Publié le : 01/04/2022 – 22:19
Le président du Sri Lanka, Gotabaya Rajapaksa, a proclamé, vendredi, l’état d’urgence, donnant de larges pouvoirs aux forces de sécurité, suite à 24 heures de manifestations, parfois violentes, contre son incapacité à résoudre la grave crise économique.
Le couvre-feu imposé la veille avait été levé au matin, mais le président du Sri Lanka, Gotabaya Rajapaksa, a fini par décréter l’état d’urgence, vendredi 1er avril, donnant ainsi de larges pouvoirs aux forces de sécurité. Cette décision fait suite à une nuit puis une journée consécutives de manifestations, émaillées de violences et de dégradations. Les contestataires fustigent l’incapacité des autorités à résoudre une crise économique historique.
Le chef d’État a expliqué que la sécurité publique imposait d’appliquer des lois dures donnant aux forces de sécurité des pouvoirs étendus pour arrêter et emprisonner des suspects. Les manifestations contre le gouvernement du Sri Lanka se sont multipliées, vendredi, à travers le pays, après une nuit de violences et de colère en réaction.
« Assez de corruption »
Dans plusieurs villes de l’île, des pancartes brandies par la foule réclamaient le départ du gouvernement, selon la police et les autorités locales. « Il est temps de partir Rajapaksas ! » pouvait-on lire sur l’une d’elles, dans le centre de Colombo, la capitale, en référence notamment au président Gotabaya Rajapaksa et à son frère, le Premier ministre, Mahinda Rajapaksa. « Assez de corruption, rentre chez toi Gota ! », clamait un autre.
Le gouvernement inclut trois frères du président dont Mahinda, Premier ministre, et Basil, ministre des Finances, ainsi qu’un de ses neveux.
Dans la nuit de jeudi à vendredi, des centaines de manifestants s’étaient dirigés vers le domicile du président Gotabaya Rajapaksa pour réclamer sa démission. À Nuwara Eliya (centre du pays), les manifestants ont bloqué l’ouverture d’une exposition de fleurs par l’épouse du Premier ministre Mahinda Rajapaksa, Shiranti, selon la police.
Les villes de Galle, Matara et Moratuwa, dans le sud, mais aussi d’autres villes du nord et du centre du pays étaient troublées par des manifestations contre le gouvernement.
L’île d’Asie du Sud connaît de graves pénuries de produits de première nécessité, une inflation galopante et des coupures d’électricité paralysantes. Beaucoup craignent que le pays, qui traverse sa pire crise économique depuis son indépendance en 1948, fasse défaut sur sa dette extérieure.
Deux cars militaires et une jeep de la police avaient été incendiés dans la nuit de jeudi à vendredi. Les manifestants avaient jeté aussi des briques sur les forces de l’ordre et monté une barricade de pneus enflammés sur l’un des grands axes de Colombo.
Au moins deux manifestants avaient été blessés par des tirs de la police – la nature des balles utilisées, réelles ou en caoutchouc, n’était pas claire dans l’immédiat. Quatre autres personnes avaient été blessées par un véhicule de sécurité. Cinquante-trois manifestants ont été arrêtés, selon la police. Des médias locaux ont également fait état de l’arrestation de cinq photographes de presse qui auraient été torturés au commissariat local, des accusations sur lesquelles le gouvernement a promis d’enquêter.
Manquant cruellement de devises étrangères, l’île de 22 millions d’habitants a imposé une vaste interdiction d’importations en mars 2020, entraînant de graves pénuries sur les produits de première nécessité. L’inflation s’est établie à 18,7 % en mars à Colombo, sixième record mensuel consécutif, avec une hausse record des denrées alimentaires, selon les derniers chiffres officiels.
Le gazole était introuvable dans l’intégralité des stations-service de l’île, selon les autorités et les médias. Faute de diesel pour les générateurs, l’État avait dû imposer, jeudi, une coupure d’électricité généralisée pendant 13 heures, la plus longue jamais enregistrée. Plusieurs hôpitaux publics ont cessé les opérations chirurgicales par manque de médicaments.
« Printemps arabe »
« La manifestation de jeudi soir a été menée par des forces extrémistes appelant à un printemps arabe », a déclaré le bureau de la présidence dans un bref communiqué, une référence aux manifestations antigouvernementales qui ont bouleversé les pays arabes il y a plus de dix ans en réaction à la corruption et à la stagnation économique.
Le ministre des Transports Dilum Amunugama a affirmé que des « terroristes » se trouvaient derrière l’agitation. Le couvre-feu de la nuit a été levé tôt vendredi matin, mais la présence policière et militaire a été renforcée à Colombo, où l’épave calcinée d’un bus bloquait toujours la route menant à la résidence du président.
Des mesures de sécurité accrue avaient été prises dans tout le pays après des appels à manifester nationalement vendredi. Des messages sur les réseaux sociaux invitaient les gens à protester pacifiquement devant leur maison. Des vidéos de la manifestation de la nuit partagées sur les réseaux sociaux, dont l’AFP a vérifié l’authenticité, montraient des hommes et des femmes exigeant la démission du clan présidentiel.
La situation difficile du Sri Lanka a été aggravée par la pandémie de Covid-19 qui a torpillé le tourisme et les transferts de fonds. De nombreux économistes affirment également qu’elle a été exacerbée par la mauvaise gestion du gouvernement et des années d’emprunts accumulés.
Le gouvernement a déclaré chercher l’aide du Fonds monétaire international tout en demandant des prêts supplémentaires à l’Inde et à la Chine.
Avec AFP
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