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Editorial du « Monde ». L’image d’unité cultivée par la famille royale régnant sur la Jordanie se trouve passablement écornée par les dissensions internes révélées au grand jour, samedi 3 avril, avec l’annonce de l’assignation à résidence du prince Hamza Ben Hussein, demi-frère du roi Abdallah II. Le régime hachémite a mis en cause le prince Hamza ainsi que deux personnalités proches de l’Arabie saoudite dans une tentative présumée de déstabilisation du royaume, en collaboration avec une puissance étrangère non identifiée.
En l’absence d’éléments attestant la préparation d’un coup d’Etat ou la conduite d’activités simplement séditieuses, cette accusation paraît fortement exagérée. Ce qui semble s’être joué dans cette crise, qui paraissait en voie de se résorber mardi 6 avril, c’est la réactivation d’une vieille querelle, entre deux hommes qui se sont disputés en 1999 la succession de leur père, le charismatique roi Hussein.
Abdallah l’a emporté mais n’a jamais atteint depuis le niveau de popularité de son géniteur. Hamza, qui n’a jamais vraiment accepté sa mise à l’écart du trône, en a profité pour développer un discours critique du pouvoir, soulignant l’incurie et la corruption qui sévit dans les cercles gouvernementaux. Une main étrangère a-t-elle cherché à approfondir cette fracture ? Rien pour l’instant ne permet de le certifier.
Si le Palais s’est décidé à sévir, c’est parce que la Jordanie traverse un moment critique de son histoire. Le royaume ne parvient pas à s’extraire du marasme économique et social dans lequel il est enlisé depuis une dizaine d’années. Ces difficultés, exacerbées par les conséquences de l’épidémie de Covid-19, génèrent des mouvements de mécontentements à intervalles réguliers, comme la fronde des enseignants en 2019-2020, auxquels le pouvoir oppose un autoritarisme grandissant.
Débordé par Abou Dhabi et Riyad
Comme à chaque fois que sa stabilité semble en danger, le royaume a reçu ces derniers jours un flot de messages de soutien de ses alliés, notamment des Etats du Golfe. Mais ce rituel diplomatique masque mal les interrogations sur son rôle dans la région. Sa fonction historique de tampon entre Israël et les foyers de menaces du Proche-Orient est de plus en plus remise en cause.
La Syrie et l’Irak, bastions du militaro-nationalisme arabe, entre les années 1960 et 1980, ne sont plus que l’ombre d’eux-mêmes. La première s’est autodétruite dans la répression du soulèvement anti-Assad et le second n’en finit pas de payer les conséquences dévastatrices de l’invasion américaine de 2003. Ni l’une ni l’autre ne constituent plus un danger pour Israël.
Les Emirats arabes unis et Bahreïn ayant par ailleurs normalisé leurs relations avec l’Etat juif et l’Arabie saoudite ayant développé ses propres canaux de communication avec le gouvernement de Benyamin Nétanyahou, la Jordanie ne sert plus de discrète passerelle vers Israël pour les monarchies du Golfe. Durant le mandat de Donald Trump, Amman s’est même retrouvé débordé par Abou Dhabi et Riyad sur le dossier israélo-palestinien. Ces deux capitales semblaient prêtes à s’accommoder du plan de paix de l’ancien président américain, au grand dam d’Abdallah, qui le jugeait dangereux pour son royaume.
Alors qu’elle s’apprête à célébrer, le 11 avril, le centième anniversaire de sa fondation, la Jordanie se trouve interpellée non seulement sur les faiblesses de son régime politique mais aussi sur sa place dans un Moyen-Orient en pleine recomposition.
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