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La répression n’en finit pas en Birmanie. Au moins cinq manifestants prodémocratie ont été tués lundi 15 mars au lendemain d’une journée de répression meurtrière qui avait fait 44 morts parmi les civils. C’est le bilan le plus lourd depuis le coup d’Etat militaire, le 1er février. Plus de 120 personnes sont mortes ces six dernières semaines, d’après l’Association d’assistance aux prisonniers politiques (AAPP).
Lundi, ce sont deux hommes et une femme qui ont été tués et seize personnes blessées à Myingyan (centre), a annoncé à l’Agence France-Presse un habitant sous couvert d’anonymat par peur des représailles. A 300 kilomètres au sud, deux protestataires sont morts, tués par un tir mortel à la tête et à la poitrine, selon un autre témoin.
Parallèlement, la riposte de l’armée se poursuit sur le terrain judiciaire : l’AAPP recense désormais plus de 2 000 arrestations dont Aung San Suu Kyi, 75 ans, toujours tenue au secret. L’ancienne chef de facto du gouvernement civil devait comparaître en vidéoconférence dans la matinée, mais l’audience a dû être reportée faute de connexion Internet, a expliqué à l’AFP son avocat, Khin Maung Zaw. Elle se tiendra le 24 mars.
Les militaires ont aussi renforcé ce type de coupures. Les connexions mobiles, interrompues depuis plusieurs semaines dans la nuit, mais habituellement rétablies dans la matinée, ne fonctionnaient toujours pas lundi après-midi dans le pays.
Des usines chinoises prises pour cibles
La Prix Nobel de la paix 1991 est poursuivie pour au moins quatre chefs d’accusation : importation illégale de talkies-walkies, non-respect des restrictions liées au coronavirus, violation d’une loi sur les télécommunications et incitation aux troubles publics. L’armée l’accuse aussi de corruption en affirmant qu’elle a perçu 600 000 dollars et reçu plus de 11 kg d’or de pots-de-vin.
Malgré la répression, les opposants à la junte ne désarment pas. La tension a été particulièrement forte dimanche à Hlaing Tharyar, une banlieue industrielle de Rangoun, où des assaillants ont incendié plusieurs usines chinoises. 22 protestataires ont été tués par les forces de l’ordre.
Alors que des panaches de fumée s’élevaient de la zone industrielle, de nombreux véhicules militaires ont été déployés et des tirs ont été entendus en continu par les habitants cachés dans les maisons.
Trente-deux usines dans lesquelles la Chine a investi ont été vandalisées, avec près de 37 millions de dollars de biens détruits, a fait savoir le média chinois Global Times, faisant état de deux blessés.
Personne n’a revendiqué les attaques, mais le ressentiment anti-Pékin s’est intensifié ces dernières semaines dans le pays. Certains opposants estiment que le géant asiatique, qui a appelé à la désescalade, a une position encore trop douce vis-à-vis des généraux birmans.
A la suite de ces affrontements, la junte a décrété la loi martiale dans six cantons de l’agglomération de Rangoun, dont Hlaing TharYyar. Toute personne arrêtée dans ces quartiers sera jugée par un tribunal militaire et encourra une peine minimale de trois ans de travaux forcés.
La Chine s’est dite lundi « très préoccupée » pour la sécurité de ses citoyens en Birmanie, le porte-parole du ministère des affaires étrangères, Zhao Lijian, exhortant les autorités birmanes à prendre des mesures pour « éviter résolument que de tels incidents ne se reproduisent ».
Après six semaines de rassemblements prodémocratie, les généraux poursuivent sans relâche leur répression. Meurtres, persécutions, disparitions forcées, tortures : le Conseil des droits de l’homme de l’Organisation des Nations unies (ONU) a dénoncé de probables « crimes contre l’humanité » commis par la junte.
Les militaires birmans « ne doivent pas être au pouvoir, mais derrière les barreaux », a tweeté lundi Tom Andrews, rapporteur spécial des Nations unies pour la Birmanie, appelant à stopper immédiatement l’« approvisionnement en argent et en armes » des militaires.
L’opposition tente de s’organiser
L’envoyée de l’ONU pour la Birmanie, Christine Schraner Burgener, a fermement condamné l’effusion de sang de dimanche et l’ancienne puissance coloniale britannique s’est dite « consternée » par l’usage de la force « contre des innocents ». La junte fait pour l’instant la sourde oreille aux condamnations internationales.
L’opposition politique commence, elle, timidement à s’organiser dans le pays. Beaucoup de responsables de la Ligue nationale pour la démocratie (LND, le parti d’Aung San Suu Kyi) ont été emprisonnés depuis le putsch, dont deux sont morts en détention.
Mais certains députés, passés pour la plupart dans la clandestinité, ont créé symboliquement un Comité pour représenter l’Assemblée de l’Union (CPRH), l’organe législatif birman. Son vice-président, Mahn Win Khaing Than, a lancé ce week-end un vibrant appel à la résistance contre la « dictature injuste ». « C’est le moment le plus sombre de la nation [mais] il faut que le soulèvement l’emporte », a-t-il déclaré.
L’armée a pour sa part averti que l’appartenance à ce comité s’apparentait à une « haute trahison », passible d’une peine de vingt-deux ans de prison. Le passage en force des généraux, alléguant de vastes fraudes électorales aux législatives de novembre largement remportées par la LND, a mis fin à une décennie de transition démocratique en Birmanie.
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