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Publié le : 18/03/2021 – 17:22Modifié le : 18/03/2021 – 18:40
Produit textile emblématique du Burkina-Faso, tissé à la main, le Faso Dan Fani a été labélisé en février 2021 par le gouvernement qui veut en augmenter la diffusion. C’est aussi ce que propose un ingénieur de Ouagadougou, qui a conçu une machine à tisser automatique, qui doit moderniser la chaîne de production du textile le plus prisé du Burkina-Faso.
Tissé traditionnellement à la main à partir de coton lourd, le pagne Faso Dan Fani est le plus souvent porté lors d’événements festifs. Et depuis que le gouvernement a décidé de le labelliser en 2019 pour protéger la production textile artisanale et lutter contre les contrefaçons, l’étoffe connaît un regain d’intérêt.
Il n’est d’ailleurs pas rare de voir Roch Christian Kaboré, le chef de l’État l’arborer lors de cérémonies officielles. En 2018, Dramane Tou, le directeur du Salon international de l’artisanat de Ouagadougou, expliquait au Monde-Afrique qu’il y avait un regain d’intérêt pour les produits artisanaux locaux, comme le Faso Dan Fani, ces dernières années au Burkina Faso.
Toutefois, il est encore difficile de le produire en grande quantité. Newlove Kushiator, ingénieur de conception burkinabè d’origine ghanéenne basé à Ouagadougou, a eu l’idée de concevoir une machine à tisser automatique, qu’il a appelée Protech. L’appareil électrique qui peut se brancher, mais aussi se recharger à l’énergie solaire, doit permettre aux tisserands de produire plus vite tout en maintenant une bonne qualité du tissu.
« Le Faso Dan Fani est un bien culturel, il doit être accessible à tous »
J’ai conçu le premier prototype de cette machine en 2012. Mais il n’était pas vraiment abouti. Je continue toujours de l’améliorer. Et aujourd’hui, il suscite beaucoup d’intérêt.
Cette machine doit permettre de semi-industrialiser le processus de production du Faso Dan Fani, et de faciliter un peu la tâche aux tisseuses. Mais l’objectif principal que je vise est de pouvoir accroître le rythme de production de ces pagnes qui ne sont pas souvent disponibles sur le marché, bien qu’ils soient le produit textile phare du Burkina-Faso.
Aujourd’hui, pour tisser un pagne Faso Dan Fani, il faut plus d’une journée aux artisans. Ma machine Protech permet de tisser jusqu’à cinq pagnes par jour. Le nouveau modèle que je suis en train de concevoir doit permettre d’aller jusqu’à quinze pagnes par jour.
Ce gain de temps considérable doit avoir pour conséquence aussi de réduire le prix d’achat du pagne et donc de le rendre accessible à tout le monde. Sur le marché, un complet de Faso Dan Fani est actuellement vendu à 50 000 Francs CFA [environ 75 euros]. Certains pagnes vont même jusqu’à 100 000 Francs CFA [env. 150 euros]. Tout le monde ne peut pas se permettre de l’avoir. Le pagne est donc concurrencé par d’autres produits importés. Or le Faso Dan Fani est un bien culturel, il doit être accessible à tous.
Faire du Faso Dan Fani, un produit de marque
La perspective d’une industrialisation de la production du textile a suscité un engouement du côté des pouvoirs publics, qui veulent faire du Faso Dan Fani un produit de marque, compétitif à l’international, et dont le potentiel de revenus annuels selon Le Point est évalué à plus de 50 milliards de Fcs CFA (près de 76 millions d’euros).
Newlove Kushiator, qui compte vendre sa machine à 750 000 francs CFA [env. 1 200 euros], a reçu le 15 mars une délégation du gouvernement composée de Salifo Tiemtoré, ministre de la Promotion de l’entreprenariat et de l’Emploi, accompagné de Louise Anne Go, la ministre déléguée chargée de l’Artisanat.
L’innovation a été bien accueillie également par les associations de tisserands du Burkina-Faso qui compte sur son territoire plus de 50 000 tisserands dont 40 000 sont des femmes. « Tisser le pagne est très pénible et difficile. C’est un travail qui fatigue. Cette machine va beaucoup soulager les femmes. Elles pourront ainsi monter plusieurs métiers à tisser et améliorer leur rendement », explique Germaine Compaoré, la secrétaire générale de la Fédération des tisseuses du Burkina-Faso, contactée par la rédaction des Observateurs de France 24. « Mais la machine coûte cher. Quelques personnes pourront l’acquérir, d’autres non. Je trouve cependant que c’est déjà un bon début. Il faudra que l’État aide le promoteur à améliorer la machine et à la vulgariser », ajoute-t-elle.
Mais avant d’être acceptée par la profession, l’innovation avait suscité quelques inquiétudes, rappelle Newlove Kushiator :
« Les artisans avaient peur de perdre leur travail avec l’arrivée de cette nouvelle machine. Nous leur avons expliqué qu’elle ne vient pas les remplacer, mais vient en soutien de leur travail. L’appareil est conçu pour être utilisé dans les concessions et tisse même en respectant les procédés traditionnels ».
Germaine Compaoré renchérit : “La machine tisse automatiquement, mais les artisans doivent d’abord préparer à la main le fil à tisser. L’art de tisser traditionnellement ne disparaîtra pas avant plusieurs années”.
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