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Pêche post-Brexit : Londres s’indigne des menaces françaises contre l’île de Jersey

Le gouvernement britannique et les autorités de Jersey ont dénoncé avec indignation mercredi 5 mai la menace implicite de Paris de couper le courant sur l’île anglo-normande en raison des conditions de pêche imposées aux marins français après le Brexit. Sujet explosif tout au long des négociations sur les conditions de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, l’accès des pêcheurs européens aux eaux britanniques continue de provoquer des frictions malgré l’accord trouvé entre Londres et Bruxelles, en vigueur depuis le 1er janvier dernier.

Selon Paris, le Royaume-Uni a publié vendredi une liste de 41 navires français, sur 344 demandes, autorisés à pêcher dans les eaux de Jersey, mais cette liste s’accompagne de nouvelles exigences « qui n’ont pas été concertées, discutées ni notifiées avant » dans le cadre de l’accord. Mardi, la ministre française de la mer, Annick Girardin, a affirmé que la France était prête à recourir à des « mesures de rétorsion » si les autorités britanniques continuaient à restreindre l’accès des pêcheurs français à ces eaux. Devant l’Assemblée nationale, elle a fait allusion à des répercussions éventuelles sur le « transport d’électricité par câble sous-marin » qui alimente l’île depuis la France.

« Menaces inacceptables »

« Les menaces envers Jersey sont clairement inacceptables et disproportionnées », a dénoncé un porte-parole du gouvernement britannique, disant « faire confiance à la France pour utiliser les mécanismes » prévus par l’accord post-Brexit « pour résoudre les problèmes ». « Ce n’est pas la première menace des Français envers Jersey ou le Royaume-Uni depuis que nous sommes dans ce nouvel accord », a déclaré le ministre des affaires étrangères de l’île, Ian Gorst, sur la BBC. « Il serait disproportionné de couper le courant juste parce qu’il faut fournir des détails supplémentaires afin que nous puissions affiner les licences » de pêche, a-t-il estimé.

Dans un communiqué publié mardi, le gouvernement de Jersey a assuré avoir « octroyé les licences de pêche conformément à l’accord commercial » conclu entre Bruxelles et Londres fin décembre. Ce dernier prévoit une période de transition jusqu’à l’été 2026, date à partir de laquelle les pêcheurs européens renonceront à 25 % des captures dans les eaux britanniques. Les pêcheurs de l’Union européenne conservent entre-temps un accès garanti aux zones situées entre 6 et 12 milles marins au large des côtes britanniques, très poissonneuses et souvent plus calmes pour naviguer, où ils se rendaient traditionnellement.

Pour obtenir cette autorisation, les navires doivent toutefois démontrer aux autorités britanniques qu’ils pêchaient déjà dans cette zone sur la période de référence 2012-2016. Et des crispations ont ressurgi ces derniers jours, des pêcheurs se plaignant de la lenteur de Londres à leur délivrer des licences.

Une centaine de bateaux français à Jersey

Dimitri Rogoff, le président du comité régional des pêches de Normandie, a prévenu qu’une centaine de bateaux français comptaient se rendre jeudi au port de Saint Helier, la capitale de Jersey, pour montrer leur mécontentement. Le premier ministre britannique Boris Johnson a lui estimé que tout blocus potentiel des ports de Jersey par des pêcheurs français « serait totalement injustifié », appelant à une « désescalade des tensions ».

Il a tout de même affirmé envoyer deux navires de patrouille « par précaution », affirme un communiqué de Downing Street, et profité d’un appel avec le ministre de l’île, John le Fondré, pour réitérer son « soutien indéfectible à Jersey ». Le ministère français de la mer a indiqué avoir demandé à la Commission européenne, seule habilitée à négocier avec le Royaume-Uni, qu’elle obtienne des « éclaircissements ».

Une porte-parole de la Commission interrogée par l’AFP a rappelé lundi soir que « toute condition » devait être notifiée avec suffisamment de préavis pour que l’autre partie puisse « commenter ou s’adapter ». « En outre, de telles conditions ne peuvent pas être discriminatoires envers nos pêcheurs », a-t-elle dit, confirmant que la Commission contacterait les autorités britanniques.

La situation est d’autant plus complexe que Bruxelles et Londres n’ont toujours pas réussi à se mettre d’accord sur l’adoption de quotas de pêche pour les stocks partagés entre l’UE et le Royaume-Uni pour 2021.

Le Monde avec AFP

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