Point d’achoppement jusqu’au bout des négociations sur le Brexit, l’accord sur la pêche tarde encore à se mettre en place, suscitant la grogne des professionnels et un appel de la France à une action européenne « ferme et déterminée ».
L’épicentre de la protestation se situe à Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais), où plus d’une centaine de marins-pêcheurs se sont rassemblés jeudi soir, prêts à bloquer les camions en provenance du Royaume-Uni et transportant du poisson britannique.
Très peu de camions se sont néanmoins présentés, les transporteurs ayant anticipé le mouvement, selon le comité régional des pêches.
« Cette nuit d’action est un coup de semonce et, si rien ne se passe au niveau européen, alors nous passerons à la vitesse supérieure », a prévenu son président Olivier Leprêtre.
Au cœur de la grogne: la mise en place jugée trop lente de l’accord entérinant les relations commerciales entre l’Union européenne et le Royaume-Uni à la suite du Brexit, dont la pêche a été un volet particulièrement sensible.
Celui-ci prévoit notamment que les Britanniques délivrent des licences pour la zone des 6-12 milles marins au large de leurs côtes, où les pêcheurs européens se rendaient traditionnellement.
Mais, plus de quatre mois après l’aboutissement des négociations, seulement 22 bateaux sur 120 de Boulogne-sur-Mer, premier port de pêche français, ont reçu la précieuse licence permettant d’accéder à ces eaux riches en poissons, selon M. Leprêtre.
« Les Britanniques jouent la montre. Sans licence, c’est une partie de la flotte qui est bloquée à quai. C’est insupportable que nous soyons encore dans cette situation de blocage, c’est une aberration », a critiqué auprès de l’AFP Gérard Romiti, président du comité national des pêches.
Pour obtenir ce sésame, il faut par exemple prouver que le bateau exerçait dans la zone britannique avant l’accord.
« On a des retours de certains bateaux qui travaillent côté anglais sur le fait qu’il y a de plus en plus de contrôles pointilleux, dans des zones où il n’y avait jamais de contrôles avant », a relevé Philippe Calvez, président du comité des pêches du Finistère.
– Appel à la Commission européenne –
Sollicité par l’AFP, le département britannique de l’Environnement, de l’Alimentation et des Affaires rurales a expliqué vendredi maintenir « une approche cohérente et fondée sur des preuves pour l’octroi de licences aux navires de l’Union européenne ».
« Nous ne reconnaissons pas les chiffres qui ont été partagés par l’industrie de la pêche française et considérons que cette réaction est injustifiée. Nous avons fait part de nos préoccupations concernant l’action de protestation prévue directement aux autorités françaises », a ajouté un porte-parole.
Au total, 87 bateaux français ont jusqu’ici été autorisés à œuvrer dans la zone des 6-12 milles marins britanniques.
Jeudi soir, le gouvernement français avait élevé la voix, demandant à la Commission européenne d’agir « fermement » vis-à-vis des Britanniques. « Nous agirons dans un esprit de solidarité européenne, de coopération avec le Royaume-Uni, mais l’urgence commande une accélération des efforts collectifs », ont souligné la ministre de la Mer Annick Girardin et le secrétaire d’Etat aux Affaires européennes Clément Beaune dans un communiqué commun.
A Boulogne-sur-Mer, l’affaire est éminemment politique. Dans un courrier à Mme Girardin mi-mars, plusieurs élus locaux avaient souligné les menaces pesant sur « l’activité des 850 marins des Hauts-de-France et les 5.000 emplois du port ».
Jeudi, le maire socialiste de la ville, Frédéric Cuvillier, lui même ancien ministre de la Pêche, a apporté son soutien aux pêcheurs et réclamé un « sursaut » de l’Union européenne.
Vendredi, le président (ex-LR) de la région des Hauts-de-France, Xavier Bertrand, candidat à sa réélection, est venu sur place, alors que les pêcheurs ont conclu leur action dans la matinée par une vente au public.
Outre la question des licences, d’autres points de tension demeurent à ce stade, comme l’accès aux bases avancées, c’est-à-dire le fait de pouvoir débarquer le poisson en Angleterre pour le rapporter en France par camion.
« Nous voulons savoir comment vont précisément se mettre en place ces importations, avec quelles règles. Il ne faudrait pas confondre ce poisson avec des importations britanniques », a prévenu M. Romiti.
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