2021 : virée amère en flots post-Brexit
« La grande reddition ». Le titre de l’édition du 7 mai du quotidien britannique Daily Mail résume l’atmosphère houleuse entre la France et la Grande-Bretagne au lendemain du retour au port d’une cinquantaine de navires français partis défier l’île de Jersey. Les bateaux normands et bretons avaient tenté de bloquer le port de Saint-Hélier pour protester contre les nouvelles conditions de pêche imposées par le Royaume-Uni post-Brexit. Une manifestation en pleine mer qui n’a pas plu à Londres. Deux navires de guerre ont été déployés « par précaution », selon le premier ministre britannique, Boris Johnson. Les marins français sont finalement repartis bredouilles, raillés par le tabloïd conservateur, notant une « habitude bien française » de battre en retraite.
2009 : bref grain contre le paradis offshore
Jersey est aussi un paradis fiscal convoité. Au grand dam de Nicolas Sarkozy. En réponse à la crise des subprimes, ce dernier a fait de la lutte contre les paradis fiscaux une de ses priorités, dans la foulée du G20 de Londres, en avril 2009. « On y est arrivé. Les paradis fiscaux, le secret bancaire. C’est terminé », avait même prophétisé le chef de l’Etat, en septembre, à l’occasion d’une interview télévisée. C’était allé un peu vite en besogne, même si l’OCDE a publié un peu plus tard une liste de quarante-deux paradis fiscaux, dont Jersey. A Saint-Hélier, la capitale, un habitant sur deux travaille dans l’une des 73 banques installées sur l’île. Le secteur financier représente près de la moitié du PIB de l’île, sorte d’extension offshore de la City de Londres.
1959 : marée basse pour le français
Les Chroniques de Jersey, dernier journal édité en français sur l’île, arrête sa parution. Un coup dur pour la langue française, quasiment effacée par l’anglais depuis les années 1950 et aujourd’hui parlé par la majorité de la population. Bagatelle Road, Rouge Bouillon ou Val Plaisant, la capitale, Saint-Hélier, regorge pourtant de noms français. Tout comme Ma Normandie, l’hymne local. Le français demeure l’une des trois langues officielles, avec l’anglais et, depuis 2019, le jersiais, un dialecte dérivé de l’ancien normand. Il n’a pas dit son dernier mot : depuis 2016, un trimestriel tiré à 30 000 exemplaires, Le Rocher, est inséré en supplément dans le quotidien de Jersey. Car parler la langue de Molière redevient à la mode dans les écoles.
1852 : vagues d’exilés dans les pas d’Hugo
Exilés de France, les réfugiés politiques se cachent à Jersey et se retrouvent sur le célèbre rocher des Proscrits. Le plus connu d’entre eux fut Victor Hugo, banni par un décret de Napoléon III en 1852 après son coup d’Etat. En 1855, l’écrivain est à nouveau expulsé, cette fois à la demande du gouvernement anglais, après avoir injurié la reine Victoria. Il rejoint la voisine insulaire de Jersey, Guernesey. Qualifiées par le poète de « morceaux de France tombés dans la mer et ramassées par l’Angleterre », ces îles deviennent de véritables foyers littéraires et politiques en lutte contre le régime français.
1204 : une manche pour l’Angleterre
C’est à cette date que l’île de Jersey devient le théâtre des rivalités entre les deux pays. Alors que l’Angleterre et la Normandie forment un seul et même duché, possession de Guillaume le Conquérant, le roi de France, Philippe Auguste, s’empare de la Normandie continentale. Mais il ne parviendra jamais à conquérir les îles de la Manche. Pour défendre l’île de ses ennemis français, le château de Mont Orgueil est érigé à la demande de Jean Sans-Terre, alors roi d’Angleterre. Une forteresse militaire devenue le symbole de l’indépendance de Jersey. La France parviendra à ses fins seulement pendant sept ans, de 1461 à 1468, en occupant l’île lors de la guerre des Deux-Roses.
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