Rien de plus excitant et à la fois décevant que le débat de l’entre-deux-tours de l’élection présidentielle française.
Excitant car moment suprême du face-à-face entre les deux candidats promus par le premier tour, moment dont on espère révélations, échanges musclés dont on pense qu’ils feraient la différence.
Décevant car on n’y entend gère des arguments de fond, ni une défense éclairée des projets politiques. Il suffit d’entendre les commentaires d’après-coup et de lire la presse du lendemain pour s’en rendre compte. Mais débat à la française, faudrait-il dire, car pour qui a observé et analysé les débats politiques depuis des années, le débat présidentiel dans notre Hexagone se caractérise par une forte « polémicité » qui, finalement, convient à un esprit français qui n’aime rien tant que d’entendre les candidats « s’empailler ».
Outre ce goût culturel bien français, à quoi cela tient-il ? Au dispositif. Des études comparatives menées, avec divers chercheurs, à la fin des années 1990 (les choses n’ont guère changé), portant sur les formes de talk-shows et autres débats de différents pays (France, Espagne, Italie, Amérique du Nord) ont permis de montrer à quel point le dispositif structure les échanges d’un débat télévisé.
D’abord, le point commun. Le dispositif d’un débat télévisé est doublement triangulaire : relation triangulaire dans l’espace interne du plateau, entre les deux débatteurs et une instance d’animation ; relation triangulaire dans l’espace externe, entre les deux débatteurs et un public spectateur, présent-absent, qui constitue la véritable cible des échanges. Dans chacun de ces espaces, le dispositif détermine l’enjeu des paroles qui vont s’y déployer. Mais les mises en scène sont différentes.
Un face-à-face direct
Dans le dispositif français, les débatteurs se trouvent placés dans un face-à-face direct, frontal, et la mise en scène visuelle donnera à voir, de façon variable selon les instructions des candidats (plans de coupe ou non), les visages, les expressions et les attitudes de chacun d’eux dans des plans, parfois d’ensemble, parfois, et la plupart du temps, avec un cadrage resserré sur le visage de façon à saisir au plus près les réactions émotionnelles de chacun, comme une tentative de pénétrer l’intime de leur personnalité.
A l’autre pointe du triangle, un duo de journalistes, homme et femme, présentant les thèmes du débat et jouant le rôle de « maître des horloges », comme il est dit, ce qui leur permet de timides rappels à l’ordre lorsque les candidats ne respectent pas leur temps de parole. De plus, cette instance de médiation procède, parfois au terme d’une négociation avec les candidats, à un découpage thématique des questions qui seront traitées au cours du débat.
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