Les animaux sauvages vivant à l’état de liberté naturelle ne sont pas protégés par le droit français… même lorsqu’ils sont victimes de la barbarie humaine, à l’instar de ce pauvre blaireau récemment molesté par une bande d’individus (20/03/2021). Ce vide juridique implique que les auteurs d’actes de cruauté sur ces animaux ne sont théoriquement pas punissables. La Fondation 30 Millions d’Amis dénonce ce non-sens et demande au gouvernement d’étendre la protection pénale contre la cruauté à tous les animaux, sans distinction.
« Choquant, répréhensible moralement… Mais d’un point de vue strictement juridique, ce comportement ne peut pas fait l’objet de poursuites ». Interrogés par Le Dauphiné, les enquêteurs chargés de l’affaire sur le blaireau violenté par des individus en Isère soulignent un problème majeur de notre droit : la protection pénale contre la cruauté animale exclut les animaux sauvages vivant à l’état de liberté naturelle.
En effet, l’article 521-1 du Code pénal punit de 2 ans de prison et 30.000 euros d’amende les sévices graves et les actes de cruauté commis contre un animal domestique ou un animal sauvage… uniquement lorsque celui-ci est apprivoisé ou tenu en captivité. C’est donc sur le fondement du caractère « captif » de l’animal que la Fondation 30 Millions d’Amis a porté plainte auprès du procureur de la République après la torture à mort du blaireau : ramené en soirée après avoir été percuté en voiture, l’animal avait été objectivement « détenu » dans un lieu privé pour être molesté à coups de pied.
« Res nullius », les animaux sauvages libres n’ont aucun droit
La législation ne donne AUCUN droit à un animal sauvage hors captivité et ne porte AUCUNE sanction à son tortionnaire.
C. Villani – Député
Il reste que la législation française « ne donne toujours AUCUN droit à un animal sauvage hors captivité et ne porte AUCUNE sanction à son tortionnaire, fustige le député Cédric Villani, sur son compte Twitter, à propos du calvaire subi par ce blaireau. Sérieusement ? ». Un vide juridique historiquement lié au Code pénal napoléonien de 1810 qui protégeait les animaux en tant que « propriété » de l’humain. Considérés comme « res nullius » (« n’appartenant à personne », NDLR), les animaux sauvages sont réputés sans maître et donc présumés ne pas pouvoir subir de mauvais traitements. En pratique toutefois, l’acte de cruauté sur un animal sauvage « libre » peut être vu, en tant que tel, comme une appropriation de la part de son auteur. Devenu, par ce fait, « détenu », l’animal sauvage maltraité pourrait ainsi bénéficier de la protection prévue par l’article 521-1 du Code pénal.
Mais en théorie, seules les atteintes portées aux animaux appartenant à des espèces protégées sont pénalement poursuivables et sanctionnables. Récemment, c’est un loup apeuré qui a été pourchassé en voiture, de nuit, de façon rapprochée, pour être vraisemblablement écrasé, comme en témoignent les images diffusées par l’auteur de cette violence (13/03/2021). « Nous sommes en présence, a minima, d’une perturbation intentionnelle d’une espèce protégée, peut-être également d’une destruction d’espèce protégée puisque nous ignorons ce qu’est devenu ce loup ensuite », déplore l’association FERUS qui a porté plainte auprès du procureur de la République de Draguignan. Des faits théoriquement punis de 3 ans d’emprisonnement et de 150.000 euros d’amende par l’article L. 415-3 du Code de l’environnement. Malheureusement, la réalité est toute autre… Pour preuve : en décembre 2020, trois hommes interpellés pour avoir tué et dépecé 8 hérissons – espèce protégée – n’ont eu qu’un rappel à la loi ! « C’est à ce demander ce qu’apporte réellement le statut d’espèce protégée en France », avait alors réagi Anne Fingar, co-présidente du Sanctuaire des Hérissons.
Étendre la protection pénale à tous les animaux, sans distinction
En dehors de ces cas particuliers, l’absence de protection des animaux sauvages vivant à l’état de liberté naturelle apparaît aujourd’hui comme un non-sens : au fil des avancées scientifiques et sociétales, le caractère vivant et sensible de ces animaux s’est affirmé, y compris dans notre droit. Le législateur lui-même a consacré – certes implicitement – la sensibilité des animaux sauvages à l’état de liberté. L’article 515-14 du Code civil, obtenu sous l’impulsion de la Fondation 30 Millions d’Amis, reconnaît la « sensibilité » des animaux sans se référer à leur propriétaire et pourrait, à cet égard, s’appliquer aux animaux sauvages. Une avancée majeure comparativement à l’article L. 214-1 du Code rural qui dispose que « tout animal étant un être sensible doit être placé par son propriétaire dans des conditions compatibles avec les impératifs écologiques de son espèce ».
Mais encore faut-il, désormais, protéger concrètement ces animaux sauvages contre la cruauté en sanctionnant pénalement leurs bourreaux. Pour ce faire, le Code pénal pourrait intégrer un nouvel article ainsi rédigé : « Les animaux sauvages vivant à l’état de liberté naturelle étant également des êtres sensibles, ils ne peuvent faire l’objet, sous quelque prétexte que ce soit, de sévices graves ou d’actes de cruauté. Les sévices graves et les actes de cruauté sont punis des peines prévues par l’article 521-1 ». Plus simple, encore : les mots « domestique ou apprivoisé, ou tenu en captivité », mentionnés à l’article 521-1 du Code pénal, pourraient être supprimés, au profit du seul terme « l’animal ».
La Fondation 30 Millions d’Amis se mobilise
La Fondation 30 Millions d’Amis enjoint les pouvoirs publics d’étendre la répression pénale contre la cruauté animale à tous les animaux, sans distinction. A l’occasion du vote, en première lecture, de la proposition de loi visant à renforcer la lutte contre la maltraitance animale, la Fondation avait soutenu l’amendement – malheureusement retiré – du député Eric Diard qui proposait d’étendre aux animaux sauvages les protections visées par le Code pénal. La pétition de la Fondation 30 Millions d’Amis visant à protéger les animaux sauvages libres contre les actes de cruauté, qui a recueilli près de 211 000 signatures, a été réitérée en octobre 2020 au nom de sa Présidente, Reha Hutin, sur le site de l’Assemblée Nationale. Au législateur d’agir pour que la barbarie perpétrée à l’égard des animaux, sans distinction, ne reste pas impunie !
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