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Tribune. En ce jour radieux de printemps, j’ai rendez-vous avec une amie. Nous nous retrouvons, deux écrivaines, toutes deux natives d’Istanbul, toutes deux habitant Paris depuis longtemps, sous un arbre fleuri qui nous rappelle les erguvan, fleurs istanbuliotes et symboles du printemps.
Nous essayons de mettre des mots sur notre indignation, sur l’effroi suscité par le retrait de la Turquie de la convention d’Istanbul, le 20 mars, jour de l’équinoxe : « Ce traité mettrait en danger les valeurs familiales traditionnelles », selon le pouvoir. Des années de combat des ONG piétinées en quelques heures. Le message est reçu cinq sur cinq par des hommes violents, se sachant désormais intouchables, qui mettent même en ligne les vidéos de leurs actes monstrueux.
Signée en 2011 à Istanbul par quarante-cinq pays, la convention d’Istanbul est le premier traité international qui fixe des normes pour prévenir les violences sexistes, sexuelles et conjugales, qui lutte pour l’accès à l’avortement, pour l’interdiction des mutilations génitales, contre les discriminations et les mariages forcés. Et à l’heure où des centaines de femmes meurent sous les coups des maris, pères, frères violents, où les membres de la communauté LGBTQ et les migrants sont ouvertement menacés, où des actes pédophiles au sein des confréries islamistes sont légion, les autorités osent déclarer publiquement que ce texte nuirait à la morale de la société turque.
Depuis, agressions et meurtres à caractère homophobe, misogyne et raciste pullulent sur les réseaux sociaux. Ce retrait est un encouragement, un signal très net : « la justice » pourra se ranger désormais du côté des agresseurs. D’ailleurs, certains commencent déjà à être innocentés et relaxés depuis quelques jours.
Criminels décomplexés
Face aux mensonges que les trolls ont répandus pour soutenir ce retrait, des ONG turques très actives essaient pourtant d’expliquer sur les réseaux sociaux, lors des réunions en ligne, et dans les médias, que cette convention ne régit pas les structures familiales, qu’elle dispose seulement que les traditions, la culture ou la religion ne peuvent être utilisées pour justifier des actes de violence.
Que la reconnaissance des mariages de même sexe ne figure pas dans la convention. Qu’un « troisième sexe » n’est pas introduit par la convention, que les Etats sont uniquement tenus de protéger les droits des victimes sans discrimination pour quelque motif que ce soit, notamment le sexe, la « race », la religion, la langue, l’âge, l’état matrimonial, l’orientation sexuelle. Mais, bien sûr, comme d’habitude, on préfère relayer des tweets délibérément erronés, plutôt que de s’intéresser aux textes.
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