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LETTRE DE BEYROUTH
Il y a un mois, Clubhouse, la petite app qui monte, a pris d’assaut le Proche-Orient. En quelques jours, la dernière pépite de la Silicon Valley, une plate-forme de discussion audio, a gagné ses galons sur le marché pourtant surchargé des réseaux sociaux arabes. Dans la mesure où elle ne fonctionne pour l’instant que sous iOS, son usage est restreint aux détenteurs d’iPhone, c’est-à-dire aux classes relativement aisées.
Mais dans ces milieux, notamment en Egypte et au sein de la jeunesse ultra-connectée des riches pays du Golfe, la nouvelle app se développe à toute vitesse. A la mi-février, Clubhouse était le réseau social le plus téléchargé de l’App Store en Arabie saoudite.
Alors qu’en France ce forum de débats en direct a encore une image « tech » très marquée – ce qui fait que l’on y trouve beaucoup de professionnels du numérique –, au Proche-Orient ses adeptes viennent d’univers plus variés.
Un espace de respiration
Pour une raison simple : dans ces pays où la pression sociale et la censure officielle étouffent les voix dissidentes, bâillonnent les opinions non conformes, Clubhouse constitue un espace de respiration unique. Dans ces salons virtuels, où chacun peut initier une discussion sur le thème de son choix, ou rejoindre une conversation en cours, les Arabes redécouvrent le goût de la libre parole.
Une grande partie des sujets abordés sur le réseau n’a strictement rien de polémique. On y cause psychologie, musique, voyage, cuisine, start-up, littérature, etc. On y parle de tout et de rien, sur un ton badin ou savant.
« Ces derniers jours, j’ai écouté une discussion avec des gens du Golfe, qui parlaient de la personne qui les a le plus marqués dans leur vie, il y avait 400 participants, raconte une résidente étrangère des Emirats arabes unis, qui est arabisante. Et puis j’ai aussi suivi un débat qui volait très haut, sur Aristote, avec une dizaine de personnes seulement ».
Sexe, politique, religion
Mais bien sûr, ce qui fait une grande partie de l’attrait de Clubhouse dans le monde arabe, c’est la possibilité d’y traiter de tous les sujets bannis des pages des journaux, des antennes radio et des studios de télévision. Les pouvoirs en place n’ayant pas encore trouvé le moyen de cadenasser ce nouveau réseau, les trois grands tabous de la région (le sexe, la politique et la religion) y sont ouvertement discutés.
La thématique ultrasensible de la normalisation avec Israël, un pas que les Emirats arabes unis, Bahreïn, le Soudan et le Maroc ont franchi en 2020, revient par exemple souvent dans les débats. « J’ai assisté à une conversation sur ce sujet, avec plusieurs centaines de personnes du Golfe, raconte la Palestinienne Dima Khatib, une journaliste d’Al-Jazira, basée au Qatar. Tous étaient contre l’établissement de relations diplomatiques avec Israël, sauf un. Cela montre bien que le climat pro-normalisation entretenu sur Twitter ne correspond pas à la réalité. »
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