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La reconnaissance faciale en temps de guerre selon Clearview

Publié le : 16/03/2022 – 09:48

L’entreprise américaine Clearview AI, spécialisée dans la reconnaissance faciale, offre gratuitement son logiciel à l’Ukraine, et plus spécifiquement au ministère de la Défense.

Les technologies de reconnaissance faciale permettent d’identifier par la forme du visage toute personne passant devant une caméra. Concrètement, des images vidéo captées en direct sont comparées, généralement, à des photos qui ont été stockées dans une banque de données.

L’entreprise Clearview, qui est basée à New-York, est devenue depuis longtemps l’expert mondial de l’analyse de ces images qui sont pour la plupart issues des photos circulant sur les réseaux sociaux. La firme a développé des moteurs de recherche spécifiques qui sont couramment employés par des agences de sécurité privées et des autorités policières du monde entier pour confondre d’éventuels auteurs d’infractions. 

La base des images de l’entreprise regroupe plusieurs milliards de photographies récoltées sur la Toile. Cette masse gigantesque de portraits numérisés a été constituée sans avertir les internautes, une activité contraire au Règlement général sur la protection des données en Europe.

À écouter aussi : Reconnaissance faciale: où fixer la limite ?

Promouvoir la reconnaissance faciale

La firme qui a annoncé avoir offert gratuitement son logiciel à l’Ukraine, et plus précisément au ministère de la Défense, oriente sa communication uniquement sur le côté positif de son système. Mais dans plusieurs pays, Clearview AI a fait l’objet de sanctions, principalement pour son non-respect des données personnelles des individus nous rappelle Paul Olivier Gibert, président de l’Association Française des Correspondants à la protection des données à caractère personnelles : « Pour l’Ukraine, le logiciel Clearview est destiné à faciliter l’identification des victimes des bombardements, de retrouver les personnes isolées, de rassembler les membres des familles réfugiées. Mais le système est mis à contribution aussi pour une utilisation plus délicate comme l’identification d’espions russes (avec le danger des faux positifs que génère immanquablement ce dispositif en analysant des photos, ndlr)».

Ces technologies de reconnaissance faciale qui sont extrêmement puissantes peuvent être aussi employées à des fins d’oppression. « Le règlement européen sur les données personnelles pose finalement ce principe obligeant les entreprises sur le Web à ne pas faire n’importe quoi avec les données des internautes sous peine d’un certain nombre de sanctions. En revanche, le RGPD est une réglementation qui a été mise en place en temps de paix, elle est difficilement opérante en période de guerre. Mais les guerres ne durent pas en permanence et c’est un référentiel sur lequel on doit s’appuyer pour faire respecter les enjeux du respect des libertés individuelles », souligne Olivier Gibert.

Les outils numériques de la vérification des faits de l’Open Source Intelligence et investigation (OSINT), utilisent déjà la reconnaissance faciale pour contrôler l’origine et les auteurs des vidéos de propagande en ligne.

Une surveillance biométrique qui pose question

Après plusieurs enquêtes internationales le système Clearview AI a été interdit dans plusieurs pays, notamment, après les plaintes lancées par quatre organisations non gouvernementales regroupées au sein de l’association Privacy International qui avaient déposé des recours devant les Cnil française, italienne, autrichienne, grecque et britannique concernant notamment la vente à des services de police de sa technologie de reconnaissance faciale.

En février 2021, un rapport du Commissariat canadien à la protection de la vie privée avait estimé qu’elle avait exercé au Canada une « surveillance de masse » illégale. Le rapport indiquait que « plus de trois milliards d’images de visages » avaient été récoltées. La société s’est retirée du marché canadien.

En France, la Cnil, Commission nationale de l’Informatique et des Libertés, avait mis Clearview en demeure en décembre 2021. Mais la sanction la plus récente vient d’Italie où la firme américaine a écopé, ce 9 mars, de 20 millions d’euros d’amende, pour non-conformité au RGPD, le règlement européen sur les données personnelles. 

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