Ce n’est pas encore un arrêt, mais c’est un nouveau coup de semonce qu’a adressé, jeudi 6 mai, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) à la Pologne, au sujet de ses très controversées « réformes » des tribunaux. Déjà condamné pour avoir tenté de prendre le contrôle de la Cour suprême, en forçant à la retraite anticipée des magistrats qu’il n’avait pas lui-même nommé, le pouvoir polonais est cette fois-ci accusé par la Commission européenne d’avoir créé un régime disciplinaire des juges portant atteinte à leur indépendance. L’avocat général, Evgeni Tanchev, lui donne raison. Et bien que ses conclusions n’ont pas force obligatoire, elles sont souvent suivies par les juges de Luxembourg, qui devraient trancher d’ici quelques semaines.
Les juges de cette chambre disciplinaire, créée au sein de la Cour suprême polonaise, sont nommés par le Conseil de la magistrature, dont les membres sont désignés par le Parlement polonais, dominé par le parti ultraconservateur Droit et justice, au pouvoir. « Toute absence apparente d’indépendance ou d’impartialité portant atteinte à la confiance que la justice doit inspirer aux justiciables ne peut être tolérée », rappelle l’avocat général. « Cette affaire s’inscrit dans le contexte d’un nombre grandissant de litiges dont la CJUE a été saisie, concernant des modifications de la loi polonaise ayant des incidences sur l’indépendance de la justice. »
Pour Evgeni Tanchev, elle « revêt indubitablement une importance fondamentale pour l’ordre juridique de l’Union. De manière générale, un régime disciplinaire des juges comporte un ensemble de règles permettant de rendre les juges responsables de formes graves de faute et contribue ainsi à renforcer la confiance du public envers les juridictions. Or, il devrait exister des garanties suffisantes pour ne pas porter atteinte à l’indépendance des juges par la menace ou l’imposition de sanctions susceptibles de leur être infligées. Un tel régime est donc lié à l’Etat de droit et, à son tour, au fonctionnement et à l’avenir du système juridictionnel de l’Union dépendant de la Cour et des juridictions nationales ».
Incertitudes sur le droit applicable
Le gouvernement polonais a mis en avant l’argument selon lequel le mécanisme disciplinaire des juges a un caractère interne, sans lien avec le droit de l’UE. Mais l’avocat général a souligné que dans un arrêt rendu en mars, « la CJUE [avait] elle‑même constaté que les autorités polonaises [avaient] récemment multiplié les initiatives visant à freiner les renvois préjudiciels à la CJUE portant sur la question de l’indépendance des juridictions en Pologne, ou à remettre en cause les décisions des juridictions polonaises ayant procédé à de tels renvois ».
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