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« En fouillant la terre, on réveille les mémoires » : à la recherche des soldats allemands morts en France

Par Boris Thiolay

Publié aujourd’hui à 03h10

Carrure imposante, démarche énergique, Julien Hauser arpente le parterre de gazon impeccablement entretenu. Il penche son mètre quatre-vingt-six au-dessus d’une première dalle de pierre grise, fait quelques pas en arrière, s’arrête. C’est là. Quatre noms à consonance germanique sont gravés, avec les dates de naissance et de décès. Alex Nolting, mort le 10 août 1944, à 29 ans, voisine avec Heinrich Ziemann, tombé le même jour, à l’âge de 44 ans. « Ils font partie des 17 corps retrouvés en Dordogne, en 2003 », explique notre guide. Julien Hauser, 73 ans, est ici dans son « jardin ».

Un jardin très particulier : le cimetière militaire allemand de Berneuil, à une dizaine de kilomètres au sud de Saintes, en Charente-Maritime. Cette nécropole de trois hectares abrite 8 380 tombes de soldats allemands morts en France entre 1939 et 1945, ou après-guerre, alors qu’ils étaient prisonniers. C’est un cimetière dit « de regroupement », où ont été rassemblés des corps enterrés dans un premier temps dans 14 départements du Sud-Ouest.

Julien Hauser a été le conservateur des lieux de 1993 à 2008. Une mission dont il a hérité un peu par hasard, après avoir répondu à une offre d’emploi publiée en allemand dans le quotidien Sud-Ouest. Parfaitement bilingue, désireux de quitter une première vie professionnelle dans le transport, en région parisienne, il postule. Et se retrouve ainsi dans l’appartement de fonction qui jouxte le cimetière, au milieu des champs.

Plongées en eau trouble

Quinze ans après, au lieu de prendre sa retraite, il prolonge sa mission, à titre bénévole cette fois, jusqu’au 1er mai 2018, en tant que délégué général pour la France du Volksbund Deutsche Kriegsgräberfürsorge (VDK), le « Service pour l’entretien des sépultures militaires allemandes » des deux guerres mondiales. Fondée en 1919, cette association gère, pour le compte de l’Allemagne, 832 cimetières militaires dans 46 pays. Il en existe près de 200 à travers la France, dans les régions marquées par les deux conflits mondiaux. La devise du VDK ? Un appel à l’apaisement des mémoires : « Réconciliation sur les tombes – Travail pour la paix ».

Si Julien Hauser connaît aussi bien l’emplacement de telle ou telle sépulture, c’est parce qu’il a lui-même rapporté sur place des dizaines de dépouilles de soldats engloutis notamment dans le tourbillon des combats de la Libération. Les trois quarts ont pu être identifiés grâce à leur plaque militaire de métal. Dans le sud-ouest de la France, en l’absence de batailles conventionnelles – en dehors du bombardement de la poche de Royan, ville libérée en avril 1945 –, la grande majorité des morts allemands furent victimes d’affrontements avec des maquisards ou d’exécutions sommaires. « Retrouver les traces de ces soldats est la raison d’être du VDK, avant de leur donner une sépulture digne et de l’entretenir, précise Julien Hauser. Les militaires morts au combat ont droit à une tombe perpétuelle. »

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