L’effondrement des anciens principaux partis de gouvernement de la Ve République, le Parti socialiste et Les Républicains, est l’un des événements majeurs du premier tour de l’élection présidentielle et devrait accélérer la fragmentation du paysage politique français à l’œuvre depuis l’irruption d’Emmanuel Macron il y a cinq ans.
C’est une débâcle historique pour le parti de l’ancien président Nicolas Sarkozy : la candidate Les Républicains (LR) Valérie Pécresse a enregistré dimanche 10 avril le pire résultat d’un prétendant de la droite traditionnelle à l’élection présidentielle, échouant même à dépasser la barre des 5 %, synonyme de remboursements des frais de campagne par l’État. Résultat : les finances du parti sont dans une « situation critique » et Valérie Pécresse a appelé lundi les Français à une « aide d’urgence » pour « boucler le financement » de sa candidature.
Si la défaite était prévisible, le coup n’en est pas moins terrible. Prise en étau entre la ligne libérale d’Emmanuel Macron et le souverainisme d’Éric Zemmour, la présidente de la région Île-de-France devait mener à bien une mission impossible au sein d’un parti profondément divisé.
Pendant la campagne, de nombreux cadres LR comme l’ancien ministre du Budget Éric Woerth ou encore l’ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin ont annoncé leur soutien à Emmanuel Macron. D’autres, à l’image de Guillaume Peltier, ont fait le choix de rejoindre le candidat de Reconquête!. Quant à Nicolas Sarkozy, il n’a non seulement jamais exprimé le moindre soutien à la candidate issue de sa famille politique mais ses critiques acerbes ont été régulièrement relayées par la presse.
Selon Martial Foucault, le directeur du Cevipof, les électeurs de LR ont « massivement voté utile. Son score sous les 5 % signifie que les électeurs compatibles avec Emmanuel Macron l’ont rejoint dès le premier tour. Après le PS, LR est totalement laminé », ajoute le politologue, interrogé par France 24.
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Quelle ligne face à l’extrême-droite ?
En interne, Valérie Pécresse a également dû composer avec la ligne dure incarnée par le candidat malheureux à la primaire Éric Ciotti, tentant d’effectuer la synthèse entre un discours centriste proeuropéen et des positions proches de celles de l’extrême droite sur les questions d’immigration et d’identité.
Des fractures au sein de LR qui ont éclaté au grand jour dès l’annonce des résultats du premier tour de la présidentielle. « Je voterai en conscience Emmanuel Macron pour empêcher l’arrivée au pouvoir de Marine Le Pen et le chaos qui en résulterait », a assuré Valérie Pécresse. À l’inverse, Éric Ciotti a annoncé de son côté sur TF1 expliquant « qu’à titre personnel, il ne voterait pas Emmanuel Macron ».
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Après cette défaite historique, quelle ligne va l’emporter ? Celle d’une droite identitaire et conservatrice portée par le député des Alpes-Maritimes et Laurent Wauquiez, le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, ou celle d’une opposition « constructive », proche de la majorité présidentielle ? Ces deux courants peuvent-ils continuer à coexister encore cinq ans au sein d’un même parti ?
Toutes ces questions devraient être abordées lundi chez LR lors d’un comité stratégique suivi d’une réunion du bureau politique qui s’annonce houleuse. Il s’agira pour le parti d’établir une position claire vis-à-vis de l’extrême droite au second tour mais aussi de discuter des législatives du mois de juin.
La traversée du désert continue au PS
Au Parti socialiste, l’heure est également aux règlements de compte. Le PS a enregistré, avec Anne Hidalgo comme candidate, son pire score à une élection présidentielle. La maire de Paris a réuni dimanche 1,74 % des voix, un score lilliputien qui ouvre une période de grande incertitude pour le parti du congrès d’Epinay.
En premier lieu, ce résultat fragilise la situation financière déjà délicate du PS. Le parti aurait emprunté 800 000 euros, soit le montant remboursé par l’État pour les candidats arrivant sous la barre des 5 % et a également demandé à ses fédérations de mettre la main à la poche. Si la procédure est classique pour l’élection présidentielle, les élus ont beaucoup traîné des pieds, mécontents de vider les caisses alors que des élections législatives cruciales se profilent en juin.
Car c’est l’un des paradoxes du Parti socialiste : s’il ne pèse presque plus rien au niveau national, son ancrage local est encore considérable, avec une centaine de parlementaires et le contrôle d’une trentaine de départements et plusieurs grandes villes dont Paris, Rennes, Nantes, Bordeaux ou encore Lille.
« Je ne suis pas certain que le PS ou LR puissent se refaire une santé lors de ces législatives », prédit cependant Jérémie Peletier, directeur des études à la Fondation Jean Jaurès. « On constate que les résultats des législatives sont similaires à ceux de l’élection présidentielle et ces élections ont tendance à épouser les résultats du second tour », explique l’expert interrogé sur France 24.
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Pour tenter de sauver les meubles, des cadres du PS, à l’image de son premier secrétaire, Olivier Faure, ont d’ores et déjà appelé à l’union des forces de gauche, des communistes aux écologistes, en prévision du scrutin de juin.
🔴DÉCLARATION | Je lance un appel solennel aux forces de gauche et écologistes, sociales, aux citoyens prêts à s’engager afin de construire ensemble un pacte pour la justice sociale et écologique pic.twitter.com/KHULfBgimY
— Olivier Faure (@faureolivier) April 10, 2022
Un espace politique qui se réduit
Au-delà de la question financière, le Parti socialiste joue sa survie politique. Une survie qui passe immanquablement par la reconstruction d’une gauche de gouvernement crédible. François Hollande a déjà évoqué la nécessité de cette refondation mais le retour de l’ancien président de la République fait grincer des dents chez la jeune garde socialiste et certains craignent une nouvelle guerre de clans.
La révélation d’un dîner secret tenu mercredi soir ne devrait pas contribuer à améliorer l’ambiance. Le repas à la questure du Sénat a réuni Anne Hidalgo, son directeur adjoint de campagne Patrick Kanner, les maires de Lille et Nantes Martine Aubry et Johanna Rolland, la présidente d’Occitanie Carole Delga et l’ancien chef de l’État François Hollande. Le patron du PS, Olivier Faure, n’avait pas été convié à cette rencontre dont l’objectif était de réfléchir à l’avenir du parti.
« Une telle réunion la veille du premier tour de l’élection présidentielle. La suite s’écrit déjà en catimini ? », s’est notamment agacé l’ancien ministre de l’Agriculture Stéphane Le Foll.
Si toutes les figures du PS assurent que le parti, fort d’une histoire plus que centenaire, se relèvera de son échec, les défis s’annoncent colossaux. L’espace politique se réduit comme peau de chagrin pour les socialistes, broyés par la social-démocratie façon Emmanuel Macron et le « pôle populaire » du leader de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, qui s’impose à gauche comme la première force politique.
« Il y a aujourd’hui une tripartition de la vie politique avec un bloc centre et centre-droit incarné par Emmanuel Macron, un bloc gauche et extrême gauche avec Jean-Luc Mélenchon et un bloc d’extrême-droite populiste incarnée par Marine Le Pen », analyse Jérémie Peletier.
Dans cette nouvelle configuration, les anciens partis de gouvernement, PS comme LR, auront bien du mal à tirer leur épingle du jeu. Si leur disparition n’est pas encore à l’ordre du jour, leur avenir s’écrit déjà en pointillé.
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