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Expérimentation animale : Des pratiques cruelles et des contrôles insuffisants ?

Une ex-animalière dans un laboratoire et une chercheuse membre d’un comité d’éthique se sont confiées à l’association Animal Testing. Elles dénoncent la mise à mort brutale des lapins, le rythme infernal des prélèvements effectués sur les animaux, ainsi qu’une insuffisance des contrôles par les autorités. Des accusations qui, si elles s’avéraient fondées, relèveraient de la cruauté. La Fondation 30 Millions d’Amis réclame l’interdiction de l’expérimentation animale lorsque des méthodes substitutives existent.

Voilà qui pourrait relancer le débat sur l’expérimentation animale. Interrogées en mars 2021 par l’association Animal Testing, deux lanceuses d’alerte – qui ont souhaité garder l’anonymat – dévoilent l’horreur des laboratoires d’expérimentation animale. L’une d’elles témoigne de son expérience en tant qu’animalière au sein d’un laboratoire spécialisé dans l’élevage de lapins, situé dans l’ouest de la France, où elle a exercé entre 2017 et 2019 [30millionsdamis.fr a pu consulter son contrat de travail, NDLR]. La seconde, une chercheuse toujours en poste dans un grand laboratoire français selon Animal Testing, dénonce les « conflits d’intérêts » qui entraveraient selon elle les comités d’éthique – chargés d’évaluer les projets d’expérimentation animale – dont elle affirme faire partie. Des révélations rendues publiques par le quotidien Libération, qui a pu s’entretenir directement avec les deux protagonistes.

Des lapins tués en les tapant contre une tôle en fer

L’ex-employée dit avoir exercé dans un service dédié aux prélèvements de sérum de lapin. Pour obtenir le précieux liquide sanguin destiné à l’industrie pharmaceutique, les animaux y seraient anesthésiés et régulièrement prélevés à l’aide d’une aiguille au niveau des oreilles et du cœur. La trentenaire dénonce les conditions de vie des animaux, qui seraient détenus « par deux dans des cages minuscules sans jamais voir la lumière du jour » : « il y en qui sont tellement stressés qu’ils se rongent les pattes jusqu’à l’os ; il y en a qui se mangent tous les poils du cou et qui se font des plaies énormes », décrit-elle. Des conditions qui seraient selon elle propices aux accidents : « Ils ont fait installer des sortes de mezzanines dans les cages […] Le problème c’est que ce n’est pas vraiment adapté, et que les lapins se coincent les pattes dedans et se les cassent, donc on est obligé de les euthanasier. […] On en retrouve au moins 3 ou 4 comme ça par jour. »

 

Quand les lapins sont anesthésiés et qu’on les pique dans le cœur, ils se mettent à hurler !

Envoyée par son employeur quelques jours en formation à l’École vétérinaire de Nantes, l’ancienne technicienne aurait alors pris conscience d’un rythme de prélèvement trop élevé pour les animaux : « [Les formateurs] nous ont dit qu’il ne fallait pas prélever plus de 4 tubes par semaine, alors que nous, on en prélève 12 en même pas une semaine ! » « Quand ils sont anesthésiés et qu’on les pique dans le cœur, ils se mettent à hurler », souffle la jeune femme, relatant le cas d’un animal en grande souffrance : « Le lapin s’est mis à cracher du sang par la bouche, il avait les yeux révulsés […] [Ma responsable] m’a dit « tu le prends » […] et on l’a prélevé, alors qu’il était en train de mourir. » Enfin, elle témoigne de la mise à mort des lapereaux en sur-nombre dans les portées de lapines – ainsi que de l’« euthanasie » d’animaux blessés – de façon barbare : « On les prend, puis on les tape contre une tôle en fer […] On tape des lapereaux quasiment tous les jours », affirme-t-elle.

Des expériences animales « pour occuper les équipes »…

Autant d’infractions présumées, qui passeraient toutefois inaperçues auprès des services vétérinaires, les équipes étant prévenues à l’avance des contrôles à venir. « On sait quel jour il y aura des contrôles, donc forcément ils nous font astiquer partout », reconnaît l’ex-salariée. Se présentant comme chercheuse dans un autre laboratoire, un second témoin tend à confirmer cette opacité. « Il y a un contrôle des études, mais pas de contrôle de l’animal pendant l’étude, déplore-t-elle. J’ai vu des chiens qui n’avaient même pas de couverture et qui vivaient toute la journée, 24/24h de leur vie, sur du béton. » Selon cette lanceuse d’alerte, l’expérimentation animale ne serait pas toujours justifiée par un intérêt scientifique : « Vous n’avez pas que des questions de science derrière ces études mais également des questions économiques […] et, je l’ai entendu de mes propres oreilles : « parce qu’il faut occuper les équipes » ! ».

 

Si le président d’un comité d’éthique est celui qui est responsable de l’expérimentation animale, c’est une mise en scène.

Chargés d’évaluer les projets d’études scientifiques impliquant l’utilisation d’animaux, les comités d’éthique s’avéreraient insuffisants pour jouer leur rôle de garde-fou, selon cette chercheuse qui affirme en avoir fait partie au sein de sa propre entreprise. « Il y a une minorité de personnes d’un comité d’éthique qui se sont exprimés contre une étude […], parce que trop lourde, insuffisamment justifiée et parce que les cages des animaux n’étaient plus conformes à la réglementation, se souvient-elle. L’alerte a été donnée mais l’étude avait commencé […]. On a demandé d’arrêter immédiatement l’étude, ce qui n’a pas été fait. » « Si le président d’un comité d’éthique est celui qui est responsable de l’expérimentation animale, et si les trois-quarts du comité d’éthique sont composés [de ceux qui la pratiquent] – des directeurs d’étude, des animaliers et des techniciens – [alors] c’est une mise en scène, il n’y a pas de contre-pouvoir », ajoute-t-elle.

9 Français sur 10 contre l’expérimentation animale

A travers sa campagne #Controlonsleslabos, l’association Animal Testing exhorte le gouvernement à « mettre fin à l’impunité des laboratoires français en renforçant drastiquement les contrôles » effectués par les services vétérinaires au sein de ces structures. Au total, plus de 1,8 million d’animaux ont été utilisés pour la science en France en 2019, selon le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation. La Fondation 30 Millions d’Amis adresse aux instances européennes une pétition afin qu’elle incite les États membres à mettre fin aux tests sur les animaux, déjà signée par plus de 370.000 personnes. Dès lors qu’il est démontré que des méthodes substitutives existent, 89 % des Français sont favorables à l’interdiction de toute expérimentation animale (Baromètre Fondation 30 Millions d’Amis – Ifop, 2021).

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