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Didier Ratsiraka, héraut de la souveraineté malgache, est décédé

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L’ancien président malgache Didier Ratsiraka à Antananarivo, en mai 2018. L’ancien président malgache Didier Ratsiraka à Antananarivo, en mai 2018.

Personnage politique hors norme et homme d’Etat exceptionnel, aux yeux de nombreux Malgaches, l’ancien président malgache Didier Ratsiraka est mort le 28 mars, à l’âge de 84 ans.

Né en 1936, il est le fils d’un fonctionnaire malgache de l’administration coloniale française. C’est en France qu’il décroche son baccalauréat après avoir fréquenté le lycée Henri-IV à Paris. Puis il intègre l’Ecole navale de Brest, dont il sort officier de marine en 1962. Après ses études en France, le brillant élève retourne à Madagascar et commence sa carrière militaire en devenant officier – enseigne de vaisseau à la base navale de Diego-Suarez, puis attaché militaire de l’ambassade malgache à Paris.

Son parcours politique commence, lui, en 1972 après la démission du président Philibert Tsiranana et la constitution d’un gouvernement de transition dirigé par le général Gabriel Ramanantsoa (1972-1975). Didier Ratsiraka est alors nommé ministre des affaires étrangères. Il s’attache à faire prévaloir la souveraineté nationale malgache face à l’ancienne puissance coloniale. Dans cette perspective, il renégocie en 1973 avec la France les accords de coopération franco-malgache (signés en 1960) et fait sortir Madagascar de la zone franc.

Une « révolution nationale démocratique »

Son ascension politique s’accélère à partir de la démission du général Ramanantsoa en 1975. A l’issue d’une période de transition précédant la mise en place de la Deuxième République, il devient président. Didier Ratsiraka le sera à deux reprises : de 1975 à 1993 (durant la Deuxième République) et de 1997 à 2001 (pendant la Troisième République). Dans un premier temps, il opte pour un modèle socialiste afin de rompre avec le régime pro-occidental de la Première République de Philibert Tsiranana. Sa politique est expliquée dans son ouvrage programme, la Charte de la révolution socialiste malagasy, publié en 1975. Elle incarne, selon lui, une « révolution nationale démocratique ».

En politique étrangère, il se tourne vers les pays du bloc de l’Est. Se présentant comme un leader tiers-mondiste, il soutient les luttes des peuples combattant pour leur liberté, comme les Sahraouis (au Maroc) et les Noirs sud-africains, regroupés au sein de l’ANC. S’appuyant sur la notion de souveraineté nationale, il revendique auprès des Nations unies en 1979 le contrôle des îles Eparses dans le canal de Mozambique, alors sous la tutelle de la France.

Au niveau économique, il fait le choix de l’étatisation avec la nationalisation des grandes entreprises commerciales et bancaires appartenant à des capitaux privés, et la création d’entreprises d’Etat. Mais l’échec de sa politique, due en grande partie à une mauvaise gestion de l’économie, l’amène à opérer un nouveau virage durant son deuxième mandat (1982-1989) avec l’instauration d’un programme d’ajustement structurel, négocié avec les institutions de Bretton Woods. Celui-ci est censé instaurer une libéralisation de l’économie.

Durant ses deux premiers mandats (1975-1982 et 1982-1989), les activités politiques sont strictement encadrées puisque seuls les partis révolutionnaires membres du Front national pour la défense de la révolution (FNDR) dont fait partie l’Arema (Avant-Garde pour la défense de la révolution), un parti que Didier Ratsiraka a créé en mars 1976, peuvent faire de la politique et participer aux élections. En parallèle, en raison de la nécessité de faire réussir la politique socialiste, l’expression d’idées est strictement contrôlée. Ainsi, la presse fait l’objet d’un régime de censure.

« Le grand chef »

Après son élection pour un troisième mandat en 1989, « Radidy » (son surnom découle de son prénom Didier) opère un virage libéral : le multipartisme est instauré en 1989 et le régime de censure est levé. Il poursuit le désengagement de l’Etat des secteurs-clés de l’économie, dont les banques.

Il est évincé du pouvoir en 1993 dans le sillage des vastes mouvements de contestation, menés par les partis d’opposition (dont certains sont ses anciens alliés au sein du FNDR), qui ont marqué l’année 1991. Il sera de retour au pouvoir en 1997, à l’issue de l’élection présidentielle de 1996, dont les résultats ont été contestés par ses adversaires politiques. Au cours de son dernier mandat, Didier Ratsiraka, surnommé cette fois-ci par ses partisans « Deba » (« le grand chef »), fait la promotion d’une « République humaniste et écologique » pour Madagascar.

Sa présence à la tête de l’Etat prend fin en 2002, après l’élection présidentielle controversée de décembre 2001. A l’issue d’un bras de fer qui a opposé ses partisans à ceux de son rival politique, le maire d’Antananarivo Marc Ravalomanana, il doit se résoudre à abandonner le pouvoir et à s’exiler en France.

De retour sur la grande île en 2011, il se présente à nouveau à l’élection présidentielle, d’abord en 2013 puis en 2018, même s’il commence à prendre de l’âge et est confronté à des problèmes de santé. Il ne cesse de défendre le bilan de ses années au pouvoir, disant « ne rien regretter ». Il continue de prodiguer ses conseils aux dirigeants en place, n’hésitant pas à donner des leçons de patriotisme, son cheval de bataille, aux Malgaches.

Jeannot Rasoloarison est professeur d’histoire contemporaine à l’université d’Antananarivo, à Madagascar.

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