Les performances du secteur des jeux vidéo ne cessent de progresser. Le marché est évalué à 200 milliards de dollars en 2024 selon VentureBeat et ce loisir occupe une place majeure dans l’existence de nombreuses personnes.
Une grande tendance a été l’essor des jeux « play to earn » (littéralement : jouer pour gagner). Pour faire simple, nous pourrions dire que traditionnellement, il fallait payer pour jouer. Dans le mode play to earn, l’équation est renversée : c’est le joueur qui est récompensé pour ses performances dans le jeu. En réalité, la différence n’est pas aussi tranchée car certains jeux play to earn nécessitent un investissement de départ parfois important.
Des listes et classements de jeux play to earn figurent sur des sites tels que :
Un peu d’Histoire
Pouvoir revendre des éléments acquis dans un jeu n’est pas nouveau mais par le passé, cette pratique était plutôt mal perçue par les éditeurs. Ainsi, le jeu en ligne World of Warcraft a vu se développer des « gold farm », soit des officines dans lesquelles pour un salaire pitoyable, des petites mains s’activaient à récolter de l’or virtuel de World of Warcraft (WoW). Ils se posaient dans un lieu retiré du territoire d’Azeroth et se consacraient à tuer des monstres à raison de 12 heures par jour. En parallèle, un site new-yorkais, IGE.com, rachetait les objets et statuts que certains joueurs étaient prêts à céder et les revendaient au double du prix négocié – par exemple, un niveau 70 était couramment vendu aux alentours de deux cents euros. Les gold farmers sont apparus comme une plaie pour les joueurs usuels qui leur reprochaient de ne pas « sociabiliser » avec eux. De plus, une telle pratique est apparue comme contraire aux règlements de l’éditeur Blizzard qui s’est mis à supprimer des dizaines de milliers de comptes. Au printemps 2007, un correctif du jeu est apparu afin de combattre le gold farming et Blizzard a même intenté un procès contre l’organisation qui gérait IGE.com – ce site n’existe plus depuis belle lurette.
Par la suite des jeux comme Farmville de Zynga ont repris le concept de façon plus ouverte : les jeux étaient gratuits, mais les joueurs manquant de temps et impatients de progresser se voyaient offrir la possibilité d’acheter des biens virtuels.
De même, le jeu multijoueur Eve Oline a progressivement développé un vaste commerce interne d’objets entre ses participants et a vu cette activité déborder dans le réel : certains joueurs ont déboursé des dizaines de milliers de dollars pour acquérir des objets ou appareils fort prisés.
Le marché était donc mûr pour une telle activité mais il manquait un cadre et celui-ci a été apporté par les NFT.
Le principe des « play to earn »
Un jeu apparu en 2017 a changé la donne. Dapper Labs, a lancé CryptoKitties, une application d’achat et de vente de chatons virtuels, avec possibilité d’accoupler ceux-ci. Chacun de ces chatons dispose de l’équivalent d’un ADN unique. Leur accouplement peut aboutir à des milliards de possibilités. CryptoKitties a connu un succès immense, allant jusqu’à provoquer une saturation de la blockchain Ethereum – sur laquelle elle reposait – durant de nombreux jours. Certains CryptoKitties, en raison de leur rareté, ont gagné de la valeur – le 4 novembre 2018, le Kitty n° 896775, (surnommé Dragon) a même été vendu pour la somme de 600 Ethers, soit l’équivalent de 172.794 dollars de l’époque. Le jeu a ainsi donné naissance aux NFT, mais aussi donné une première idée de ce que pouvait être un play to earn.
De fait, le succès de CryptoKitties a amené plusieurs éditeurs de jeu à comprendre que n’importe quel élément d’un jeu pouvait être représenté par un NFT : équipement, territoire, arme, etc. Et dans la mesure où un NFT rend cet élément unique, il peut acquérir une valeur.
Les jeux « play to earn » sont des jeux basés sur la technologie blockchain, et plus précisément sur les NFT. Ainsi, dans Decentraland, un metaverse qui accueille des activités de type play to earn, la moindre parcelle de terrain, le moindre objet, la moindre ressource peut être considéré comme un NFT et donc être vendu au plus offrant, que ce soit depuis le jeu lui-même ou sur une plateforme de trading. En avril 2022, une créature de Axie Infinity (Dragon Axie) a trouvé acquéreur au prix de 750 ETH soit 2 millions d’euros.
Quelles activités donnent lieu à des récompenses ?
Dans un play to earn, les joueurs peuvent gagner des crypto-actifs via diverses activités :
élever des créatures ;
remporter des combats ou défis ;
aller à la chasse d’informations ou d’éléments précis ;
jouer à des jeux tels le poker ou le bridge ;
collectionner des cartes, etc.
Les rémunérations sont habituellement des tokens propres à un jeu donné, par exemple le MANA dans Decentraland ou le SAND dans Sandbox. Toutefois, certains jeux play to earn proposent d’obtenir des récompenses sous la forme de NFT.
Un grand nombre de jeux play to earn, notamment Sorare, permettent au joueur de démarrer gratuitement mais d’autres, notamment Axie Infinity, nécessitent un investissement de départ de la part des joueurs, qui peut être conséquent – nous y reviendrons.
