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Mali : des orpailleurs chinois accusés d’avoir exploité illégalement et pollué le fleuve Falémé

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Depuis 2018, des trafiquants chinois ont investi le fleuve Falémé dans la région de Kayes, à l’ouest du Mali, pour y exploiter de l’or, dans la méprise du code minier qui interdit l’exploitation de minerais dans les cours d’eau. Les populations locales dénoncent l’attentisme de l’État et la dégradation de leur environnement.

Après le bois de rose, les trafiquants chinois ont-ils jeté leur dévolu sur les mines d’or du Mali ? Mi-mars, plusieurs jeunes du village de Sitakili, dans le cercle de Kéniéba, ont fait part de leur colère et renvoyé des orpailleurs chinois qui exploitaient illégalement l’or dans le fleuve Falémé qui fait office de frontière naturelle avec le Sénégal. 

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Des vidéos publiées sur Facebook samedi 20 mars, en témoignent : on y voit des exploitants chinois repartir du village dans un pick-up sous le regard de quelques jeunes du village furieux. “Ils n’ont aucun document. Ils sont dans l’illégalité totale. Ils n’ont qu’à dégager. Nous allons protéger notre environnement”, affirme un ressortissant du village face caméra. 

D’autres vidéos et photos prises en mars et qui sont parvenues à la rédaction des Observateurs de France 24 montrent une plateforme mécanique de lavage de minerais installée dans le lit du fleuve, ainsi que des bulldozers et pelleteuses en train de creuser dans de grandes carrières non loin. 

« Nous voulons que l’exploitation illégale de l’or dans le lit du fleuve s’arrête »

Contacté, Bréhima Traoré, président du Conseil local de la jeunesse de Kéniéba, s’insurge :

À Kéniéba, les populations vivent de l’orpaillage traditionnel depuis des lustres. Mais depuis 2018, les Chinois sont de plus en plus nombreux. Et nous sommes en colère, parce qu’ils exploitent l’or illégalement jusque dans le lit du fleuve Falémé. 

Ils n’ont pas de permis et pourtant ils ont installé des machines dans le fleuve pour laver les minerais. Ils ont des dragues et utilisent des pelleteuses au niveau du fleuve et creusent de grands trous qu’ils ne referment pas quand ils finissent. 

Il n’y a pas que les Chinois, il y aussi des orpailleurs maliens et burkinabè qui exploitent l’or au niveau du fleuve avec des produits toxiques comme le cyanure et le mercure. Toutes ces activités polluent le fleuve et contaminent les produits maraîchers qui sont cultivés sur les rives. 

Cela fait des années que nous ne pêchons plus ici. Mais le fleuve, c’est ce qui nous reste. Nous voulons donc que l’exploitation illégale de l’or dans le lit du fleuve s’arrête. Nous ne chassons pas les Chinois. Mais nous demandons à tous ceux qui exploitent le fleuve d’aller orpailler ailleurs bien loin des cours d’eau, parce que l’environnement est détruit.

Selon la Banque mondiale, le Mali est le quatrième producteur d’or en Afrique avec des réserves aurifères évaluées à 800 tonnes. Les plus grands gisements du pays se retrouvent principalement dans la région de Kayes, dont fait partie le cercle de Kéniéba et où sont présents plusieurs multinationales, notamment les canadiens Barrick Corporation et B2Gold qui exploitent respectivement les mines de Loulo-Gounkoto et de Fékola.  

Aux côtés de ces industriels qui possèdent des titres miniers réguliers, l’or est aussi exploité artisanalement par les populations locales. Dans un article publié en 2015, l’Agence Ecofin qui rapporte des données de la Chambre des Mines du Mali, estime à plus d’un million, le nombre de mineurs artisanaux qui « travaillent sur environ trois cent cinquante sites, produisant entre 10 et 15 tonnes d’or par an« .

