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Depuis près de cinq mois, elle repose dans l’obscurité, isolée de la fureur du monde derrière son vitrage blindé de trois centimètres d’épaisseur. Comme tous les musées de France, celui qui accueille la tapisserie de Bayeux, dans le Calvados, n’a pas ouvert ses portes depuis le 30 octobre, fermé par le gouvernement pour enrayer l’épidémie due au coronavirus. Un crève-cœur pour la ville normande, qui a vu ses rues se dépeupler et ses tiroirs-caisses se vider. Mais un répit bienvenu pour la toile médiévale, inscrite au registre « Mémoire du monde » de l’Unesco.
Brodée il y a près de mille ans pour célébrer le débarquement victorieux de Guillaume le Conquérant en Angleterre en 1066, la vieille dame en lin souffre et nécessite des soins d’urgence. Exposée à la verticale depuis son installation en 1983 dans un bâtiment construit pour elle, en plein cœur de la capitale du Bessin, la tapisserie de Bayeux « craque », malgré toutes les précautions prises pour assurer sa conservation.
En janvier 2020, une équipe de huit restauratrices spécialisées dans les textiles anciens a profité de la fermeture annuelle du musée pour inspecter les 68,4 m de l’œuvre, premier objet classé monument historique, en 1840, par Prosper Mérimée. Leur verdict, rendu public un an plus tard, en février, a de quoi faire frémir le plus aguerri des conservateurs. Au total, 24 204 taches, 16 445 plis et 9 646 « manques dans la toile ou les broderies » ont été répertoriés. Plus inquiétant, 30 déchirures « non stabilisées » ont été constatées. « Un tel relevé n’avait jamais été fait sur la face brodée », assure-t-on à la direction régionale des affaires culturelles (DRAC) de Normandie. Un panorama en haute résolution, mis gratuitement en ligne en février sur le site du musée, donne une idée de l’ampleur des dégâts.
Mille ans de vicissitudes
Les raisons sont connues. Le « dosseret technique » sur lequel la tapisserie a été cousue en 1983 par l’Ecole Boulle, qui permet de la faire glisser sur un rail, a vieilli et pèse sur l’ensemble de la toile, riche de 626 personnages. Le galon qui a été ajouté sur la partie inférieure au XIXe siècle, sans doute dans les années 1860, tire également sur les fibres et déforme le bas de la toile. Comme les tableaux anciens, la « Telle du Conquest », l’autre nom de la tapisserie, présente dans son dos des « scrupules », ces petites agglomérations de poussières et de saletés, qui retiennent l’humidité. « Les pièces de ravaudage, ajoutées au XIXe siècle, provoquent aussi des tensions », ajoute Mathilde Labatut, la jeune conservatrice des monuments historiques qui veille sur l’œuvre à la DRAC de Normandie.
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