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Anne E. Deysine : « La Cour suprême des Etats-Unis est plus que jamais au cœur du jeu politique »

Tribune. La gauche du Parti démocrate américain est convaincue que seule l’addition de plusieurs postes de juges à la Cour suprême peut contrebalancer les manœuvres des républicains et la droitisation dangereuse qui en résulte. Pour le président Biden, conscient des risques politiques (pour lui et pour la crédibilité de la Cour), il est urgent d’attendre. D’où la nomination, le 9 avril, d’une commission composée d’experts de tous horizons qui doit lui remettre un rapport et ses recommandations en principe en cent quatre-vingts jours, soit à l’automne si ce délai est tenu.

La Cour suprême se trouve donc plus que jamais au cœur du jeu politique américain. Elle a été un enjeu électoral de premier plan lors des élections de 2016 et 2020 car elle est composée de juges de plus en plus conservateurs. Ce sont des idéologues, issus de la Federalist Society [principale organisation de juristes conservateurs], créée dans les années 1980 pour contrebalancer l’influence des progressistes dans les juridictions fédérales.

Or, la Cour est puissante et rend des décisions partisanes, dans des domaines qui mettent en cause le fonctionnement démocratique des institutions. Citons l’arrêt Citizens United de 2010, qui a ouvert les vannes de l’argent privé et opaque [qui permet la participation financière des entreprises aux campagnes électorales], et la décision Shelby de 2013, qui a démantelé les mécanismes antidiscrimination du Voting Rights Act (loi sur le droit de vote) de 1965 et laissé la voie libre aux Etats souhaitant restreindre l’accès au vote pour les minorités qui ont tendance à voter démocrate.

Nominations « volées » aux démocrates

De par sa fonction, la Cour n’a pas à être représentative mais, sur les six juges conservateurs qui siègent actuellement, tous, sauf un (Clarence Thomas) ont été nommés par des présidents élus grâce au collège électoral mais sans la majorité des suffrages populaires. Et deux des trois nominations effectuées par Donald Trump ont été « volées » aux démocrates.

Le siège du juge Antonin Scalia rendu vacant par son décès, en février 2016, a été gelé pendant neuf mois par le leader républicain au Sénat Mitch McConnell, qui a refusé d’organiser une audition et a fortiori un vote sur le candidat Merrick Garland (aujourd’hui ministre de la justice) désigné par Barack Obama, ce qui a permis à Donald Trump de nommer son premier juge, Neil M. Gorsuch, dès le printemps 2017.

Puis, lorsque Ruth Bader Ginsburg est décédée, fin septembre 2020, soit six semaines avant les élections, il n’a plus été question « d’attendre le verdict des urnes afin que le peuple puisse exprimer ses préférences ». Les auditions ont été organisées au pas de charge et la très conservatrice Amy Coney Barrett, âgée de 44 ans et qui peut siéger pendant quarante ans, a été approuvée par les seules voix républicaines.

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