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En Israël, au lendemain des législatives du 23 mars, le leader de la droite nationaliste religieuse Naftali Bennett, dont le parti Yamina est en moyenne crédité de sept sièges, tient peut-être l’avenir politique de Benjamin Netanyahu entre ses mains. Décryptage.
Au lendemain des législatives israéliennes, le Premier ministre Benjamin Netanyahu ne peut envisager de former une coalition gouvernementale sans devoir courtiser son ancien ministre de la Défense et leader de la droite nationaliste religieuse, Naftali Bennett, avec lequel il entretient des relations orageuses.
Dans la position très enviable du faiseur de roi, ce dernier n’a toujours pas dévoilé ses intentions, alors que son parti Yamina (« À droite ») peut espérer remporter entre 6 et 8 sièges de députés selon les projections. Ce qui le rend incontournable pour les deux blocs, les pro- et anti-Netanyahu, qui se sont affrontés pendant ce scrutin.
« Ce pouvoir que vous m’avez donné, je vais l’utiliser en suivant un seul principe : faire ce qui est bon pour Israël, ce qui est bon pour les citoyens d’Israël », a déclaré, dans la nuit, Naftali Bennett. Avant d’ajouter, non sans ambiguïté : « Le temps est venu de panser les plaies, de dépasser les clivages. »
Un message à double sens, puisqu’à 48 ans, Naftali Bennett tient l’occasion de couler politiquement le Premier ministre en rejoignant une coalition formée par le bloc anti-Netanyahu, composé de mouvements du centre, de la gauche et de dissidents de droite, ou de le sauver en négociant, en position de force, son ralliement à une coalition qui sera plus en phase avec ses propres convictions.
« Naftali Bennett risque fort de monnayer très chèrement son ralliement éventuel à Benjamin Netanyahu », souligne Alain Dieckhoff, directeur du Centre de recherches internationales de Sciences-Po, interrogé par France 24. « Ce dernier risque de devoir lui offrir, à lui et à ses proches, des ministères très importants, voire régaliens comme le ministère de la Défense qu’il a déjà occupé », estime-t-il.
Et de poursuivre : « Sans Naftali Bennett, il est presque impossible de former une coalition. Tout dépendra de la marge de manœuvre de Benjamin Netanyahu, s’il ne parvient pas à débaucher des députés d’autres partis, il sera très dépendant de Yamina.«
Pendant la campagne, Naftali Bennett a déclaré à plusieurs reprises qu’il était temps que Benjamin Netanyahu, âgé de 71 ans et au pouvoir depuis 2009, laisse la place à une nouvelle génération. Mais il a aussi assuré que son parti Yamina n’intégrerait pas une coalition dont le Premier ministre serait le centriste Yaïr Lapid, tout en n’excluant pas l’éventualité de travailler avec lui ou avec le chef du Likoud au sein d’une coalition.
Un fils d’immigrants juifs américains devenu multimillionaire
Natif de Haïfa (nord) et diplômé en droit à l’Université de Jérusalem, ce fils d’immigrants juifs américains aurait pu ne jamais faire de politique. Devenu multimillionnaire après avoir vendu sa société de cybersécurité Cyotta pour 145 millions de dollars en 2005, il aurait pu, comme il se plaît à le rappeler, finir sa vie « à boire des cocktails dans les Caraïbes« . C’est sa mobilisation pendant la guerre de 2006 contre le Hezbollah au Liban qui l’a convaincu, dit-il, de se lancer en politique.
L’ex-commandant de compagnie dans l’unité Maglan, un des piliers des forces spéciales de l’armée israélienne, saute le pas et rejoint les rangs du Likoud, où il dirige le cabinet de Benjamin Netanyahu, alors dans l’opposition. Mais sa carrière personnelle démarre réellement en 2012, lorsqu’il parvient à prendre la tête de la formation de droite dure Foyer juif, qui remportera 12 sièges de députés un an plus tard.
