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Le feu, semble-t-il, serait parti de presque rien, un foyer allumé par des sans-abri qui s’en vont à la tombée du jour s’installer sur les hauteurs de la ville du Cap pour coucher dans le parc de la montagne de la Table, et tentent de s’y réchauffer tant bien que mal alors que les nuits deviennent, en cet automne austral, de plus en plus froides.
C’est en tout cas l’hypothèse qui a été retenue dans un premier temps pour expliquer l’origine de l’incendie qui, depuis dimanche matin 18 avril, parti de Devil’s Peak (le Pic du diable), a crû à la périphérie du Cap vers l’est, avant de s’étendre et de menacer plusieurs quartiers de ce qu’en Afrique du Sud, on appelle « la ville mère », la première à avoir été fondée par des arrivants européens, en l’occurrence des employés de la VOC (Compagnie néerlandaise des Indes orientales), qui y avait créé une station de ravitaillement en 1652.
Depuis la montagne de la Table, les flammes se sont propagées sur le versant oriental, à l’opposé du centre-ville, et ont atteint les quartiers de Rondebosch, Newlands et Rosebank, touchant ainsi dimanche l’université du Cap (UCT), à commencer par certaines de ses « res » (residences) pour les étudiants, certains bâtiments d’enseignement et, enfin, la bibliothèque Jagger. Celle-ci contient des ouvrages et documents uniques. A-t-elle été gravement atteinte par les flammes ou une partie des collections a-t-elle été épargnée ? C’est ce que l’on saura bientôt, mais le pronostic est sombre.
Evacuation des 4 000 étudiants
La professeure Mamokgheti Phakeng, vice-chancelière (équivalent de présidente) de l’université disait redouter, dans la journée de lundi, la perte d’une bonne partie des collections liées aux études sur le continent africain, dont certains ouvrages exceptionnellement rares.
La mobilisation des équipes de l’UCT a, en revanche, permis que les évacuations des étudiants (quelque 4 000 personnes) aient lieu rapidement avant l’arrivée des flammes. Des réseaux de solidarité s’activent aux côtés des services publics pour loger, ravitailler ces étudiants chassés par l’incendie. Des compagnies privées distribuent de la nourriture, des habitants de la ville offrent de l’aide, l’ONG Gift of the Givers a déployé ses équipes.
Lundi, on lançait des appels pour du collyre, dont commencent à manquer les centaines de pompiers en train de combattre les flammes dans la fumée épaisse qui a même envahi le centre-ville, avec les pins, leurs aiguilles et les zones de fybos (tapis végétal particulier à cette région) s’embrasant à des vitesses difficiles à maîtriser.
Dans la nuit de dimanche à lundi, le feu est passé de l’autre côté de la montagne, côté ouest, alors que soufflait un vent fort (plus de 50 km/h). La fournaise est alors descendue vers des quartiers qui se trouvent tout en haut de la zone dite du City Bowl, le vaste croissant qui constitue le centre historique du Cap.
Les abords du mémorial de Rhodes
Autre élément symbole de la ville, les trois tours de Disa Park dans le quartier de Vredehoek, juste en lisière de la végétation, ont vu les flammes s’approcher dangereusement, de même que le quartier Oranjezicht, qui avait été une plantation d’orangers destinés à ravitailler les marins de la VOC et lutter contre le scorbut, avant de devenir un quartier résidentiel. Autre vestige du passé, le plus vieux moulin de la ville (1796) a lui aussi été calciné.
L’histoire est au rendez-vous de cet incendie de bien des manières. Sur la montagne de la Table, dès le premier jour, le feu avait atteint les abords du mémorial de Rhodes, un endroit d’un genre particulier puisqu’il célèbre la mémoire de Cecil Rhodes, l’aventurier qui s’est retrouvé à tailler un gros morceau d’empire à la Grande-Bretagne en Afrique australe (tout en constituant une fortune et en y occupant d’importantes fonctions, en Afrique du Sud ou dans le pays qui s’appellera Zimbabwe à son indépendance).
Le mémorial Rhodes est l’une des survivances de la glorification de la conquête coloniale à flanc de colline. Cela n’empêche pas les touristes d’y aller prendre le thé ou d’y déjeuner pour y jouir de la vue, mais la présence de ce monument est l’objet de débats de fond (une statue de Rhodes a déjà été enlevée de l’UCT à la demande des étudiants après de nombreuses manifestations). C’est peut-être la seule destruction par les flammes qui ait enchanté une partie de l’opinion sud-africaine, même si les ravages semblent avoir surtout atteint… le salon de thé.
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