L’enquête judiciaire des Nations unies sur les crimes commis par l’organisation Etat islamique (EI) en Irak confirme le génocide de la minorité yézidie. L’équipe d’enquête spéciale de l’ONU (Unitad) a recueilli la « preuve claire et convaincante qu’un génocide a été commis par l’EI contre les yézidis en tant que groupe religieux », a déclaré lundi 10 mai le chef de l’enquête, Karim Khan, devant le Conseil de sécurité. Après la prise de Mossoul par l’Etat islamique et la proclamation du califat, fin juin 2014, la minorité yézidie de la région du Sinjar, dans le nord de l’Irak, avait été ciblée, les hommes massacrés et les femmes soumises à l’esclavage sexuel. Les enquêteurs ont identifié 1 444 auteurs présumés, dont dix-huit hauts responsables, mais leurs noms restent confidentiels.
Invitée à s’exprimer au côté de Karim Khan, la rescapée Nadia Murad a rappelé que « l’EI n’a jamais cherché à se cacher. Des décrets ont été pris, des manuels codifiaient la vente aux enchères des femmes yézidies et ces ventes aux enchères ont encore lieu en ligne ». Elle a ajouté que 2 800 femmes seraient toujours entre les mains de l’EI. L’Etat islamique « a laissé de nombreuses traces » de ses crimes, a assuré Karim Khan. En février, une cérémonie pour le retour des corps de 103 yézidis a été organisée dans la cour d’école du village de Kocho, là même où les villageois avaient été triés par les djihadistes, femmes d’un côté, hommes de l’autre.
Armes chimiques
Les enquêteurs onusiens ont également bouclé le dossier concernant le massacre du camp Speicher, à Tikrit, identifiant 20 hauts responsables de ces crimes commis en juin 2014. Au moins 875 cadets irakiens de l’école de l’air et des soldats avaient été massacrés, leurs corps retrouvés dans onze fosses communes. Fin mai, les enquêteurs débuteront par ailleurs des exhumations sur le site de la prison de Badouche, où jusqu’à 600 chiites ont été ciblés et assassinés en juin 2014, près de Mossoul. D’autres dossiers sont ouverts sur les crimes commis contre les chrétiens, les Kakaï, les Chabak, les Turkmènes et les communautés sunnites. Karim Khan a aussi annoncé à New York l’ouverture d’une nouvelle enquête sur l’utilisation d’armes chimiques. Selon le rapport remis à l’ONU, l’EI aurait utilisé l’université de Mossoul pour stocker et expérimenter des armes chimiques – dont certaines testées sur des prisonniers – et aurait perpétré des attaques au gaz moutarde.
Mandatée pour collecter les preuves des crimes de l’EI en Irak et permettre le procès de leurs auteurs, Unitad a déjà transmis des pièces à quatorze pays, essentiellement européens. Au Conseil de sécurité, Nadia Murad a réclamé « des tribunaux internationaux pour prendre en compte l’ampleur universelle des crimes commis par l’EI ». Avec son avocate Amal Clooney, la lauréate du prix Nobel de la paix avait, à cette même tribune, il y a cinq ans, demandé « de saisir la CPI [Cour pénale internationale] de ce génocide, ou bien de créer, par un traité, un tribunal. Nous avions reçu de vaines promesses, dit-elle aujourd’hui, la justice a été repoussée ».
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