Accusée de lenteur, l’UE franchira une étape importante la semaine prochaine pour débloquer les milliards d’euros promis face à la pandémie : une douzaine de pays doivent soumettre à Bruxelles leur plan de relance avec l’espoir de versements dès juillet.
La justice allemande a levé mercredi un gros obstacle en rejetant un recours qui menaçait la ratification du projet par Berlin. Puis jeudi, le Portugal a été le premier pays à déposer son dossier. « Cela a été une très bonne semaine », se réjouit un haut responsable européen.
La semaine prochaine, « une douzaine » d’autres plans nationaux de relance, des documents de 50.000 pages en moyenne, doivent être présentés, a précisé cette source, dont celui de la France mercredi.
Cette étape permet à la Commission de démarrer l’examen formel des projets d’investissements et de réformes de chaque pays, qui doit durer deux mois, avant un feu vert du Conseil européen représentant les Etats membres, qui nécessitera jusqu’à quatre semaines supplémentaires.
« Notre objectif reste d’adopter tous les plans d’ici l’été », a déclaré jeudi la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen. Si tout va bien, « nous verrons l’argent s’écouler en juillet », avec le versement de préfinancements représentant 13% des aides totales, assure-t-on à la Commission. Un an après l’accord historique des Vingt-Sept.
– Un projet historique –
D’une ampleur inédite, avec 672 milliards d’euros de subventions et de prêts, le mécanisme financé pour la première fois par un recours commun à l’emprunt, incarne la solidarité européenne face à la crise du Covid-19.
Mais l’Europe souffre de la comparaison avec les Etats-Unis où des aides plus massives ont été débloquées plus vite, tandis qu’une campagne de vaccinations plus rapide a permis à l’économie américaine de prendre un temps d’avance.
D’où des critiques.
« Je constate que la cavalerie américaine arrive à temps, que l’argent il est là, il est aux Etats-Unis. J’aimerais que la cavalerie européenne arrive aussi à temps », s’était agacé début avril le ministre français de l’Economie, Bruno Le Maire.
Jeudi, la présidente de la Banque centrale européenne, Christine Lagarde, a encore insisté sur « l’urgence » à mettre en oeuvre le plan de soutien.
L’Espagne et l’Italie devraient être les principaux bénéficiaires avec près de 70 milliards d’euros chacune, devant la France (près de 40 milliards).
Ces dernières semaines, la Commission a mené des discussions difficiles avec les pays membres sur les projets nationaux qui doivent respecter des critères précis. Le dépôt des premiers dossiers montre que des blocages politiques ont été dépassés.
Sur le volet investissements, au moins 37% des investissements doivent concerner l’environnement, notamment la lutte contre le changement climatique, et 20% la transition numérique.
L’argent va permettre de financer la rénovation thermique de bâtiments, des projets ferroviaires, des bornes de recharge pour véhicules électriques, des réseaux de télécommunications à haut débit ou encore des infrastructures de stockage des données…
L’objectif est de moderniser l’économie européenne, qui souffre de sous-investissements.
– Réformes structurelles –
Mais, pour s’assurer du bon usage des deniers publics, la Commission demande aussi aux Etats membres de s’engager sur des réformes structurelles, avec un échéancier détaillé sur deux ans, dont le respect conditionnera le paiement des aides.
Sont potentiellement concernées la réforme en cours de l’assurance chômage en France, une réforme du marché du travail en Espagne, des réductions de dépenses publiques en Italie… Des « recommandations spécifiques » formulées en 2019 et 2020 par le Conseil européen.
Les négociations avec des Etats membres sont toujours en cours. Elles semblent particulièrement difficiles avec la Hongrie, dont le Premier ministre Viktor Orban est venu rencontrer vendredi Ursula von der Leyen à Bruxelles.
Budapest avait menacé l’an dernier de bloquer le plan de relance européen, tentant en vain d’empêcher que le respect de l’Etat de droit, pour lequel il est critiqué, conditionne le versement des aides.
Les questions d’Etat de droit ou de corruption sont « des éléments tout à fait centraux » des réformes requises, a souligné vendredi un responsable européen.
M. Orban a grand besoin des 7 milliards de subventions allouées à la Hongrie. Mais il dispose d’un atout dans sa manche. Son pays fait partie des neuf Etats membres n’ayant pas encore ratifié le plan de relance européen. Or aucun paiement ne sera possible sans le feu vert de tous.
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