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Publié le : 28/04/2021 – 12:25Modifié le : 28/04/2021 – 12:33
L’Arabie saoudite a gelé ses importations de fruits et légumes en provenance du Liban, après la découverte de plus de cinq millions de pilules de Captagon cachées dans de la grenade. La contrebande de ce psychotrope met en lumière les défaillances douanières au pays du Cèdre, où le commerce illégal bat son plein.
Nouveau coup de massue. Dans un Liban qui traverse la pire crise économique, sociale et politique de son histoire, la décision saoudienne de suspendre les importations de fruits et légumes libanais a porté un coup dur aux agriculteurs du pays.
Cet embargo, entré en vigueur le 25 avril, après la saisie par les douanes saoudiennes de plus de cinq millions de pilules de Captagon (un psychotrope à base d’amphétamines) cachées dans des caisses de grenades en provenance du Liban, vient bousculer une économie dégradée.
Menace sur le secteur agricole
Depuis, les agriculteurs libanais craignent qu’une telle décision ne porte le coup de grâce à un secteur déjà en souffrance. Selon des chiffres publiés par le syndicat des agriculteurs, le Liban exporte tous les ans 55,4 % de sa production vers les États du Golfe. Le pays a exporté pour 29,3 millions de dollars de fruits et légumes vers l’Arabie saoudite en 2020, selon le site des douanes libanaises.
Le Koweït, le Bahreïn, le sultanat d’Oman et les Émirats arabes unis ont exprimé leur soutien à Riyad, sans toutefois annoncer la mise en place de mesures similaires. Dans le cas contraire, les cultivateurs libanais risquent gros, à l’heure où le dollar, dont ils sont dépendants, est presque introuvable dans le pays.
L’incapacité des autorités libanaises à instaurer des contrôles douaniers efficaces
L’affaire relance par ailleurs le débat sur la contrebande transfrontalière qui transite par le Liban et la nécessité de renforcer les contrôles. Le président de la République, Michel Aoun, a tenu une réunion le 26 avril, à l’issue de laquelle il a appelé l’Arabie saoudite à revenir sur sa décision et proclamé sa détermination à renforcer la lutte contre le commerce illégal. Les forces de sécurité libanaises ont annoncé plusieurs coups de filet ces derniers jours. La police a indiqué avoir saisi du matériel destiné à la fabrication de Captagon à Baalbeck le week-end dernier. Quatre personnes liées à une société fictive ayant introduit les grenades au Liban ont également été arrêtées.
Selon les premiers éléments de l’enquête des douanes, cités par le quotidien libanais L’Orient-Le Jour, la cargaison de grenades truffées de Captagon avait été introduite au Liban depuis la Syrie avant d’être réexportée vers le royaume wahhabite. La contrebande entre le Liban et la Syrie est particulièrement active ces derniers mois, et profite de l’absence de contrôle strict sur les postes frontaliers ainsi que de la présence de nombreux points de passage illégaux.
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Des fruits arrivés dans des camions en provenance de Syrie
Ibrahim Tarchichi, président du rassemblement des agriculteurs et paysans de la Békaa, explique que le Liban n’est pas un producteur de grenades. « Ce n’est pas la saison des grenades ici et ce n’est pas un fruit que nous exportons normalement, indique-t-il. Ces fruits ont été importés au Liban par une société fictive. Ils sont arrivés de Syrie le 26 janvier 2020, à bord de camions entrés par le passage de Masnaa ».
« Les fruits ont ensuite été entreposés dans un dépôt dans la Békaa avant de se retrouver au port de Beyrouth. Je pense que la drogue était déjà dissimulée à l’intérieur des grenades avant leur arrivée au Liban. Malheureusement, ce sont les agriculteurs libanais qui paient le prix de ce trafic », déplore-t-il.
Pour Marwan Hamadé, ancien ministre et député démissionnaire, l’implication des alliés de Damas dans le pays ne fait pas de doutes. Fervent opposant au régime syrien, il rappelle que le parti chiite Hezbollah a été pointé du doigt à plusieurs reprises dans le trafic de Captagon dans la région et que l’embargo saoudien pourrait être une mise en garde adressée au pays du Cèdre.
« Le trafic de narcotiques et de drogue est devenu une des sources de revenus principale du parti chiite, depuis que l’Iran n’a plus les moyens de le financer », indique Marwan Hamadé. « Dans le cas du trafic vers l’Arabie saoudite, il s’agit d’un ciblage politique. Le trafic et l’export vers des destinations choisies fait partie de l’offensive générale du Hezbollah », poursuit-il.
« Les Saoudiens ne se plaignent pas seulement du Captagon, mais des radios et télévisions du Hezbollah qui opèrent dans la banlieue sud de Beyrouth et qui émettent via des satellites russes vers le Yémen et le Bahreïn », affirme Marwan Hamadé, qui met en garde contre l’isolement progressif du Liban au sein de la communauté internationale « si le pays continue d’ignorer la gravité de la situation ».
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