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Dans le Bihar, les paysans indiens livrés à la loi du marché

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Des ouvriers agricoles en quête d’emploi sur l’ancien marché de gros de Bihta, près de Patna (nord-est de l’Inde), le 12 mars. Des ouvriers agricoles en quête d’emploi sur l’ancien marché de gros de Bihta, près de Patna (nord-est de l’Inde), le 12 mars.

Les champs s’étirent sur tout l’horizon, parsemés de silhouettes courbées en deux. Les résidus de paille s’amoncellent le long des routes et des villages de Mokama, à une centaine de kilomètres de Patna, la capitale du Bihar.

C’est la saison de la récolte de moutarde et de lentilles dans cet Etat du nord-est de l’Inde. Les travailleurs sont à pied d’œuvre depuis 4 h 30 du matin. Des femmes et des hommes venus de loin, installés à même les parcelles dans de minuscules abris de paille pour gagner 20 000 roupies (232 euros) le temps du mois de la récolte, leur seul pécule pour de longues semaines, et parfois l’année. La plupart sont des landless, des sans-terre, ou des « marginaux », comme l’Inde en compte de plus en plus, avec la croissance démographique et la fragmentation des terres.

« J’habite à deux cents kilomètres d’ici, explique Suresh Mandal, 35 ans, marié, deux enfants. J’ai un lopin où je fais du maïs que je vends à des négociants, mais c’est trop petit pour en tirer profit. » Afin de subvenir aux besoins de sa famille, il loue ses bras, travaille comme ouvrier dans les champs ou dans la construction. Il a apporté du village de la farine, du blé, des lentilles, qu’il cuisine à même la terre. Le Bihar compte 100 000 saisonniers comme lui, dont l’activité agricole est réduite à un moyen de subsistance.

Son patron, Pranab Shekhar Shahi, un gros propriétaire, est inquiet car il ne sait pas à quel prix il va écouler sa récolte. Il n’a aucune visibilité. « Ce n’est pas la bonne époque pour vendre les lentilles. Le marché est trop abondant et les prix sont tirés vers le bas. Il vaudrait mieux attendre quelques mois. »

Mais il n’a pas le choix, dans la mesure où il ne possède pas d’espace de stockage. Il doit écouler sa production au plus vite, auprès de traders qui fixent les prix, sans aucune règle. Autrefois, il lui suffisait de se rendre au mandi, le marché de gros agricole, où l’Etat et ses négociants agréés lui achetaient sa production à un prix équitable. Il pouvait aussi y stocker sa récolte. Mais c’était un autre temps.

Système imparfait et coûteux

Dans cet Etat le plus pauvre de l’Inde, où 80 % de la population travaille dans l’agriculture, le gouvernement régional a décidé, en 2006, d’ouvrir le commerce des produits agricoles au secteur privé et de mettre fin aux marchés régulés mis en place dans les années 1960 à travers tout le pays pour lutter contre les grandes famines et assurer un revenu décent aux paysans.

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