La tenue vendredi des enchères les plus importantes au Brésil dans le traitement des eaux était encore incertaine jeudi soir, en raison d’un bras de fer politico-juridique dans ce dossier cher au gouvernement Bolsonaro.
Ces enchères doivent octroyer des concessions de 35 ans pour la gestion des services de distribution d’eau potable et d’assainissement pour 13 des 17 millions d’habitants que compte l’Etat de Rio de Janeiro.
Ces services sont assurés par la compagnie publique Cedae, très critiquée ces dernières années pour la mauvaise qualité de l’eau — souvent trouble, malodorante et au goût de terre — qui sort des robinets à Rio.
Mais un premier coup de théâtre a eu lieu jeudi en mi-journée, avec un vote à l’assemblée législative de l’Etat de Rio (Alerj): les députés ont décidé que les enchères ne pouvaient pas avoir lieu car cet Etat surendetté du sud-est du Brésil est encore en cours de négociation pour un nouveau régime d’aides fédérales.
L’accord précédent, qui n’est plus en vigueur, comprenait la concession de la Cedae en échange de ces aides financières. Les députés ont souhaité que la Cedae ne soit pas cédée tant que le nouvel accord ne serait pas signé.
Quelques heures plus tard, nouveau rebondissement: le gouverneur de l’Etat de Rio Claudio Castro, allié du président d’extrême droite Jair Bolsonaro, a publié un décret au Journal officiel annulant la suspension des enchères.
Mais le président de l’Alerj, le député de gauche André Ceciliano, a déclaré que les services juridiques de l’assemblée allaient « analyser la légalité » de ce décret et prendre les mesures nécessaires en cas d’illégalité.
Le sénateur Flavio Bolsonaro, fils du chef de l’Etat, avait qualifié plus tôt sur Twitter de « grave erreur » la décision de l’Alerj, assurant que les enchères auraient bien lieu.
– Financements d’une banque publique –
Ces enchères sont importantes pour le gouvernement Bolsonaro et son ministre de l’Economie ultra-libéral Paulo Guedes, qui a vu son vaste plan de privatisations freiné par la pandémie.
Mais l’idée de privatiser le traitement des eaux à Rio est rejetée par de nombreuses personnes qui craignent notamment une augmentation des tarifs.
Les enchères avaient déjà été suspendues temporairement par plusieurs décisions judiciaires, annulées par la suite en appel.
Le prix minimum fixé pour l’ensemble des quatre blocs mis aux enchères était de 10,6 milliards de réais (environ 1,62 milliard d’euros), mais les enchères auraient pu rapporter davantage, plusieurs offres ayant déjà été déposées pour au moins trois d’entre eux.
Et la concession prévoyait également que les entreprises ayant remporté les enchères investissent 30 milliards de réais (4,6 milliards d’euros) tout au long des 35 ans.
Pour encourager les entreprises à prendre part aux enchères, la Banque publique de développement BNDES prévoit de financer jusqu’à 55% des investissements dans ce projet pharaonique qui pourrait permettre de créer 45.000 emplois.
Aucune entreprise d’assainissement étrangère n’est en lice pour les enchères, mais un des consortiums bénéficie de l’appui financier d’un fonds souverain de Singapour.
Le fonds de pension canadien Canada Pension Plan Investment Board détient par ailleurs 45% du groupe brésilien Igua, qui fait partie d’un autre consortium.
– Objectif 2033 –
« Il y a beaucoup d’attente autour de ces enchères, avec des montants très élevés, mais aussi de grands défis à relever, dans une région très densément peuplée où la situation s’est fortement détériorée ces dernières années », avec une grande quantité d’eaux usées se déversant dans les cours d’eaux, explique à l’AFP Edison Carlos, de l’Institut Trata Brasil, une association qui lutte pour un meilleur traitement des eaux.
Autre défi de taille: de nombreuses zones encore non équipées en tout-à-l’égout se trouvent dans des favelas, qui vivent souvent sous le joug de narcotrafiquants ou de milices criminelles.
À l’échelle du Brésil, près de 35 millions de personnes n’ont pas accès à l’eau potable et environ 100 millions ne sont pas reliées au tout-à-l’égout, soit près de la moitié de la population.
En juin, le Parlement a adopté une loi qui vise à faciliter l’entrée de groupes privés dans des projets d’assainissement pour que l’ensemble de la population bénéficie d’eau potable et du tout-à-l’égout d’ici 2033.
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