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Birmanie : comment Total finance les généraux à travers des comptes offshore

Pose des tuyaux sur la plate-forme de Yadana, en Birmanie, le 24 février 2013. (Photo fournie par le service presse de Total) Pose des tuyaux sur la plate-forme de Yadana, en Birmanie, le 24 février 2013. (Photo fournie par le service presse de Total)

Depuis le coup d’Etat militaire en en Birmanie, le 1er février, la pression monte sur le groupe Total. Et pour cause : le pétrolier français exploite depuis 1998 un gisement de gaz au large des côtes birmanes. Les militants pro-démocratie demandent aux groupes étrangers, en particulier Total et l’Américain Chevron, de suspendre leurs activités pour cesser d’apporter un soutien financier à la junte – ce dont se défend le PDG de Total, Patrick Pouyanné, qui affirme simplement s’acquitter de ses obligations auprès de l’Etat birman.

Des documents internes, auxquels Le Monde a eu accès, racontent une autre version de l’histoire. Ils mettent en lumière le montage financier autour du gazoduc sous-marin de 346 km qui relie le gisement de Yadana à la Thaïlande. Ce tuyau ne se contente pas de transporter du gaz : il est le cœur d’un système où des centaines de millions de dollars provenant des ventes du gaz sont détournées des caisses de l’Etat birman vers la Myanmar Oil and Gas Enterprise (MOGE), une entreprise publique à la gestion opaque, contrôlée par les militaires.

Parmi les 120 000 documents ayant fuité de l’administration birmane peu après le coup d’Etat militaire du 1er février, se trouvent les comptes et les audits de la Moattama Gas Transportation Company (MGTC), propriétaire du pipeline acheminant le gaz de Yadana vers la Thaïlande, et dont Total est l’opérateur et le premier actionnaire. Première bizarrerie : selon les rapports des commissaires aux comptes, cette entreprise déclare un niveau de profit à faire pâlir d’envie n’importe quelle multinationale – 98 % de bénéfice net avant impôt –, alors que le propriétaire du gazoduc a déclaré, en 2019, un chiffre d’affaires de près de 523 millions de dollars (433 millions d’euros), pour seulement 11 millions de dollars des charges.

Un chiffre surréaliste, voire anormal. Plusieurs experts du secteur, consultés par Le Monde, rapportent que cette pratique est le signe d’un montage fiscal particulier. « Lorsque la totalité du profit est sur le transport, c’est qu’il s’agit d’une optimisation fiscale particulièrement agressive », explique un bon connaisseur de ce type d’opérations. « Ce n’est pas forcément de la corruption. Simplement, les impôts payés sur le transport sont en général bien inférieurs à ceux payés sur la production », détaille Johnny West, du cabinet Open Oil, qui conseille des gouvernements sur leurs liens avec les compagnies pétrolières.

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