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La revue des revues. Pour leur dixième anniversaire, Les Cahiers de la justice ont choisi d’explorer une question qui, dans l’Hexagone, a l’art de mettre le feu aux poudres : « Faire justice dans les sociétés multiculturelles ». Dans un pays aussi centralisé que la France, constatent en effet les universitaires Fabrice Hourquebie et Pauline Gervier dans leur présentation du dossier, l’idée que le droit de l’Etat puisse coexister avec des droits locaux, traditionnels ou coutumiers apparaît volontiers comme une menace, voire un danger.
Créée en 2011 par les éditions Dalloz et l’Ecole nationale de la magistrature, la revue démontre pourtant que, dans les pays marqués par la colonisation ou les migrations, le pluralisme juridique peut parfois contribuer à la pacification des rapports sociaux. Loin de s’ignorer, poursuivent Fabrice Hourquebie et Pauline Gervier, les différents ordres juridiques entretiennent, dans certaines régions du monde, des relations complexes qui permettent d’« apaiser les conflits », voire, de « contribuer à améliorer la gouvernance des sociétés ».
Tour du monde du pluralisme juridique
Pour apprécier l’ampleur de ce mouvement qui place le juge au cœur de normes plurielles, Les Cahiers de la justice proposent un passionnant tour du monde du dualisme juridique. La revue nous emmène ainsi au Burundi, où le juriste Clément Cadinot observe des échanges fructueux entre le droit de l’Etat et la justice de proximité des sages bashingantahe, mais aussi au Canada, où l’Etat cherche, selon Sébastien Grammond et Christiane Guay, à « construire des passerelles » entre le droit étatique et les règles coutumières des peuples autochtones.
En Roumanie, c’est au travers des mariages précoces de la communauté rom que Sergiu Miscoiu et Laura Herta décryptent les subtiles interactions entre le droit étatique et le droit coutumier. Les « stabors », ces tribunaux de paix roms qui datent du XVIe siècle, ne sont pas officiellement reconnus par l’Etat roumain, mais leur présence donne lieu à « une accommodation complexe et parfois inouïe entre l’application de la loi de l’Etat et la mise en œuvre des décisions prises par les instances coutumières ».
Palabres
Si la France est un pays « stato-centré », elle tolère, elle aussi, certaines justices traditionnelles, souligne la revue. En Nouvelle-Calédonie, le droit de la famille et des biens de la communauté kanak est ainsi régi par le droit coutumier, et non par le code civil. Mariage, adoption, filiation, attribution de terres, divorces, funérailles, « dans le cercle des tribus, les ordres des chefs coutumiers et les palabres arbitrent au quotidien des milliers d’affaires sur la base de la coutume orale », constatent François Féral et Anne-Lise Madinier.
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