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« Ouïgours » : la première fois que « Le Monde » l’a écrit

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Une manifestante Ouïgour devant la police anti-émeute chinoise, à Urumqi, dans la province du Xinjiang, le 7 juillet 2009. Une manifestante Ouïgour devant la police anti-émeute chinoise, à Urumqi, dans la province du Xinjiang, le 7 juillet 2009.

La diplomatie française continue à hausser le ton face aux persécutions des Ouïgours en Chine. Après son discours très ferme tenu devant l’ONU en janvier, Jean-Yves Le Drian, le ministre des affaires étrangères, ce 10 mars devant le Sénat, a redit l’­urgence d’envoyer « une mission d’experts internationaux » dans le Xinjiang. C’est une surprise : la première fois que le mot « ouïgours » apparaît dans le ­journal, le 8 juin 1956, c’est dans les pages… cinéma.

Une mention anecdotique, au sujet du navet Le Conquérant, de Dick Powell, une « effarante superproduction » consacrée à Gengis Khan qui soumit « tour à tour les Merkites, les Khirgiz, les Mongols, les Tartares, sans préjudice d’autres Raïmans et Ouïgours ». Dans les pages internationales, le sort de ce peuple du Xinjiang, l’une des cinq régions autonomes de la Chine, est décrit dès la fin des années 1950. Près de soixante ans avant que le sort des centaines de milliers de Ouïgours envoyés dans des « camps de ­déradicalisation » ne devienne un sujet de ­préoccupation mondiale.

La bande-annonce, en anglais, du film Le Conquérant (1956)

C’est le 1er octobre 1957 que Le Monde commence à raconter cette histoire sous la plume de Georges Auclair, prix Interallié 1950. L’écrivain rend compte d’une grande cérémonie officielle donnée à Pékin en l’honneur des minorités, que le pouvoir nomme les « hôtes étrangers ». « La veille, on les voyait dans les tribunes officielles, assistant au défilé, un peu, ne pouvait-on s’empêcher de penser, comme à nos fêtes du 14 juillet les délégués de l’Afrique noire française », écrit-il au sujet des habitants de ces régions « autonomes » où la Chine mène, depuis 1949, une véritable politique de colonisation.

« Comme dans la plupart des pays communistes, le régime attend le dépérissement de la religion sans exercer de pressions directes sur les fidèles. » Le journaliste Alain Bouc, en 1970

Près d’une décennie plus tard, à l’automne 1964, la presse soviétique alerte sur les « répressions de masse » menées en Chine populaire contre les minorités nationales : « Les Ouïgours sont si cruellement persécutés qu’ils n’ont d’autre ressource que de fuir en URSS ou en Afghanistan. » De brèves dépêches de l’AFP, publiées dans Le Monde, reprennent l’information.

C’est au cours des années 1970 que les correspondants du journal en Chine s’intéressent plus franchement aux Ouïgours, lorsque Pékin tolère la pratique de l’islam dans cette région de l’extrême-ouest de la Chine après avoir tout fait, depuis 1949, pour interdire la religion. Le 4 mars 1970, Alain Bouc analyse ainsi cette stratégie : « La politique chinoise à l’égard de l’islam n’a rien d’original. Comme dans la plupart des pays communistes, le régime attend le dépérissement de la religion sans exercer de pressions directes sur les fidèles. » Neuf ans plus tard, son successeur, Alain Jacob, observe qu’une nouvelle édition du Coran a vu le jour et que de nombreuses mosquées fermées depuis des années sont rouvertes au culte.

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