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A Nice, plusieurs jeunes migrants ont été arrêtés ces derniers mois au terme d’un rendez-vous administratif avec le service du bureau de l’Enfance. Le département des Alpes-Maritimes justifie ces arrestations par un « accord » passé avec la police et la préfecture. Ces jeunes, interpellés et menottés par la Police aux frontières, ont ensuite été sommés de quitter le territoire. Un « scandale », s’offusquent les avocats et associations d’aide aux migrants.
« C’est une véritable catastrophe ». C’est avec ces mots que Laure Pons, avocate à Nice, évoque le dossier. « Je vais résumer ce qu’il se passe avec un exemple récent. Je parle d’un jeune qui arrive mineur sur le territoire français, à Nice. Il est convoqué par l’ASE [l’Aide sociale à l’Enfance, le service départemental chargé d’évaluer la minorité des jeunes étrangers, ndlr]. Il se présente et fait son évaluation. Au terme de cette évaluation, l’Aide sociale à l’enfance ne reconnaît pas sa minorité et le déclare majeur », raconte l’avocate. « Le jeune est alors convoqué par les bureaux ASE pour qu’on lui explique ce refus de minorité – un refus qui peut être contesté, je précise -. Il est 14h. En partant de ce rendez-vous une demi-heure plus tard, le jeune est alors arrêté et menotté devant les locaux de l’ASE par la Police aux frontières qui l’attendait ! »
Le jeune homme, un Guinéen, a été conduit au commissariat, puis s’est vu remettre une obligation de quitter le territoire français (OQTF). InfoMigrants a pu consulter un extrait de son procès-verbal d’interpellation. Il y est écrit que la police a été prévenue par « la Direction de l’Enfance […] section mineurs non accompagnés ».
Pour Laure Pons, le procédé utilisé ressemble ni plus ni moins à une « délation ». La plupart de ces jeunes, rappelle-t-elle, ont pourtant des droits. « Le refus de minorité de l’ASE ne signifie pas la fin d’un parcours. Un jeune peut faire appel de la décision. Il peut saisir un juge pour enfants. Comment des droits fondamentaux peuvent être ainsi bafoués ? », s’indigne encore l’avocate qui a récemment défendu un autre cas similaire. « Il s’agit d’un public vulnérable qui doit être protégé […] pas menotté à la sortie d’un bureau de service social ».
En effet, un jeune débouté de sa minorité par le département où il se trouve peut faire appel de la décision et saisir le juge pour enfants. Dans l’attente de la procédure, le jeune est censé être protégé et mis à l’abri.
« On a un accord avec […] la police aux frontières »
Interrogé par l’AFP, le département des Alpes-Maritimes – qui regroupe tous les services d’aide sociale à l’enfance – ne nie pas avoir contacté la police pour procéder à des arrestations. Et parle même d’un « accord ».
« On a un accord avec la direction départementale de la police aux frontières (PAF) qu’on appelle pour venir chercher ces jeunes évalués majeurs. La plupart partent avant d’avoir cet entretien, et très peu sont remis à la PAF », a déclaré la Direction de l’Enfance confirmant que huit jeunes évalués majeurs ont été remis à la PAF entre octobre 2020 et mars 2021.
« Au vu de la pression des flux, on ne peut pas se permettre d’accueillir des majeurs qui dévoient les dispositifs de protection de l’enfance », se sont encore justifiés les services du département.
« Un protocole [qui permet] aux services du département d’adresser à la PAF les documents d’identité des [migrants] »
Contactée par InfoMigrants, la préfecture parle, elle, d’un « protocole ». Elle ne nie pas non plus les arrestations. « Un protocole signé en décembre 2019 entre l’Etat, le conseil départemental et les procureurs de la République de Nice et Grasse prévoit la possibilité pour les services du département d’adresser à ceux de la police aux frontières (PAF) les documents d’identité qui peuvent être détenus par les intéressés. Les services de la PAF vérifient alors l’authenticité des documents. En cas de fraude, sous l’autorité du Procureur de la République, une procédure judiciaire est établie. »
La personne dont la majorité a été établie, « dépourvue de titre de séjour est alors placée sous le régime de la retenue administrative ». Pas d’explications, en revanche, sur le droit pour ces jeunes étrangers à un recours.
« Les jeunes ne vont plus à l’ASE »
L’association niçoise Tous Citoyens!, et le syndicat des avocats de France s’offusquent d’un tel accord. « Il est extrêmement choquant qu’un service social procède à des signalements donnant lieu à des arrestations par la police concernant de jeunes exilés ne présentant pas de menace pour l’ordre public », ont critiqué les deux organisations via un communiqué. Le collectif qui leur vient en aide a eu connaissance d’ »une dizaine de cas en six mois ».
« Ce qu’il se passe, c’est qu’on dit aux jeunes de ne plus aller à l’ASE quand ils reçoivent de leur part une notification de refus de minorité », déclare encore Michel Sinnoet, membre de Tous Citoyens!. « La plupart le savent déjà. L’information circule bien. Ils savent qu’il y a des arrestations là-bas ».
Ces quatre dernières années, plusieurs milliers de jeunes étrangers sont arrivés dans les Alpes-Maritimes en passant par la frontière italienne et se présentent comme mineurs isolés relevant de la protection de l’enfance (791 en 2017, 2 238 en 2018, 1 871 en 2019 et 2 683 en 2020). La hausse des arrivées de ces jeunes oblige le département à adapter en permanence ses dispositifs d’accueil.
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