Mais depuis plus de trois ans, de nouveaux acteurs ont fait leur apparition sur le terrain : les mines d’or maliennes attirent en effet les convoitises d’orpailleurs chinois motivés par la hausse du cours du minerai ces derniers mois sur les marchés mondiaux. L’once d’or est aujourd’hui évaluée à plus de 1 400 euros.  

« Le fleuve Falémé est asséché et il n’y a presque plus de courant »

Contacté par la rédaction des Observateurs de France 24, Tiémoko Soulemane Sangaré, directeur exécutif de la Fondation pour le développement au Sahel (FDS), une ONG basée à Bamako, s’inquiète de la présence de ces trafiquants chinois dont la plupart ne dispose pas de permis d’exploitation.

Des exploitants chinois sont également présents dans la région de Sikasso. C’est un phénomène sous-régional, puisque la problématique existe également au Ghana et au Burkina-Faso. 

Dans la région de Kayes, ils se sont accaparés du fleuve Falémé et des parcelles qui sont sur ses berges, parce que la grande majorité des champs miniers a été déjà concédée à de grandes sociétés aurifères qui disposent de titres miniers réguliers.

Aujourd’hui, le fleuve Falémé est asséché et il n’y a presque plus de courant parce que les exploitants ont érigé des barrages de rétention d’eau pour nettoyer leurs machines et extraire les minerais. Ils font essentiellement de l’exploitation par dragage. C’est assez problématique pour la gestion durable de l’environnement. Le fleuve est totalement pollué et a jauni à cause des produits toxiques utilisés. 

Ils creusent aussi d’énormes fosses sur les plaines inondables et laissent des montagnes de sables et de boue ce qui perturbe les activités de maraîchage des femmes de la région. C’est désolant. Et nous nous inquiétons de l’importance que prend le phénomène.

En janvier, selon le site d’information Afrik21 spécialisé sur l’environnement, Souleymane Diarra, le président du Conseil communal de la jeunesse de Fourou dans la région de Sikasso, s’était également plaint dans une correspondance adressée au ministère des Mines, de la présence d’exploitants chinois recourant au dragage sur le fleuve Bagoé : « Les sols sont détruits, les eaux contaminées par les produits chimiques, ce qui conduit à la rareté des poissons. Et la sécheresse devient de plus en plus rude à cause de la destruction massive des arbres autour des sites miniers », avait-il écrit.   

Un code minier peu appliqué ?

Or dans son article 44, le nouveau code minier malien adopté en novembre 2020 et qui intègre des mesures plus favorables à la protection de l’environnement selon des experts, interdit « l’exploitation de substances minérales dans les lits des cours d’eau par dragage, ainsi que par toute autre méthode ».

Tiémoko Soulemane Sangaré explique : « Pour moi, les orpailleurs chinois réussissent à exploiter les cours d’eau en corrompant probablement les chefs de village, les élus locaux et peut-être même les autorités au niveau du pouvoir central, parce qu’il n’est pas compréhensible que ce phénomène prenne de l’ampleur. »

Début janvier, une délégation composée des ministres des Mines, de l’Environnement et de la Sécurité publique s’était déplacée à Kéniéba pour constater l’état du fleuve. Des dragues avaient été également saisies à l’occasion. Mais selon Bréhima Traoré, notre Observateur, « les orpailleurs chinois sont revenus après le départ des autorités ». 

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Contacté par la rédaction des Observateurs de France 24, le Colonel Moussa Soumaré, gouverneur de la région de Kayes, n’a pas souhaité répondre à nos questions.

Tièmoko Soulemane Soumaré ajoute : « Nous savons que la production de l’orpaillage artisanal est comptabilisée dans la production nationale. Elle varie selon les années. Mais l’or issu de l’exploitation illicite des fleuves échappe évidemment aux services de l’État. C’est un manque à gagner important ».

En décembre 2020, la douane malienne avait saisi dans le sud du pays une cargaison de 143 kilos d’or, d’une valeur estimée à plus de 7 millions d’euros, cachée dans une voiture en route vers la Guinée.  

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