ReportageDe peur de perdre en légitimité face au Hamas, des partisans du Fatah, au pouvoir, ont rejoint les émeutes, un fait sans précédent depuis la seconde intifada, tandis que les heurts ont fait au moins 19 morts depuis vendredi.
Les enfants de Silwad se forment au jet de pierres, en cette fin d’émeute dans leur village, samedi 15 mai, au soir tombant. Sous l’œil de quelques adultes et d’un guetteur, juché sur un toit à la sortie du patelin, des dizaines de petits, âgés de 10 ans à peine, s’efforcent de caillasser une base israélienne située 200 mètres plus loin. Les soldats sont sur la route qui mène au Sud, à travers de magnifiques collines à restanques, vers Ramallah, le siège de l’autorité politique en Cisjordanie occupée.
Ce jour de mémoire de la « Nakba » (« catastrophe »), l’exode forcé de 700 000 Palestiniens lors de la création d’Israël en 1948, les entrées de Silwad sont jonchées des restes de heurts de plus grande ampleur. Vendredi, Mohammad Hamad, un habitant du village âgé de 30 ans, a été tué par des soldats. Ces deux jours d’émeutes ont fait 19 morts selon les services de santé, à travers une centaine de villes et villages palestiniens : un bilan sans précédent en Cisjordanie depuis 2002. C’est la première réplique de l’escalade militaire où le Hamas s’enferre à Gaza, depuis le 11 mai, dans cette Cisjordanie qui rumine sa marginalisation, loin de Gaza et des luttes de Jérusalem.
La nuit tombée, les habitants de Silwad montent sur leurs toits, pour suivre les filaments lumineux que tracent les roquettes du Hamas dans le ciel, sur la côte. Le patelin est fort actif depuis le mandat britannique en Palestine, puis la fondation de la colonie israélienne voisine d’Ofra dans les années 1970, derrière une base de l’armée israélienne. Le 6 mai, les soldats ont capturé un membre du Hamas, Montaser Shalabi, qui avait trouvé refuge durant quatre jours au village, après avoir tué un colon israélien sur la route 60.
« Ils l’ont assassiné »
Mohammad Hamad, lui, n’avait pas le profil d’un activiste. Selon les villageois, il aurait tenté de renverser des soldats, en voiture, à l’entrée de la base militaire, puis il aurait brandi contre eux un tournevis. Ce grand garçon costaud et simple, ouvrier du bâtiment, entretenait peu de relations dans son village. Il n’était pas marié – une exception à son âge. Il y a quatre ans, il avait été condamné à un an de prison pour avoir résisté à son arrestation par la police israélienne : il se rendait à Jérusalem sans permis, pour prier à la mosquée d’Al-Aqsa.
Depuis des jours, Mohammad observait à la télévision, dans le salon de ses parents, la répression policière sur l’esplanade des Mosquées. Vendredi, il a prié et demandé pardon à sa mère, avant de se rendre à la base. Son père, Rawhi, employé lui aussi sur des chantiers, tend une photographie de la scène. Mohammad gît sous la portière ouverte de sa voiture, un filet de sang coule de son crâne. « Les soldats auraient pu lui tirer dans les jambes, estime Rawhi Hamad. Pourquoi en pleine tête ? Ils l’ont assassiné. »
Il vous reste 64.25% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.
L’article Les jeunes palestiniens en Cisjordanie : « Ce coup-ci, c’est à nous » est apparu en premier sur zimo news.