Tout le monde n’aime pas jouer mais cela n’empêche pas certains de participer indirectement à la cote de jeux comme Axie Infinity. Ils peuvent acheter la monnaie propre à un jeu en espérant qu’elle va prendre de la valeur, ou bien acheter des NFT tels que des accessoires dans l’espoir de les revendre par la suite. Ainsi, sur une plateforme de vente de NFT telle que OpenSea ou Rarible, il est possible d’acheter des parcelles de terrain ou des vêtements utilisables dans Decentraland.
Les revenus glanés via la monnaie du jeu play to earn peuvent être échangés contre des cryptomonnaies majeures telles que Ethereum ou Bitcoin ou encore contre de l’argent traditionnel tel que le dollar ou l’euro.
Globalement, les jeux play to earn peuvent être classés dans trois familles différentes.
Certains, comme Cryptokitties ou Axie Infinity, sont autonomes, ce qui signifie qu’ils ne dépendent pas d’une plateforme préexistante.
Certains, tel The Sandbox ou Decentraland, sont des metaverses soit des univers virtuels au sein desquels des quêtes sont proposées au joueur, leur permettant de gagner de la monnaie locale.
D’autres sont intégrés un métaverse préexistant. C’est le cas de Atari Casino qui est un espace de jeu accessible dans Decentraland ou de Town Star dans The Sandbox.
Une manne pour les pays sous-développés
De façon étonnante, la pratique de jeux comme Axie Infinity est rapidement devenue une source de revenus majeure pour les citoyens de pays frappés par une forte inflation. Dans de telles contrées, les play to earn ont été perçus comme des sources de revenus complémentaires non négligeables.
Ainsi, en Argentine, la hausse des prix à la consommation a été de 50,9 % en 2021 et donc, un salaire moyen ne permet pas de subvenir aux besoins de la famille. Des habitants de ce pays se sont donc tournés vers des jeux tels que le casino présent dans Decentraland. De même, au Brésil et au Venezuela comme aux Philippines, des citoyens ont choisi de livrer des batailles sur Axie Infinity afin de gagner des tokens maison.
Le souci avec certains jeux est que la mise initiale est élevée : environ 5.200 dollars pour démarrer sur Axie Infinity. Pour contourner le problème la solution trouvée a été la suivante : des milliers de Sud-Américains reçoivent des « délégations de comptes » de la part de joueurs d’Allemagne ou d’Amérique du Nord. Ces derniers prélèvent une partie de l’argent gagné.
Sur Bloomberg, Franco Villaflor, un DJ argentin a expliqué qu’il jouait durant trois heures par jour au poker sur Decentraland pour le compte d’un Américain. Une fois qu’il a reversé 40 % de ses gains au propriétaire du compte, il lui reste environ 1.500 dollars par mois, soit l’équivalent de ce qu’il gagne habituellement en tant que DJ !
Une technologie encore jeune
Selon un rapport de Blockchain Gaming Alliance (BGA), le nombre de personnes jouant à des play to earn se chiffrait à 1,17 million d’individus au 1er trimestre 2022. Cela pourrait sembler peu en soi, mais représente une augmentation de 2.000 % en un an. Toujours selon la BGA, ces jeux ont généré 2,32 milliards de dollars durant le troisième trimestre 2021.
Par la force des choses, de nombreuses marques s’intéressent à ces jeux d’un goût nouveau. Nike – qui a racheté le studio de création RTFKT fin 2021 – s’intéresse à employer des joueurs de haut niveau qui porteraient des accessoires à sa marque. Warner Bros, Adidas et HSBC ont acquis des terrains dans The Sandbox en vue de pouvoir promouvoir des expériences ludiques dans ce métavers.
Il reste que l’univers des jeux play to earn est encore jeune et qu’il n’est pas à l’abri de quelques soubresauts de jeunesse. Ainsi, en avril 2022, la plateforme Axie Infinity s’est vue délestée de l’équivalent de 176.300 ETH soit l’équivalent de 600 millions de dollars, par un hacker. De son côté, le jeu de Formule 1 F1 Delta Time de Animoca Brands n’a pas vu sa licence F1 renouvelée et a donc dû cesser d’opérer le 15 mars 2022 – alors que des joueurs avaient dépensé des dizaines de milliers de dollars. L’éditeur a proposé de compenser les joueurs en échangeant leurs tokens de F1 Delta Time contre des tokens d’autres jeux maison. Il reste que cet épisode a mis en avant l’une des faiblesses potentielles de jeux incluant des NFT liés à des marques.
Il semblerait aussi que dans la communauté des joueurs, certains ne voient pas forcément d’un bon œil l’avènement des jeux play to earn. Ubisoft a connu quelques déboires lors de l’annonce de Quartz, une plateforme de jeux play to earn. La résistance est venue de sa communauté mais aussi d’employés, inquiets de voir Ubisoft entamer une direction qui pourrait la rendre mal aimée de certains joueurs. Pour sa part, en février 2022, Team17, éditeur du jeu Worms, a annoncé l’arrivée de NFT dans ce jeu, et a alors dû affronter la grogne de sa communauté – le projet a été enterré.
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