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L’Allemagne se découvre mal préparée à un arrêt des livraisons de gaz russe

Le site BASF de Ludwigshafen, dans le Land de Rhénanie-Palatinat, en Allemagne, est le plus grand complexe chimique du monde exploité par une seule entreprise. Au bord du Rhin, large de plus de 250 mètres à cet endroit, une forêt métallique s’étend à perte de vue. C’est un gigantesque réseau de tuyaux gris, coudés, étroitement imbriqués, portés par des kilomètres d’échafaudages. Ici, toutes les installations chimiques sont connectées entre elles pour utiliser au mieux l’énergie.

Surplombant cet entrelacs, des dizaines de colonnes de distillation donnent à l’ensemble des allures de Manhattan. Depuis cent cinquante ans, le complexe chimique rhénan est une pièce centrale et indispensable de la puissance industrielle allemande. A Ludwigshafen, dans ces tuyaux, on domestique jour et nuit la matière. Le cœur du complexe, ce sont deux énormes installations, appelées « steamcracker » (vapocraqueur), qui effectuent une des opérations principales en pétrochimie.

« On soumet les hydrocarbures à la chaleur et à la vapeur d’eau pour les décomposer et en faire des composés chimiques de base, qui seront ensuite retransformés », explique le porte-parole de BASF qui nous accompagne. Le processus nécessite de très grandes quantités de chaleur, produite à partir du gaz, qui est en chimie à la fois une énergie et une matière première. Sur le site sont fabriqués 220 000 produits chimiques, des matières aussi variées qu’indispensables à notre quotidien : les composés de base pour la pharmacie, les agents de lavage pour les produits d’entretien et cosmétiques, les plastiques – ceux des emballages, des pare-chocs, des textiles synthétiques, des isolants –, les colles, les lubrifiants des machines, la peinture des carrosseries, l’ammoniaque pour les engrais.

Les économistes divisés

L’industrie européenne étant très imbriquée, presque toutes les branches européennes, y compris l’automobile, l’agroalimentaire et la cosmétique françaises, reçoivent directement ou indirectement des produits fabriqués à Ludwigshafen. Depuis quelques jours, le site est en état d’alerte. Fin mars, face à la demande de la Russie d’être payée en roubles pour ses livraisons d’hydrocarbures, le ministère de l’économie a déclenché le niveau 1 du « plan d’urgence gaz », première étape vers un éventuel rationnement. Le directeur du complexe de Ludwigshafen, Uwe Liebelt, se prépare depuis au cas où il faudrait réduire l’activité, faute de gaz. D’après ses calculs, si l’approvisionnement en gaz baissait de 30 %, l’activité pourrait être maintenue au minimum technique. Les approvisionnements des clients seraient réduits en conséquence.

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