédiger une nouvelle Constitution ».
Elle demande aussi au « président » et aux membres du CMT de « respecter l’engagement qu’ils ont pris de ne pas se présenter ou de ne pas prendre part aux prochaines élections libres, justes et crédibles à la fin de la période de transition ».
Enfin, le CPS « exhorte le gouvernement de transition à accélérer le processus d’organisation d’un dialogue national inclusif et transparent et d’une réconciliation nationale (…) sous les auspices du premier ministre, dans les trois prochains mois ». Et de « donner la priorité à la promotion, la protection et la sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales de tous les Tchadiens (…), en particulier la liberté d’expression et de réunion pacifique ».
Sous le maréchal Déby comme sous Mahamat Déby, les manifestations de l’opposition la plus critique, qui dénonce « un coup d’Etat », sont systématiquement interdites et empêchées par des forces de l’ordre massivement déployées qui répriment violemment toute tentative de rassemblement.
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