Un acte fondateur qui le propulsera au fil des années au rang des principaux acteurs de la droite israélienne, mais toujours dans l’ombre de Benjamin Netanyahu, qu’il rallie à plusieurs reprises dans des coalitions gouvernementales, en échange de portefeuilles ministériels – il est nommé ministre de l’Économie et des Affaires religieuses en 2013, ministre de l’Éducation en 2015, puis ministre de la Défense en 2019, jusqu’en mai 2020.
Fermement opposé à la création d’un État palestinien qui, selon lui, « deviendra à long terme un autre État terroriste comme Gaza », et favorable à l’expansion des colonies juives, où se trouve une grande partie de sa base électorale, Naftali Bennett « aime à se décrire plus à droite que Netanyahu ». Il séduit avec ses discours décomplexés, voire enflammés, sur le renforcement de « l’identité juive » d’Israël, et ses propos chocs visant les Palestiniens et la gauche. Au point d’être qualifié, en 2017, de « clown » à la tête d’un « parti nationaliste délirant qui sent le fascisme » par l’ancien Premier ministre Ehud Barak.
Aujourd’hui, il dirige Yamina aux côtés d’Ayelet Shaked, figure laïque de ce mouvement composé de petits partis de la droite radicale qui prône à la fois un ultralibéralisme économique mêlant baisse des impôts et réduction drastique des dépenses publiques, une ligne dure face à l’Iran et l’annexion de près des deux tiers de la Cisjordanie occupée.
« Naftali Bennett a percé en politique dans la mouvance de ce que l’on appelle le sionisme religieux, mais il a élargi son spectre à droite au fil des années, explique Alain Deckhoff. C’est ce qui l’a amené à diriger aujourd’hui Yamina, qui est un mouvement un peu mixte avec une base sioniste religieuse et en même temps une dimension un peu plus séculière, représentée par son bras droit, la députée Ayelet Shaked. »
« Condamné à s’entendre avec Benjamin Netanyahu »
Religieux orthodoxe ayant grandi dans une famille laïque, Naftali Bennett ne nie pas partager des affinités idéologiques avec Benjamin Netanyahu, même si les deux hommes ne s’apprécient guère sur le plan personnel et n’hésitent pas à s’invectiver pendant les campagnes électorales.
« Naftali Bennett, qui assume une pratique religieuse assez stricte tout en étant extrêmement moderne sur la forme, est à la tête du parti qui est devenu le fer de lance des colonies et il reste ‘Netanyanhu-compatible’ », indiquait récemment à France 24 Frédéric Encel, maître de conférences à Science Po et auteur de « L’Atlas géopolitique d’Israël » (éd. Autrement). Et d’ajouter : « La droitisation du Likoud observée ces dernières années a considérablement rapproché les points de vue entre les deux hommes.«
Naftali Bennett se démarque également des autres acteurs politiques en accordant le bénéficie du doute à Benjamin Netanyahu, poursuivi pour corruption dans trois affaires, en disant attendre le verdict de la justice, là ou d’autres exigent son retrait de la scène politique le temps de ses procès.
Une manière de ménager son rival avec lequel il pourrait à nouveau gouverner, en attendant que son heure vienne, lui qui a confié pendant la campagne que son objectif était de devenir lui-même Premier ministre.
« Son profil de leader religieux est un obstacle pour ses ambitions personnelles, car le fait est qu’en Israël, jusqu’ici, il n’y a jamais eu de Premier ministre qui s’affichait clairement comme religieux« , indique Alain Deckhoff.
Et de conclure : « Aujourd’hui, Naftali Bennett n’est pas en mesure de prendre la tête d’un gouvernement, son parti pèse trois fois moins que le Likoud au terme de ces législatives. Il est donc condamné à s’entendre avec Benjamin Netanyahu, à moins de basculer dans l’autre camp et de provoquer l’incompréhension d’un grand nombre de ses électeurs. »
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