Livre. La guerre en Ukraine et l’impuissance totale des Nations unies face à une agression dont est responsable la Russie, membre permanent du Conseil de sécurité, révèle dans toute son évidence la crise du système de sécurité collective mis en place après la fin de la seconde guerre mondiale au nom d’un « plus jamais ça ».
Il faut, certes, distinguer d’une part l’institution politique de l’ONU – l’Assemblée générale, le Conseil de sécurité – et, de l’autre, les nombreuses agences onusiennes spécialisées, situées en première ligne dans la protection des réfugiés et dans les divers aspects de la sécurité humaine, et qui continuent d’assurer leurs fonctions avec souvent une réelle efficacité.
Le titre de l’ouvrage collectif dirigé par Julian Fernandez, juriste, et par Jean-Vincent Holeindre, politiste, Nations désunies ?, ne résume pas l’enjeu d’un multilatéralisme qui cherche à se réinventer, alors même qu’il est indispensable pour affronter des crises conjuguées, militaires, économiques, sociales, sanitaires. « Le multilatéralisme est un sport de combat », rappelle avec humour Serge Sur, professeur émérite de droit public et rédacteur en chef de la revue Questions internationales. Cela n’a jamais été plus vrai qu’aujourd’hui après les grands rêves de la fin du second conflit mondial, de la décolonisation puis des espoirs post-guerre froide.
Ritualisé et structuré
Le multilatéralisme est multiforme. « Ce n’est pas un bloc, mais un puzzle », résume Serge Sur. Dans un appel commun sur la pandémie publié dans Le Monde, le 3 février 2021, et cités dans le livre, Antonio Guterres, secrétaire général de l’ONU, Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, et des chefs d’Etat et de gouvernement, dont Emmanuel Macron et le sénégalais Macky Sall, esquissaient cette définition : « Une manière bien particulière d’organiser les relations internationales qui s’appuie sur la coopération, l’Etat de droit, l’action collective et des principes communs. »
Le multilatéralisme est ritualisé dans des rendez-vous tels le G7 ou le G20 et structuré dans des organisations internationales ou régionales. Ce riche ouvrage collectif en fait l’histoire et en montre les différents aspects – sécurité collective, droits humains, sécurité alimentaire, réfugiés, espace, justice pénale internationale, etc. –, avec des contributions de certains des meilleurs spécialistes.
Cette crise est avant tout celle du système onusien, issu du conflit le plus meurtrier de l’histoire et qui en reste profondément marqué. « La guerre était la cible centrale de son action, occultant les défis collectifs », rappelle le politiste Bertrand Badie. Il relève que cela explique notamment « le rôle central du Conseil de sécurité, pivot des pouvoirs de contrainte et lieu des privilèges de puissance ». A cela s’ajoute, comme le soulignent Julian Fernandez et Jean-Vincent Holeindre, la nouvelle donne créée par le fait que « les trois puissances aujourd’hui dominantes, les Etats-unis, la Chine et la Russie, sont trois figures défavorables au multilatéralisme et en tout cas à un multilatéralisme dynamique et fidèle à l’esprit de 1945 ».
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