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« Salut à tous du secteur de contrôle renforcé A ! » Dans son style habituel, plein d’un optimisme peut-être un peu forcé, Alexeï Navalny donne des nouvelles. Dans un message transmis clandestinement à ses partisans et publié sur les réseaux sociaux lundi 15 mars, l’opposant russe emprisonné lève l’incertitude sur son sort.
M. Navalny avait été condamné le 2 février à deux ans et huit mois de prison pour avoir, durant la période de convalescence consécutive à son empoisonnement, violé les conditions d’un contrôle judiciaire hérité d’une condamnation précédente. Depuis, l’administration maintenait le silence. Un précédent message, début mars, avait permis de localiser l’opposant de 44 ans dans un lieu de détention intermédiaire, dans la région de Vladimir.
C’est toujours dans cette région proche de Moscou qu’il se trouve, cette fois dans son lieu de détention définitif, la « colonie de redressement numéro 2 » – soit « IK-2 » –, située dans la ville de Pokrov. « Je dois reconnaître que le système carcéral russe a réussi à me surprendre, écrit-il. Je n’aurais jamais imaginé qu’il soit possible de construire un véritable camp de concentration à 100 km de Moscou. »
Si le choix des mots peut surprendre, la masse de témoignages accumulés sur cette prison dite « à régime normal » dresse le tableau de l’un des lieux de détention les plus durs de Russie. « Les prisonniers passés par d’autres prisons m’ont tous dit que l’IK-2 était la pire qu’ils aient vue », indique au Monde Konstantin Kotov, qui y a passé un an et demi entre 2019 et 2020 pour avoir participé à des manifestations illégales. Un autre ancien prisonnier évoque des transferts gardés secrets jusqu’au dernier moment pour éviter les suicides.
Passages à tabac
La particularité de l’IK-2 est d’être une prison « rouge », où le contrôle de l’administration est total, à la différence des prisons « noires », où les détenus eux-mêmes se voient déléguer la charge de maintenir l’ordre. Cet état de fait n’empêche nullement la violence, commise par les gardiens ou par des prisonniers choisis par l’administration.
Une partie importante de la journée doit être passée devant la télévision d’État. Les détenus ont interdiction de ne pas regarder l’écran ou de fermer les yeux.
Plusieurs témoignages, recueillis notamment par le Moscow Times, racontent le rituel du tabassage à l’arrivée à l’IK-2. Gleb Dobrilenko, un ancien prisonnier interrogé par l’équipe d’Alexeï Navalny, a également décrit une scène de viol avec des pieds de tabouret. Konstantin Kotov, lui, dit avoir entendu de nombreux récits de passages à tabac et régulièrement vu des détenus être allongés au sol et frappés à coups de bâtons sur les talons. En août 2018, de nombreux détenus de l’IK-2 (800 prisonniers en tout) ont mené une grève de la faim – tenue plus ou moins secrète – pour protester contre les mauvais traitements et les tortures, très répandus dans le système carcéral russe.
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