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Reconfinement: le poumon francilien touché en plein cœur

Coût pour l’économie française du « freinage » mis en place le 20 mars par le gouvernement: 0,2% de PIB. Si l’on en croit les calculs de Bercy. Pas de quoi déjouer le pronostic de croissance nationale pour 2021, qui reste fixé à 6%. Merci le confinement « territorialisé ». Pour le moment, seuls 16 départements sont concernés, essentiellement des Hauts-de-France à l’Ile-de-France. Merci les mesures light: couvre-feu reculé d’une heure, transports et écoles ouvertes. Certes, 59.000 commerces ferment, mais il y a beaucoup d’exceptions.

« Si à l’échelle microéconomique, c’est dramatique, au niveau macroéconomique, on est dans l’épaisseur du trait », juge Mathieu Plane, économiste à l’OFCE. Pourquoi ces largesses, alors que les chiffres affolants des autorités sanitaires déferlent sur l’Ile-de-France? Sans doute le gouvernement espère-t-il préserver la santé mentale des Franciliens au bord de la crise de nerfs, pour qui, pour reprendre l’expression de la maire de Paris, un confinement strict aurait été « inhumain ». Surtout, l’exécutif espère limiter l’écroulement économique qui menace le pays. Dont la région capitale est la clé de voûte.

Avec un Français sur cinq qui y réside, un salarié sur quatre qui y travaille et 1 euro de PIB sur 3 qui y est produit, ce territoire est essentiel. Quand Paris tousse, c’est toute la France qui

s’enrhume. Et son influence dépasse largement son poids économique. L’économiste Laurent Davezies le démontre, dans L’Etat a toujours soutenu ses territoires (Seuil): « Là où l’on croit que les grandes métropoles ont lâché le reste du pays, au contraire, en termes de flux publics comme privés de revenu, elles sont de véritables poules aux œufs d’or. » Et Paris en est la quintessence.

« Sursensiblité aux mesures sanitaires »

La capitale n’aspire pas toute la richesse du pays, mais en redistribue une bonne partie aux autres territoires. Les ménages qui y résident ne s’arrogent que 22% du revenu disponible brut national, pour 31% du PIB. Emplois et services publics, tourisme et résidences secondaires: « Le transfert de revenu d’Ile-de-France vers le reste du pays, par le truchement des prélèvements et dépenses du budget de l’Etat, est énorme », insiste Davezies. Or la région est la plus durement touchée par la crise. Le Baromètre annuel de l’Ordre des experts-comptables a dévoilé le 10 mars que l’activité des TPE-PME y a chuté beaucoup plus fortement (-13%) que dans le pays (-8,4%) en 2020. Chercheur associé à l’OFCE, Bruno Coquet a révélé les premiers dégâts territoriaux sur l’emploi. Alors qu’elle pesait 23,4% de l’emploi salarié national en 2019, l’Ile-de-France « concentre 30,6% de la baisse des emplois et 40,2% de la chute des embauches en 2020, écrit le chercheur. C’est donc le marché du travail francilien qui subit l’essentiel des difficultés consécutives à la situation sanitaire ».

La locomotive française en a pris un coup. « La région parisienne présente une sursensibilité aux mesures sanitaires, car celles-ci touchent les secteurs où Paris est particulièrement présent », décrypte le directeur de la recherche de Natixis, Patrick Artus. Et de citer le tourisme, les loisirs, la culture, la restauration, l’aérien ou l’événementiel… C’est bien simple, Paris coche toutes les cases des secteurs à l’arrêt depuis un an. Ce « tertiaire marchand » pèse 63% de l’emploi francilien contre 49% en régions. Ironie de la situation, « c’était justement grâce à cette surexposition au tertiaire marchand que l’Ile-de-France était préservée lors des crises précédentes! », pointe Mathieu Plane. Sa population de cadres à fort pouvoir d’achat maintenait une consommation intérieure forte, quand les régions, plus industrielles (12% de l’emploi national, mais 6% en Ile-de-France), étaient touchées de plein fouet. Cette fois, c’est le contraire: industrie, construction et agriculture tournent à plein régime.

Capacités de rebond

Mais cette forte proportion d’activités tertiaires est aussi une chance pour rebondir. D’abord parce que parmi elles, l’activité des sièges sociaux s’est totalement redressée. Après une période de sidération, banques, cabinets de conseil et autres services aux entreprises ont pris le virage des visioconférences et du télétravail. « Elles tournent presque à 100% », salue Patrick Artus. Ensuite, parce que les salariés de ce secteur, des cadres, n’ont presque pas subi de perte de revenus liée au chômage partiel. Ils représentent 30% de l’emploi francilien, contre 18% en France. C’est aussi la région où résident 43% des Français les plus riches. Ceux-là mêmes qui ont épargné l’essentiel des 200 milliards d’euros accumulés depuis le début de la pandémie. « La question est de savoir ce qu’ils feront de cet argent en sortie de crise, interroge Mathieu Plane. Epargne de précaution ou consommation de rattrapage? » Au troisième trimestre 2020, la consommation a rebondi de 18,7%. C’était avant les deuxième et troisième vagues.

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