Ekaterina Andreïeva va bien, merci. Lundi 14 mars, après « l’incident », elle s’était affichée dans une courte vidéo, musique orientale et position du lotus : « D’où vient mon calme ? Du yoga. » Mme Andreïeva, 56 ans, est l’autre vedette de cet épisode qui a enflammé les réseaux sociaux en Russie et dans le monde : l’irruption d’une journaliste de la Première chaîne, en plein journal télévisé, pancarte à la main et slogans antiguerre à la bouche.
Mardi 15 mars, Ekaterina Andreïeva est de retour à son poste, celui qu’elle occupe sans interruption depuis 1998 : présentatrice du JT de 21 heures, sur la principale chaîne publique. Même débit de mitraillette que la veille, même visage de cire connu dans tous les foyers russes. La présentatrice s’est changée, mais son tee-shirt affiche, comme la veille, un cœur malicieux.
Place aux « héros »
Normalité en plateau, normalité d’un journal télévisé russe largement consacré à l’« opération spéciale » conduite par l’armée russe en Ukraine. Les nouvelles du front sont sommaires : « Aujourd’hui, le ministère de la défense a fait état de la liquidation d’une base de néonazis et de mercenaires étrangers dans les environs de Kiev », informe la présentatrice. Brèves images de véhicules détruits et d’armes – américaines – saisies. Pour une fois, pas de rapport sur les défections en masse de soldats ukrainiens mal nourris fuyant « le fascisme ».
Place, plutôt, à « nos héros, ceux qui risquent chaque jour leur vie pour la paix en Ukraine et la sécurité de la Russie ». Exploits des décorés du jour (« a contre-attaqué sous le feu ennemi… »), visite à l’hôpital de quelques blessés. « Tous sont impatients de retrouver leur unité », assure Ekaterina Andreïeva. Héros encore, ces soldats russes qui distribuent de l’aide humanitaire à des habitants de la région de Kiev, « où les magasins ont été pillés ». Les hommes travaillent « avec attention et respect ». Un médecin militaire donne des gouttes pour les yeux à un enfant, sa mère est émue.
Fait inhabituel, l’ouverture du journal est consacrée à Marioupol, un nom que l’on entend peu à la télévision russe : « Enfin en liberté, des habitants racontent les horreurs que leur font subir les nationalistes ukrainiens. » Habitués aux récits de ces horreurs, les téléspectateurs en seront pour leurs frais. Est seulement montrée l’arrivée d’un autobus de réfugiés de la ville côtière ukrainienne, « qui ont fui en rampant sous les tirs ». Leurs immeubles ont brûlé ou sont détruits. Ils sont épuisés, âgés pour la plupart, mais on n’en saura pas plus : ni ce qu’ils ont fui, ni pourquoi leur ville est bombardée, et encore moins par qui.
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