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ReportageC’est un arbre sacré pour le sous-continent et une matière première prisée de la parfumerie. Victime de la déforestation, le bois de santal est également l’objet d’un important trafic. Afin d’y remédier, le gouvernement tente de structurer la filière.
Depuis la rue, la parfumerie de Pranjal Kapoor ne paie pas de mine. La porte est étroite, surmontée de deux swastikas, croix gammées que certains hindous assimilent à Ganesh, le dieu à tête d’éléphant. A l’intérieur, des murs rose bonbon apparaissent entre les armoires vitrées où s’entassent des centaines de petits flacons. « Notre établissement a 110 ans, mon grand-père était encore enfant quand il a commencé à travailler ici », assène Pranjal Kapoor en guise d’introduction.
Avec ses 250 distilleries, Kannauj, petite ville de l’Uttar Pradesh, dans le nord de l’Inde, est la capitale du parfum en Asie du Sud. Elle est au pays ce que Grasse est à la France. Dans la maison Kapoor, les photos des aïeux côtoient un portrait de Parvati, génitrice de Ganesh, imprimé sur un panneau clignotant.
Ici, le parfum est une affaire de famille. La fille de Pranjal, 9 ans, traîne ses guêtres dans la boutique du matin au soir. Elle rêve déjà de partir en France étudier à l’école de l’industrie du parfum et de la cosmétique de Versailles (l’Isipca) dont lui a parlé son père. Quelques secondes dans l’antre des Kapoor et les fragrances montent au nez, sucrées, poivrées, citronnées…
Un savoir-faire unique au monde
La maison distille un tas de choses étranges. Le bois d’oud, arbre que l’on infecte avec une bactérie pour lui faire sécréter une substance purulente à l’odeur proche du crottin de cheval. La valériane, connue sous l’appellation vernaculaire d’« herbe à chat », aux relents de chaussette sale. L’ambre gris, prélevé en haute mer dans les excréments de cachalot, qui exhale comme un mélange d’urine et de salive. « Pour créer quelque chose de beau, il faut des éléments qui puent », explique Pranjal Kapoor.
« A Kannauj, on distille l’argile, qui reproduit l’odeur de la première pluie sur la terre. Seule l’huile de santal permet de saisir ce parfum extraordinaire. » Amal Jain, distillateur
Trois rues derrière, les alambics de la famille Kapoor sont une machine à remonter le temps. Noyés dans des volutes de fumée épaisse, ils sont, paraît-il, semblables à ceux mis au jour par l’archéologie dans la vallée de l’Indus. On place les fleurs ou les racines dans une jarre en terre cuite fermée hermétiquement. Dessous, on allume un feu. L’eau parfumée monte sous forme de vapeur dans un tube en bambou enroulé de jute. Elle redescend ensuite, par condensation, dans une amphore en cuivre plongée dans l’eau froide et contenant entre un et deux litres d’huile de bois de santal. Voilà l’élément nécessaire à la magie, à la codistillation : le santal. Cette essence de bois capte le parfum des fleurs et des racines, l’empêchant de s’échapper. Dans le métier, on parle d’une « assise olfactive ».
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